• Le marché aux maîtres

     

    On s’était aperçu que changer de camp, passer d’un parti à un autre n’était pas simple. Or, comme les convictions étaient devenues secondaires, les actions des uns pouvaient être approuvées par les autres et les opposants auraient sans doute fait la même chose s’ils avaient été aux affaires, même s’ils étaient dans l’obligation de dire le contraire.

    Pourtant, passer dans le camp opposé était mal vu : le camp que l’on quittait traitait le transfuge de traître et le camp qui l’accueillait le traitait d’intrus car il usurpait une place que les fidèles auraient aimé occuper, si bien que l’on confiait au transfuge les actions les plus extrêmes et les plus impopulaires.

    Le Congrès se réunit afin de clarifier et de simplifier les choses. Les élus de la nation décidèrent d’innover, avec un courage digne d’éloges, en créant un marché aux maîtres à l’image d’un marché aux esclaves.

    Chaque année eut lieu une exposition à la Porte de Versailles où chaque parti devait montrer les hommes et les femmes politiques susceptibles d’être cédés. Exposés sur l’estrade à la vue de tous, ils devaient être à leur avantage, maquillés, costumés, un maroquin sous le bras. Il était demandé à chacun de prononcer un bref discours en utilisant la langue de bois et de répondre sans rien dire à quelques questions des journalistes présents.

    Le parti au pouvoir était certes avantagé, il avait plus à proposer aux transfuges que le parti dans l’opposition, mais il avait aussi intérêt à se débarrasser de quelques exemplaires dont il ne savait que faire, et les opposants pouvaient leur donner l’espoir des plus hautes fonctions au moment de l’alternance. En fait, l’essentiel des transactions se faisait sous la forme de trocs : un politicien contre un autre, sachant que chacun d’eux pouvait changer de discours à la demande.

    Le marché aux maîtres donna à la politique plus de souplesse, plus d’ouverture, moins d’hypocrisie et d’agressivité, car il s’avéra qu’un transfuge sommeillait dans chaque politicien et que quel que soit son sexe, c’était avant tout une personne à tout faire, même quand elle ne faisait rien.

    « Plan de batailleLa fable du bonimenteur »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 18:44
    Surtout quand elle ne faisait rien.
    Ce sont les politiciens qui en font le moins qui sont les plus appréciés par le peuple qui voit dans leur immobilité un signe de bienveillance.
    2
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 18:59
    Pour aller loin, il faut ménager sa monture : le peuple.
    Dr WO
    3
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 19:27
    Vous êtes sûr que c'est une fable ? J'ai comme une impression de déjà vu ou entendu...
    4
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 20:40
    Edgard Faure disait à ceux qui lui reprochaient de tourner comme une girouette : "ce n'est pas moi qui tourne, c'est le vent"
    Dr WO
    5
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 20:42
    C'est la réalité jusqu'à l'absurde.
    Dr WO
    6
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 21:04
    Ce texte est magnifique... tout y est dans l'analyse de notre politique actuelle
    Je l'ai lu deux fois, puis une à voix haute...
    Vous êtes génial...
    7
    Jeudi 5 Novembre 2009 à 22:58
    Là, je ne sais plus où me mettre, sinon au lit pour y faire de beaux rêves.
    Dr WO
    8
    Vendredi 6 Novembre 2009 à 08:54
    Joli point de vue vestimentaire.
    Dr WO
    9
    Vendredi 6 Novembre 2009 à 11:17
    Beau billet Doc, et belle analyse de nos politiques
    Ce ne sont que des opportunistes :les champions de l’anémotropisme….. !
    Bonne journée
    Bizzzzzzzzzz
    ZAZA
    10
    Vendredi 6 Novembre 2009 à 13:09
    Et si les maîtres eux-mêmes changent de camp, qu'est-ce qui se passe ?
    11
    Vendredi 6 Novembre 2009 à 16:53
    Anémotropisme. Joli terme. Les politiques sont en effet sensibles au vent.
    Dr WO
    12
    Vendredi 6 Novembre 2009 à 16:54
    Ils entraînent les petits maîtres avec eux, en affirmant qu'ils restent droits dans leurs bottes.
    Dr WO
    13
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:23
    Le peuple? la aussi il y a de la girouette.
    14
    leonie
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:23
    Dans toute cette mascarade on trouve tout un petit monde qui : change de veste, retourne sa veste, se prend une veste etc... mais qui mouille sa chemise?
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