• La prime aux crapules

     

    La prime aux crapulesIsabelle Prime avait été prise en otage au Yemen par des individus déguisés en policiers. Elle travaillait comme consultante pour "Ayala Consulting Corporation", la branche américaine d’un groupe spécialisé dans la protection sociale.

    La voilà de retour et tout le monde s’en réjouit. Hollande a salué le grand courage de Mlle Prime et celle-ci a déclaré qu’elle sentait que la France était derrière elle.

    C’est beau comme de l’antique.

    « Elle s’est retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment », a commenté une source diplomatique.

    C’est le moins que l’on puisse dire. Faire du « consulting » et de la protection sociale, en ce moment et à cet endroit, est en effet des plus mauvais. Un pays en guerre civile où les combattants ne reconnaissent plus leurs petits, entre les chiites, les sunnites, les gouvernementaux, Al Qaida, et l’Etat islamique, sans compter les crapules poussées par l’appât du gain sous couvert ou non d’une idéologie à défendre. Et il faut y ajouter depuis quelque temps les bombardements de la coalition sunnite menée par l’Arabie Saoudite qui accroissent le calvaire des populations civiles s’il en reste encore.

    Hollande a salué le grand courage de la consultante qui voulait se rendre utile. Fort bien. Grand courage ou inconscience ? La France était derrière elle. Sûrement. Mais quelle a été le prix de sa libération ? Quelle a été la rançon négociée par le sultan d’Oman : argent, armes ou libération de criminels, une modalité n’excluant pas l’autre.

    Mlle Prime voulait se rendre utile. Elle aurait pu l’être aussi en France et à moindre frais. Mais voilà c’est moins « héroïque » et moins exotique. Il existe, certes, des structures d’aide en France mais cela n’empêche pas des gens de dormir et de faire caca dans la rue. Le "consulting" humanitaire est sans doute rémunéré, pas le bénévolat.

    Dire que l’humanitaire n’est pas utile serait être de mauvaise foi. Mais n’est-ce pas une forme de colonialisme paternaliste ? Les premiers colonisateurs étaient souvent mus par de bons sentiments : apporter aux peuples attardés les bienfaits de la civilisation. Les humanitaires viennent apporter aux peuples déshérités la moralité des bienfaiteurs et ce qu’ils sont incapables d’obtenir par eux-mêmes. Une protection en quelque sorte, sur laquelle les peuples secourus finissent parfois par cracher, ce qui n'exclut pas d'enlever auparavant les bienfaiteurs, proies faciles et largement rémunératrices car venant de pays où la vie a un prix.

    La prime aux crapules

    C’est le côté pile du « bon samaritain » du jardin des Tuileries. Ensemble statuaire qui montre bien que celui qui porte secours est aussi nu que celui qui est secouru.

    « Salut de NoirmoutierLa pharmacie mondiale (bis) »

  • Commentaires

    1
    Samedi 8 Août 2015 à 17:41

    De prime abord, cette jeune femme a eu un comportement primesautier de s'en aller faire du consulting humanitaire dans un pays à haut risque. Son employeur avait du lui garantir une bonne prime pour ce boulot, et résultat des courses, ce sont les détrousseurs de grands chemins qui viennent d'empocher une bonne prime ! Il y vraiment de quoi déprimer ! Bonne soirée Doc. ZAZA

    2
    Samedi 8 Août 2015 à 17:51

    Je vois que le jeu de mots vous a inspiré. Bravo.

    3
    Samedi 8 Août 2015 à 21:14

     

    "Consulting" ? Bécasse d'ONG ou bécasse de SR. Son interprète locale, Cherine Makkaoui, prétend qu'une rançon de 3 millions a été payée. Mais chut ! C’est le sultan d’Oman qui...

    Mais pourquoi donc le Français est-il si coté sur le marché de l’otage ?

     

    4
    Dimanche 9 Août 2015 à 09:12

    En supposant que le gouvernement français, comme il le déclare, ne verse aucune rançon, alors sur quoi portent les négociations ?? On fait la morale aux malfrats ? Une libération en échange de notre pardon ?

    5
    Dimanche 9 Août 2015 à 10:43
    Pangloss

    Vous avez raison de souligner l'hypocrisie de ces négociations qui n'aboutissent à aucun paiement de rançon.

    Et vous avez raison aussi de dire qu'il y a en France largement de quoi donner de l'occupation à des gens dont la fibre humanitaire est titillée par l'envie d'agir. Mais pour eux, soigner des Français en France manque d'exotisme. On pourrait aussi soigner les nouvelles populations qui se précipitent dans notre pays. S'en occuper économiserait pourtant les frais de transport à ceux qui partent soigner à des milliers de kilomètres les compatriotes des migrants qui arrivent chez nous. Oui mais voilà, il manque le dépaysement, la chaleur (avez-vous remarqué que la plupart des humanitaires évite les pays froids et les mauvaises saisons?).

    6
    Dimanche 9 Août 2015 à 11:13

    Sourires et hypocrisie. Il devient lassant et onéreux d'aller repêcher sans cesse ceux et celles qui prennent des risques inconsidérés pour satisfaire d'abord leur ego.

    7
    Dimanche 9 Août 2015 à 13:14

    Bonjour Dr WO

    Vous avez parfaitement analysé la situation.. je me suis fait les mêmes réflexions en suivant l'arrivée de cette jeune femme.. elle a pris des risques inconsidérés et devrait s'interroger sur le rôle qu'elle et sa société pourraient tenir en France pour soulager les misères qui s'y trouvent.. 

    8
    Dimanche 9 Août 2015 à 14:56

    Certains diraient que s'occuper des problèmes des autres, c'est prévenir des problèmes chez nous, mais même dans cette perspective, c'est se faire beaucoup d'illusions.

    9
    Lundi 10 Août 2015 à 08:05

    Lire "Checkpoint" de Jean-Christophe Rufin : toutes les motivations "humanitaires" y sont, même les moins reluisantes. En fait, aucune n'est reluisante.

    10
    Lundi 10 Août 2015 à 08:58

     

    Je ne vois qu’une solution vraiment humanitaire et sans risque de rapt-et-rançon : parachuter des rations de survie avec de la pilule dedans. Limitation des naissances, moins de bouches à nourrir et à envoyer se nourrir chez les autres. Limiter les espèces invasives, un objectif des plus écolos.

     

    11
    Lundi 10 Août 2015 à 09:53

    Si les pauvres se reproduisaient moins, il y aurait moins de pauvres.

    12
    Lundi 10 Août 2015 à 10:38

    SOURIS DONC.

    Dans un article précédent (Don de soi), j'avais noté cette phrase de Musil dans "L'homme sans qualités": « Chacun le sait, ne pas pouvoir s’entendre avec son voisin mène souvent à se dévouer à l’humanité ; de même, un ardent et secret désir de Dieu peut apparaître chez un asocial trop rayonnant d’amour. »

    Cette phrase a été écrite bien avant la naissance des ONG (mise à part la Croix- Rouge) qui fleurissent dans le monde et dont l’utilité est certaine. Mais quelles sont les motivations qui poussent des personnes à se dévouer à une cause en abandonnant leur famille, leurs amis, leur milieu, leur métier (dans le cas où ces personnes dévouées en ont un) ? Plus que le dévouement, la compassion ou un idéal, n’est-ce pas aussi un mal-être ? Une insatisfaction ? Le rejet de son entourage ? L’échec dans ses entreprises ? Le besoin de se valoriser en fuyant la banalité des jours ? Combien de gens dévoués aux autres se révèlent exécrables pour leurs proches ou leurs collaborateurs. Paradoxalement, le don de soi pourrait être aussi une fuite de ses responsabilités au quotidien vis-à-vis de ses proches. Se consacrer aux anonymes, dont on obtient de la reconnaissance, évite toute décision pour soi-même en dehors de la décision initiale de revêtir l’habit de bienfaiteur.

    Quant aux solutions que vous proposez, elles ne manquent pas de cynisme, si je ne conteste pas leur efficacité théorique, je doute de la possibilité de leur application, surtout pour la limitation des naissances qui se heurte toujours à l'obscurantisme des religions, au manque d'éducation et au machisme ambiant.

    13
    Mardi 11 Août 2015 à 09:08

     

    Ce n'est pas du cynisme, c'est de la lucidité, Dr Wo. Le problème, quel que soit le bout par lequel on le prend, est la surpopulation (épuisement des ressources, pollution, guerres, migrations).

    Or curieusement, ces fléaux ne sont vus que comme des conséquences de l'Occident colonisateur. Car s'en prendre à l'irresponsabilité de la surCopulation, c'est raciste et ça stigmatise.

    Donc, on va rester sur un diagnostic pour le moins frivole. L'Occident colonisateur responsable, c'est simple comme un slogan, ça dispense de toute autre analyse, permet de s'en tenir aux habituelles leçons de morale de nos chaisières.

     

    La réalité qu'on ne saurait voir :

    4 milliards de terriens en 1975

    7 milliards en 2015. Différentiel naissances/décès par jour  : + 300 000

    10 milliards en 2025

     

    Les chaisières d'ONG ont de beaux jours devant elles. L'ambigu "Don de soi" que vous décrivez avec justesse. Aller faire le bien aux pauvres petits Africains, "du consulting pour la protection sociale", celle-là, elle est inédite et il faut l'encadrer.

     

     

     

     

    14
    Mardi 11 Août 2015 à 11:04

    Le cynisme est une expression de la lucidité, mais sa franchise gêne et devient alors provocatrice. La surpopulation est évidemment un phénomène majeur. Elle va toucher l'Asie et l'Afrique (4 milliards prévus je crois) alors que la population baissera en Europe. On ne pourra guère lutter contre les "vases communicants". Quant aux séquelles du colonialisme, l'argument est un peu usé et ceux qui l'utilisent n'y croient pas eux-mêmes. Par contre la méthode Coué est de plus en plus utilisée pour l'Afrique "en marche" dont on vante le taux de croissance (hors celui de la population)

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