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La puce à l'oreille
MADONE
Une jeune fille, laissant un peu de ses seins apparaître
Visage rond et bras dodus
Accoudée à la fenêtre
Est penchée sur la rue
Elle ne regarde pas les gens passer
Le défilé des toits des voitures multicolores
Les casques jaunes des noirs creusant un fossé
Les réverbères dressés pour que les chiens les honorent
Elle n'écoute pas les sons tonitruants qui s'échappent
Et s'évanouissent des voitures en mouvement
Les vociférations scandées du rap
Les paroles mystérieuses des mélopées d'orient
La jeune fille accoudée est seule au monde
Le visage pénétré d'une madone
Rien ne peut la distraire à la ronde
Elle téléphone
Paul Obraska
Le téléphone portable, irremplaçable pour l'urgence, s'est transformé en doudou pour adultes et en moyen de communication perpétuelle, même lorsqu'on a rien à dire et simplement pour savoir où se trouve une autre personne et dire où on se trouve soi-même. Ce qui, il faut en convenir, est d'un intérêt limité.Les personnes seules espèrent qu'un jour le téléphone qu'elles emportent soigneusement sonnera. Peut-être qu'elles seront surprises au volant de leur voiture au risque de provoquer un accident.
Le portable a cela d'étonnant que, dès qu'il est porté à l'oreille, il semble se construire instantanément autour, comme par miracle, une cabine téléphonique protectrice. Si bien que les personnes parlent comme si le monde autour d'eux avait disparu, n'entendait pas et ne présentait aucun danger. La preuve en est que les cyclistes conduisent d'une main et les piétons traversent la chaussée en pleine conversation sans se préoccuper des voitures.
Bien sûr dans les lieux publics les autres ne sont pas sourds et entendent parfois des choses très intimes. Si l'on prend le bus aux mêmes heures on peut suivre avec intérêt les démêlés de chacun et surtout de chacune.
La mise en scène des films a elle-même changée. Une partie de l'intrigue et du dialogue se passe dans la rue avec un seul acteur et il est beaucoup plus rare à présent de voir un malheureux chercher désespérément une cabine téléphonique libre, ce qui enlève une partie du suspense (il est vrai que l'on peut avoir une batterie épuisée, également prétexte pour interrompre une conversation qui vous est désagréable).
Les sonneries sont très enrichissantes sur le plan musical. Pour peu que les sonneries soient identiques ou voisines, on voit, lorsque l'une retentit dans un lieu public, plusieurs personnes indiquer aux pickpockets où se trouve leur portable.
Les femmes mettent le plus souvent leur appareil dans leur sac au risque de ne pas l'entendre sonner. Les hommes le mettent fréquemment dans la pochette de leur veste et un nombre impressionnant de téléphones se retrouvent dans la cuvette des WC.
J'ai vu un jour dans le métro une musulmane ouvrir la porte du wagon, tout en téléphonant, après avoir coincé son portable entre son oreille et son voile, un intérêt du voile qui a probablement échappé aux instances religieuses
Le portable est un appareil espion qui permet de se faire repérer. Les adultères se sont compliqués, certes on peut fermer son téléphone, mais cette manœuvre même devient suspecte et on est obligé d'ajouter aux mensonges habituels des histoires de couverture (de réseau, pas de lit) ou de tunnels malencontreux.
Ce ne sont pas les seuls inconvénients possibles des téléphones portables. Il n'est aucunement démontré que leur utilisation provoque des tumeurs cérébrales (si la démonstration est un jour faite, il sera bien entendu trop tard) mais on peut d'ors et déjà choisir sa localisation éventuelle, à droite ou à gauche (à éviter pour les droitiers). Les ondes auraient même accéléré le vieillissement des rats alors qu'ils n'étaient même pas soumis à des conversations insipides.
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Commentaires
Je me dis quelquefois que dans les accros au téléphone portable, il doit bien y en avoir qui signent des pétitions contre les antennes relais...Nous sommes de plus en plus noyés dans les ondes et nous ne connaissons pas les conséquence dans l'avenir.
Dr WO4JeffanneLundi 7 Janvier 2013 à 16:39C'est un simple "bonjour" que je laisse en passant... Je reviendrai sur ce blog un peu plus tard parce qu'il me faut du silence pour apprécier la poésie et - je pourrais dire cela aussi - pour apprécier le charmes des mots et plus encore... J'aime beaucoup la pensée sur l'humour, citée en marge.... A plus tard.
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Paul O.