L’HOMME QUI AVAIT RENCONTRE DIEU
Un vieil homme avait un jour rencontré Dieu
Oh ! Pas dans une église, un temple ou une mosquée
Car Dieu avait honte de s’y montrer
Mais dans un parc sur un banc comme un petit vieux
Il s’était assis et le vieil homme s’était écarté
Il ne savait pas que c’était Dieu
Il ne l’avait jamais fréquenté
Ils sont restés assis silencieux
Comme deux inconnus
Comme deux petits vieux
C’est Dieu qui commença à parler
Il demanda à l’homme si ce parc lui avait plu
Il en parlait comme si c’était Lui qui l’avait créé
L’homme en se tournant vit son visage barbu
Où donc l’avait-il déjà rencontré ?
Ça devait remonter à une éternité
Mais Dieu lui dit en hésitant un peu :
Je suis Dieu
Et le vieil homme lui demanda poliment :
Comment allez-Vous ?
Et Dieu répondit : pas très bien en ce moment
Ça ne m’étonne pas du tout
Fit l’homme âgé en se levant
Vous partez déjà demanda Dieu un peu déçu
Et l’homme répondit que son temps était compté
Que c’est Lui qui l’avait ainsi voulu
Seuls les Dieux avaient pour eux l’éternité
Dans un parc en se promenant
A tout moment on peut rencontrer l’inattendu
Si vous rencontrez un petit vieux sur un banc
Sachez qu’il est plus près de Dieu que des vivants
Mais ne faites pas comme s’il n’existait plus
Paul Obraska
Chagall "Les portes du cimetière"
JOLI CIMETIERE
C’est un joli cimetière
Où les tombes bien en rangs
Comme s’alignent les enfants
Dans la cour de l’école primaire
Guettant le signal pour s’éparpiller
A tous vents en criant leur liberté
Et les morts attendent sagement
Qu’on vienne un jour les délivrer
Immobiles sans trop s’impatienter
L’endroit est joli et ils ont le temps
Ses portes comme des bras écartés
Ouverts sur le monde des vivants
Invitent les nouveaux morts à entrer
A se coucher sans faire de manière
Les anciens pousseront leur pierre
Pour faire une place au nouvel arrivé
Les vivants entrent toujours gênés
Ils marchent lentement en silence
Avec respect pour ne pas les réveiller
Mais ne montrent aucune impatience
Dans ce joli cimetière pour y rester
Paul Obraska
Pieter Bruegel (l'Ancien) "Le triomphe de la Mort"
OU VONT-ILS ?
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ?
Ils sont innombrables et les cimetières si petits
Sont-ils la terre que piétinent les vivants ?
Peut-être lassés d’être piétinés sortent-ils la nuit
Hors de leurs boîtes de bois verni les squelettes
Iraient se promener dans un bruit de cliquetis
Les momies dérouleraient leurs bandelettes
Et sortiraient du sarcophage sans leur habit
Les pharaons quitteraient le noir des pyramides
Pour jouer sous la lune avec le sable du désert
Et ceux qui n’ont pas eu de sépulture solide
Émergeraient comme des racines de la terre
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ?
Les cimetières sont si petits mais le ciel est si grand
Peut-être errent-ils dans le firmament
En soufflant sur la queue des comètes
Pour en faire de la poussière d’argent
Les morts emporteraient leurs squelettes
Pour fabriquer avec des météorites filants
Aux cieux les morts feraient ainsi la fête
Et laisseraient la terre aux vivants
Alors les vivants ne devraient pas encombrer les nues
S’ils veulent que les morts ne leur tombent pas dessus
Paul Obraska