• LES FORMES DE L'EAU I

     
    LES FORMES DE L’EAU

      Tu n’es pas incolore : tu reflètes le ciel Tu n’es pas inodore : tu sens les algues marines Tu n’es pas insipide : tu es le sel Je ne t’ai jamais quittée : tu es en moi Mer intérieure, mer clandestine Je suis fait de toi  
    En sortant des ondes, je t’ai emportée
    Eau codée jetée sur la terre Poussé par le hasard et la nécessité Vers une aventure fabuleuse Je suis resté longtemps près de ton univers Près du sein de la mer accoucheuse   Puis l’eau a marché sur la terre Elle a pris les formes les plus belles Ou les plus grotesques Le sculpteur délirant et cruel M’a attribué une forme simiesque   Regarde ce que je suis devenu Je jette mes ordures dans tes flots Regarde cet inconnu Pirate gorgé de sang et d’eau Mais toujours assoiffé De la naissance au tombeau
    Jamais apaisé

    Paul Obraska



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    LES AMANTES   Va-et-vient des mers, amantes obstinées L’écume aux lèvres, les yeux scintillants Sur la peau granuleuse des côtes abandonnées Leurs bras étreignent les continents   Grosses d’une vie grouillante et fabuleuse De navires engloutis, de marins fascinés Elles veulent prendre les terres amoureuses Qu’elles ont jadis ensemencées   Avec la douceur câline ou la passion déchaînée          Des plaintes chuintantes ou de sourds grondements Elles se jettent à l’assaut des terres convoitées   Elles veulent sans relâche attirer les infidèles Les dissoudre encore une fois en leur sein mouvant Et revivre la Création dans une étreinte mortelle


    Paul Obraska


     

    MAREE BASSE   Avec un bruit de succion Comme un dernier baiser La mer s’est retirée Plus près de l’horizon   Chaque jour, sur rendez-vous Elle dévoile son intimité Relève sa robe et ses dessous Montrant ses touffes herbacées   Elle dénude en passant Les bateaux échoués Leurs ventres gonflés Dans le sable gluant   Elle viendra de nouveau Grande dame lunatique Recouvrir de ses flots 
    Ses dessous impudiques

    Paul Obraska



     

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    ALGUES
      Les hardes d’algues s’étalent sur la terre humide Abandonnées sur le sol par le corps de la mer Les traînées de guenilles verdâtres macèrent En exhalant dans l’air des effluves putrides   Les mouettes blanches à tête noire piaillent Leur corps de ballet tourne et plane Avant de fourrager les entrailles De la mangeoire océane   Comme les chercheurs de coquillages Buste incliné vers la boue puante Mollets nus ou bottes montantes   Un soleil gris argente les flaques du marécage Et les bateaux sur leurs quilles branlantes

    Se dressent ridicules privés de mouillage

    Paul Obraska






    CIMETIERE MARIN   Carcasses vides fendant la terre Boîtes dérisoires couchées sur le flanc Mâts dépouillés pointant dans l’air Sans pouvoir capter le vent   Poissons morts hors de l’eau Etalés sur le sable humide Après les ultimes soubresauts Immobiles sur la terre perfide   Squelettes rongés par les eaux Les poutres comme des côtes sans chair  Dressent leurs bouts d’os Epargnés par la mer   Leurs flancs ont porté tant de cargaisons Leurs coques ont sauté vagues et creux Leurs proues ont pointé tant d’horizons   Coursiers abattus entre terre et cieux Si beaux sur les flots et dans la risée Si laids ventre à l'air, les flancs troués

    Paul Obraska

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  • Commentaires

    1
    Lundi 25 Février 2008 à 20:02
    bonjour, magnifique blog que je viens de découvrir, j'ai aimé lire ce que vous écrivez. Je vous souhaite une excellente soirée et vous dit à bientôt Amicalement
    2
    Mercredi 21 Mai 2008 à 23:34
    Paul, ce soir je reprends votre blog depuis le début, parce que j'ai réalisé que je suis loin d'avoir tout lu ... Happée par la force de vos mots qui font surgir des images d'abord douces puis violentes ... parce que le monde est ainsi ...
    3
    Vendredi 1er Janvier 2010 à 19:50
    Superbes tous ces poèmes ayant la mer pour unique rivage.
    4
    Vendredi 1er Janvier 2010 à 19:57
    Merci. Peu de visiteurs les exhument.
    Dr WO
    5
    marie-helene
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:45
    Bravo pour tes talents de poéte! "les amantes"et marée basse"ont particulièrement caressé ma sensibilité.
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