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Le pari du Grand Paris
Il y a peu j'ai lu le roman d'Aurélien Bellanger intitulé "Le Grand Paris", paru fin 2016. Un roman inclassable, poétique, politique (sur le quinquennat de Sarkozy), urbanistique, traitant, entre autres, des banlieues et notamment du 93, territoire inquiétant. Cette lecture m'a rappelé que j'avais publié sur ce blog, en mai 2009, un billet intitulé "Le grand pari" (dans "Fables") que je reproduis ci-dessous :
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Les banlieues des grandes villes posaient depuis longtemps des problèmes à ceux qui nous gouvernent et ce, quel que soit le gouvernement. Certes, certains en tiraient avantage et trouvaient là l’occasion de montrer leurs muscles, de préférence avant une élection, mais dans l’ensemble la banlieue restait toujours un sac de nœuds.
Pourquoi ? Parce que la banlieue est sensible. Non, il ne s’agit pas de la sensibilité du romantique, la banlieue n’est pas romantique, elle est malade. La banlieue est sensible dans le sens médical : quand on la touche, elle s’agite et parfois elle crie lorsqu’on appuie là où ça fait mal. En médecine lorsqu’un organe ne peut être sauvé, lorsqu’il n’est pas indispensable et qu’il risque de perturber le reste de l’organisme, on l’ampute.
C’est ainsi qu’un jour, nos gouvernants pensèrent que pour défaire les nœuds contenus dans le sac des banlieues, la solution la plus simple était de supprimer le sac et son contenu, c’est à dire les banlieues elles-mêmes.
On commença par le Grand Paris en réalisant une métropole allant jusqu’au Havre, englobant villes et banlieues, ces dernières cessant ainsi de l’être. Bien sûr, cette tentative fut un échec, car une nouvelle banlieue se créa en périphérie du Grand Paris. Il fut donc décidé de créer de grandes métropoles sur tout le territoire : Grand Lille, Grand Lyon, Grand Marseille, Grand Bordeaux…etc.…Bien entendu autour de chaque nouvelle métropole se créaient de nouvelles banlieues, mais admirez la sagesse de nos gouvernants : il arriva un jour où toutes ces grandes métropoles se rejoignirent, rejetant à la mer ou aux frontières les banlieues qui prétendaient à nouveau se créer.
C’est ainsi que depuis on voit des banlieusards entassés sur des bateaux de fortune tenter de rejoindre les côtes et d’autres franchir les frontières cachés dans des camions.
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Espaces d'Abraxabas de Noisy-le-Grand créés par Ricardo Bofil (1984). Utopie grandiose qui a mal tourné (mais qui sert de décor pour y tourner des films).
Dans le roman "Le Grand Paris", le héros exprime son admiration devant ce monumental ensemble architectural construit en banlieue (93), en passe d'être rénové, et dont l'image ne donne qu'une petite idée. VOIR
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Commentaires
2Souris doncSamedi 13 Mai 2017 à 18:48Chut, Dr Wo, on ne dit pas banlieue (et encore moins cité), on dit quartier sensible. Mieux : ZUS, zone urbaine sensible, sur lesquelles on déverse les milliards de la Politique de la Ville (Les Théo, de la matraque sodomite, ont tout compris : en 3 ans, ils ont détourné autant que Fillon en 10 ans). Ou zone de redynamisation urbaine, ZRU, objet de contrats urbains de cohésion sociale, CUCS.
Y en a qui l'ont dans le CUCS.
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Samedi 13 Mai 2017 à 19:02
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3Un Cœur qui batDimanche 14 Mai 2017 à 08:11Cher Doc, ce sujet est effectivement très sensible car sociétal. Les politiques ont commis de graves erreurs (urbanistique au départ...) il y a un demi siècle en fabriquant autour de nos banlieues de véritables ghettos devenus des zones de non droit. Sans décisions radicales nos "cités" ressembleront à celles des périphéries d'Amérique du nord.....synonyme de fractures entre les classes et les communautés.... un pays à 2 vitesses... Des poudrières en sommeil prêtent à s'embraser à la moindre étincelle..... Très bon dimanche-
Dimanche 14 Mai 2017 à 09:37
Des erreurs ont été faites au départ, mais beaucoup d'efforts ont également été faits par la suite et beaucoup d'argent dépensé parfois à mauvais escient. Les populations elles-mêmes ont souvent détérioré leur propre habitat ou leur environnement et la mixité, comme les petits commerces, ont tendance à disparaître, les "petits blancs" (et même les gens aisés qui avaient investi dans un appartement neuf ou un pavillon) ont fui ces quartiers, lorsqu'ils le pouvaient, en raison de l'insécurité ce qui a eu pour conséquence la création de ghettos ethniques.
On parle de banlieues défavorisées, mais elles ne sont pas défavorisées par l'absence d'infrastructures : transports (à condition que les chauffeurs ne soient pas agressés), écoles, équipement sportifs etc...( pour ma part, j'ai longtemps joué au tennis au stade municipal de Clichy -sous bois).
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4Souris doncLundi 15 Mai 2017 à 08:53Je n'ai jamais trop bien compris l'engouement pour Ricardo Bofill dans les années 80. Certes il est parti en guerre contre les barres HLM, en voulant du beau pour les prolos. Mais c'est aussi ce que voulaient les soviétiques en installant lustres et marbres dans le métro de Moscou. Bofill, avec son architecture monumentale, académique, néoclassique, reprend les codes des bâtiments staliniens et à la Albert Speer.
Mais je dois faire un grossier contresens.
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Lundi 15 Mai 2017 à 09:17
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Si ca n'a pas marché, c'est qu'il était en avance sur son temps : on dirait le siège du Haut Conseil de la planète Klingon dans la galaxie Qo’noS
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Lundi 15 Mai 2017 à 12:05
C'est un ensemble futuriste, il a d'ailleurs servi de décor pour le film "Brazil". Cela n'a pas marché non en raison de l'architecture mais en raison de l'invasion des dealers et des gangs. c'est une partie de la population qui s'y trouve qui a pourri l'endroit, faisant fuir les autres. Reste qu'il y a eu également un défaut d'entretien d'après ce que j'ai pu lire.
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Et c'est comme cela que nous deviendrons un "petit pays"!
Mais une grande ville.