• Humour politique

    Le prix de l’humour en politique a été décerné à Alain Juppé. A ce propos je voulais écrire un billet, mais en parcourant la presse, je me suis aperçu que dans « Le Huffington post », Cyrille de Lasteyrie en avait rédigé un dans le même sens que celui que je voulais faire, et avec un talent que je n’aurais pu égaler. Aussi me suis-je permis (sans son autorisation) de le retranscrire.

    Humour politique"En politique on n'est jamais fini ; regardez-moi" a dit Alain Juppé. Il a gagné un prix pour cela. Désolé mais ce n'est pas de l'humour. Au mieux c'est un constat. Au pire c'est du cynisme et de la provocation.

    Ce serait comme remettre le prix de l'humour pédophile à Marc Dutroux. Ou celui de la meilleure blague d'envergure à Jérôme Kiervel. Comme un sentiment d'inapproprié. Le rire forcé devient le mouchoir qu'on met par-dessus nos déceptions, comme la cerise sur le râteau qu'on se prend chaque jour, bercés par les affaires et les petites magouilles entre amis. Humour et politique ne font plus bon ménage, car il faut du respect pour jouir de l'irrespect. Et du respect il n'y en a plus.

    Allez, arrêtons de nous plaindre et essayons de rire quand même. Analysons cette saillie drolatique considérée par un jury de gens brillants comme la plus réussie de l'année et tentons de comprendre. Notons d'abord qu'étaient nominées des tirades beaucoup plus percutantes telles que le « Je crois à un retour de Nicolas Sarkozy... mais menotté » d'Arnaud Montebourg ou le « On a une recrudescence de violence... par exemple le vol des portables à l'arraché. Ca n'existait pas avant que les portables existent » de Nadine Morano. Comme ça, d'instinct et sans trop réfléchir, ces deux pochades auraient mérité de gagner ; dans le premier cas pour la finesse du trait, dans le deuxième pour sa lourdeur. Mais non. Le jury a opté pour une phrase pas drôle, lancée par le plus triste d'entre nous, le croque mort du plan retraite, le zombie de l'hémicycle, le type qui rit quand il se brûle.

    "En politique on n'est jamais fini ; regardez-moi"

    J'ai beau la relire dans tous les sens, non seulement je ne ris pas, mais en plus j'ai mes mycoses qui me reprennent. J'imagine que lui, Juppé, a sans doute esquissé un sourire en sortant sa tirade. Du genre "huhuhu, écoutez-moi, je suis vif et je parle en futures citations". Ce qu'il a voulu dire, si je décrypte bien, c'est quelque chose du genre "On me croyait mort, bah non, je vous la place profondément", comme on dit quand on est distingué. En d'autres termes, le peuple n'a pas de mémoire et avec le temps, va, tout s'en va.

    Passé le sentiment de perplexité et d'agacement, je me suis mis à creuser. Et j'ai compris ! Le jury n'a pas choisi le drôle de la tournure, mais l'humour de la situation. Ce qui est drôle ce n'est pas la bonhommie vulgaire d'une Morano, ni l'attitude ridiculement aristocratique d'un Montebourg. Ce qui est drôle c'est de vivre dans un système où l'air vicié revoit fleurir des particules qu'on croyait mortes. C'est du cinéma muet avec Juppé en Buster Keaton qui trébuche mais se ressaisit, se prend une tarte à la crème, amuse les enfants et renaît en souriant. On l'aime bien Buster Juppé, c'est drôle de tomber et de se relever, c'est génial le cinéma muet : on ne meurt jamais... Au fond je suis persuadé que le jury a choisi de nous envoyer un message subliminal et volontaire qui nous dit : "Ne trouvez-vous pas comique qu'un Juppé revienne et qu'il en rit ouvertement sous nos yeux anesthésiés ? Ne trouvez-vous pas incroyablement drôle que nous soyons tous là à nous gausser ? Ne trouvez-vous pas risible que notre prochain Président puisse être celui qui a provoqué la plus grande paralysie du pays à la fin du XXème siècle ? ». C'est hilarant, ça mérite un Prix.

    Derrière ce palmarès se cache un message résistant, un manifeste politique, un appel à la révolte. Allez les gars, arrêtons de rire, vous voyez qu'ils se moquent de nous... Vous le voyez, hein, qu'on rit à nos dépens ?

    « MédicalisationBonté christique »

  • Commentaires

    1
    Mardi 30 Septembre 2014 à 21:58

    Coucou Doc, Cyrille de Lasteyrie a vraiment du talent et a décrit le ridicule de cette phrase «En politique, on n'est jamais fini. Regardez-moi!» prononcée par Juppé.Il se fiche de qui le bougre, alors que le pays fut paralysé fin 1995, mouvement le plus important après mai 1968. Bonne soisée. ZAZA

    2
    Mardi 30 Septembre 2014 à 23:02

    Que l'on puisse rire qu'un repris de justice soit revenu au plus niveau du monde politique est accablant  (il n'est pas le seul). Mais cette saillie prouve en outre qu'il en est fier et qu'elle soit couronnée par un prix prouve qu'elle est appréciée par les journalistes qui trouvent cela normal et amusant.

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    3
    Mardi 30 Septembre 2014 à 23:37

    C'est délirant en effet que l'on puisse discerner un prix d'humour au triste sire qu'est Alain Juppé, en plus les fouilles-merde en rang serré, nous ramollissent le cerveau en nous moulinant sans relâche et sans rire qu'il est l'homme politique préféré des "français", on ne m'a jamais demandé mon avis et si l'on me le demandait la réponse est "non pas Juppé"!

    4
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 09:05

    C'est plus du cynisme que de l'humour et le reflet d'un monde politique dévoyé et de l'aveuglement des Français qui continuent à élire des personnages douteux.

    5
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 09:45

    Détrompez-vous, Doc, vous auriez fait mieux que lui.   L'humour de ce journaliste est mesquin et inutilement  haineux.

    Ceci étant dit, ça montre bien à tous ceux qui pensent que Juppé est le bon candidat pour la droite à quelles attaques il va être confronté si il arrive : "repris de justice" (alors que tout le monde sait qu'il a payé pour les autres) et "échec de la réforme des retraites" (alors que tout le monde admet aujourd'hui qu'elle était nécessaire)

     

    6
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 10:00

    Certes il a été le seul à payer, ce qui ne retire rien de sa responsabilité. Ayant été condamné, il s'agit par définition d'un repris de justice. Par contre, je suis d'accord avec vous, la réforme qu'il a tenté de mettre en place était tout à fait justifiée, et les manifestations qu'elle a provoquées et qui lui sont ici reprochées ont fait capoter une réforme nécessaire.

    7
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 10:16

    La politique est le seul secteur d'activité honnête (quoique ...) où quelqu'un qui a été condamné pour avoir jonglé avec l'argent d'autrui, ose se présenter à l'embauche pour un poste où il devra manipuler encore cet argent, où on peut en faire un "trait d'humour" avec l'approbation de journalistes et où, à de rares et timides exceptions près, tout ça ne semble choquer personne.

    Vous me direz que Tapie à encore des admirateurs et trouve des gens qui lui font confiance.

    8
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 10:41

    On pourrait dire que la politique est une profession déréglementée.

    9
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 15:29

    En tout cas cette histoire suscite de jolis échanges, "profession dérèglementée" j'aime beaucoup, bravo!

    Cela dit, il a raison Lasteyrie, on nous considère ouvertement comme des gogos, en nous faisant prendre des vessies cyniques pour des lanternes humoristiques. D'ailleurs on ne sait plus, de nos jour, ce qu'est l'humour; la preuve : on nous présente tous azimuts de prétendus "humoristes" qui se révèlent en général comme des paillasses vulgaires et consternants de niaiserie primaire.  Je ne citerai personne, les oubliés pourraient se croire exonérés...

    Amitiés.

    10
    Mercredi 1er Octobre 2014 à 16:22

    C'est  vrai. Nous sommes affligés depuis quelques temps - en dehors de quelques exceptions déjà anciennes -  d'une brochette d'"humoristes" particulièrement pénibles, si bien que j'évite le plus souvent de les écouter pour ne pas subir leurs grossièretés et leur mauvais goût, plus irritants que drôles.

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