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Ig Nobel ?
Annie Ernaux vient d'obtenir le prix Nobel de littérature. Elle avait déjà eu le privilège d'avoir été l'héroïne d'un de mes billets en février 2018. Je vous le livre dans son intégralité afin que vous puissiez juger de ma clairvoyance et de mon flair littéraire :
Par une fatalité à laquelle j’aurais pu aisément m’opposer, j’ai failli lire complètement un troisième roman d’Annie Ernaux. Je viens d’interrompre « La honte » à la page 116, après avoir subi, je ne sais pour quelle raison, « la place » et « L’événement ». Il faut dire que les titres sont aussi brefs que les livres qui dépassent péniblement les 100 pages et comme le disait le non regretté Céline : "en laissant tomber un de ses livres, on ne risque pas de se faire mal au pied". Ce sont des titres percutants qui promettent monts et merveilles, mais ce ne sont que promesses de Gascon : ils recouvrent du vide. De petits souvenirs personnels d’une vie – apparemment – sans relief et médiocre. Un nombrilisme sans intérêt raconté gentiment, une littérature d’agence immobilière (elle excelle dans la description de l’épicerie de ses parents) digne d’un journal intime de jeune fille mais un peu trop délayé à mon goût, mais il faut tout de même dépasser les 100 pages pour être prise au sérieux.
Cette écrivaine (le terme au féminin prend ici tout son sens) est surtout publiée par Gallimard, s’il vous plait, et d’après la dernière page de « La honte » elle a commis 18 livres jusqu’à l’année 2016. Je suppose donc qu’elle a du succès, ce qui explique que ces opuscules m’ont été offerts afin que je puisse rester dans le vent (une brise suffirait) et que je me suis efforcé de les lire par égard pour mes donateurs (qui, je l’espère, ne visitent pas mon blog).
Bien sûr, sur ces 18 livres je n’en ai subi que 3 (c’est à dire 350 pages environ tout de même) en espérant sans doute, en passant de l’un à l’autre, voir apparaître enfin une épaisseur littéraire (je ne parle pas de l’épaisseur du livre, car j’ai lu des livres courts qui étaient des bijoux). Mais peut-être que les 15 autres sont des chefs-d’œuvre, j’en doute cependant car il me semble que Mme Ernaux n’a rien à dire.
Je ne retire évidemment rien à ce billet et je suis consterné que le jury du Nobel n'ait trouvé à couronner que cette nombriliste qui a cru bon d'étaler sa vie médiocre dans de petits livres ennuyeux dans un style de roman de gare. Les grands écrivains encore vivants ne manquent tout de même pas.
Illustration : André Martins de Barros : "le libraire"
Et je donne la parole à Kamel Daoud, écrivain algérien, qui dans cette chronique parue dans Le Point de ce jour a quelque chose à dire :
"Des femmes courageuses ôtent leur voile en Iran et c’est en France que certains s’en retrouvent tout nus. Comment est-ce possible ? Par effet d’éclairage sur les fausses opinions, sur les procès en islamophobie qu’on oppose à la France mais dans le confort, le luxe, la démocratie. Car, aujourd’hui, les Iraniennes montrent ce que coûte la liberté, le courage, la foi en son propre corps.
La facture de l’islamisme est là : la mort et la privation. Elle est montrée à bout de bras. Et ceux qui, ici en France, prônent la liberté en la voilant, l’identité en reculant et le communautaire en choisissant de se taire, les voilà dénudés, exposés dans leur intime conviction monstrueuse et lâche.
L’Occident libre. L’islamisme n’est pas une identité ni du décolonial stylisé, c’est une perte de liberté, un califat, chiite ou sunnite, qui fait peser sur les têtes des femmes et des hommes des ayatollahs aux pouvoirs divins. L’auteur lit, à l’instant, les déclarations scabreuses d’une jeune autrice algérienne qui a fui l’islamisme d’Alger des années 1990, qui a choisi de préserver sa liberté au-delà de la nationalité, de se vêtir comme elle le veut et de se parfumer selon ses rêves, et qui aujourd’hui accuse la France qui l’accueille et la libère.
Que se passe-t-il vingt ans plus tard en France pour elle après avoir quitté Alger ? Elle dénonce l’islamophobie, le néocolonialisme, l’extrême droite dans le pays au bras large. Elle le peut, car en Occident tout est possible, y compris cracher sur la démocratie. Mais c’est fait au moment même où des Iraniennes tombent sous les balles ou croupissent en prison pour avoir revendiqué le droit au corps.
D’où est issue cette schizophrénie de l’exilé typique en Occident qui vient y chercher la liberté et y trouve celle d’y reconstruire sa prison et d’incarner ses bourreaux d’autrefois ? Du mal en soi, du malaise, de la peur et de l’altérité altérée. L’exilé peu aimé, le croit-il, il oppose alors la rancune et, dans le renversement, incarne ce qu’il a fui, plaide pour un islamisme qui l’a chassé de son pays, revendique d’être l’ayatollah de son identité présumée, fétichisée. Une chanson, triste et à voix fausse, du mal-aimé.
Coupables compromissions. L’islamisme tue, le voile assassine, le califat est une prison, les femmes sont courageuses d’incarner nos libertés. Voilà la vérité qui éclaire – en contraste non négociable – nos lâchetés, nos caprices, nos compromissions. Rien ne résiste à cette cruelle lumière qui rend exacts les actes, les paroles ou en souligne la futilité. Les migrants clandestins qui arrivent en chaloupe par la Méditerranée le savent : on proclame rêver d’Arabie islamique utopique, mais c’est vers l’Occident que l’on rame. On crache sur l’Occident au nom de l’Histoire, mais on ne se trompe pas de géographie. La démocratie est belle, elle permet de la mettre en procès. L’islamisme est hideux : on peut le défendre par rancune intime, par haine de soi, mais, à la fin, c’est lui qui vous tue.
Voilà : le coût de la liberté est à voir en Iran. Le surcoût de la futilité, on peut le voir ici en France dans l’âme plate de certains. Ce geste d’arrachement à la tombe, ces cheveux nus, ces sourires face aux balles, ces marches nocturnes pour s’arracher à la nuit. Tout cela, c’est la liberté resplendissante et ensanglantée. Les palabres en démocratie, les polémiques en masochisme national ou les conforts d’exilés sont le contraire de ce courage. Vous y êtes si belles, Iraniennes. Et nous sommes vos ombres compromises. Perdues à découper nos nuances et nos futilités aux terrasses de l’Occident"
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Commentaires
Et je suis 100% d'accord avec Kamel Daoud, il viennent en Occident pour le défaire, et on laisse faire !
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Jeudi 6 Octobre 2022 à 19:58
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- Parfois ( souvent ?) je suis assez heureux qu'un ouvrage n'ait que 100 pages.
- Kamel Daoud est un écrivain remarquable. C'est sur votre blog que je l'ai découvert. Au début, je le trouvais un peu inefficace dans la lutte contre l'islamisme car trop "occidental" pour être entendu dans son pays. Mais peu importe, l'élégance de son écriture et la densité de ses analyses m'ont conquis.
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Jeudi 6 Octobre 2022 à 23:27
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4Souris doncVendredi 7 Octobre 2022 à 15:45-
Vendredi 7 Octobre 2022 à 16:12
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Vendredi 7 Octobre 2022 à 16:24
Donc vous ne jugez pas madame Ernaux sur ses prises de position politiques mais uniquement sur son style et son écriture après avoir lu ou parcouru deux ou trois de ses livres, mais vous jugiez les prises de position de Renaud Camus ou celles de Eric Zemmour sans jamais avoir entrouvert un seul de leurs ouvrages...
Ouais...
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Vendredi 7 Octobre 2022 à 17:36
Ne mélangeons pas tout. Ernaux a obtenu un prix littéraire international, le plus prestigieux, et je la juge en tant qu'écrivaine en ayant lu trois de ses livres. Je juge Zemmour sur ses prises de position politiques suffisamment médiatisées pour être connues sans avoir besoin de lire ses livres, les extraits dont j'ai pu prendre connaissance me paraissant déjà très critiquables. Je n'ai jamais porté un jugement sur Renaud Camus car je ne connais ses positions que très superficiellement.
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5BrindamourSamedi 8 Octobre 2022 à 10:36Quand vous constatez dans quel état de lévitation l’attribution de ce Nobel a mis Libération ou France Culture cela vous permet de tout comprendre même si vous n’avez jamais lu Ernaux.
Je rappelle que cette « autrice » avait organisé la mise à mort sociale et professionnelle d’un grand écrivain français qui n’aura jamais le Nobel: Richard Millet.
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Samedi 8 Octobre 2022 à 10:57
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JoëlleSamedi 8 Octobre 2022 à 14:58
Oui cette "mise à mort" a été scandaleuse!
... Et Richard Millet est un très grand écrivain, il a écrit des romans magnifiques (Ma vie parmi les ombres, Les trois soeurs Piale...)
Madame Ernaux (que je n'aime ni en tant qu'écrivaine, ni en tant que personne depuis cette "affaire"), n'en sort vraiment pas honorée...
Il se dit que c'est sa copine Maylis de Kerangal qui a remplacé Richard Millet au poste qu'il occupait chez Gallimard....Sans commentaires...
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Samedi 8 Octobre 2022 à 15:05
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6dubitatif...Samedi 8 Octobre 2022 à 14:12Si vous croyez que madame machin a été récompensée pour ses talents d'écrivaine (comme vous dites) sans avoir voulu récompenser son militantisme néoféministe, indigéniste, décoloniale, néoécologiste, etc... et mélenchoniste, grand bien vous fasse... ou retrouvez son interviou "la littérature n'est pas neutre".
Ou continuez à penser que le jury était dans un état second, ça rassure et évite de voir la réalité des choses.
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Samedi 8 Octobre 2022 à 15:00
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Comme si les " "prix" "littéraires" " avaient pour but de découvrir ou de valoriser des talents, plus que de faire la promotion (à tour de rôle et selon les saisons) des différentes maisons d'édition !!!
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C'est sans doute vrai pour les prix littéraires nationaux, mais pour le prix Nobel, je ne vois pas le rapprochement avec les maisons d'édition.