• Délayage

     

    « Le secret d’ennuyer est celui de tout dire » (Voltaire).

    Pour paraphraser Voltaire, je dirais aussi que le secret d’ennuyer est celui de ne rien dire.

    J’ai suivi une formation plutôt scientifique. Dans le domaine scientifique les livres et les articles sont denses, rien n’est superflu (sauf parfois l’introduction). Chaque paragraphe apporte en général quelque chose par rapport au précédent.

    Les écrits journalistiques, en dehors peut-être des éditoriaux, ont souvent tendance à être délayés, mais le format ne se prête heureusement pas à des longueurs excessives. Cependant, il m’arrive de les abandonner en cours de lecture lorsqu’ils abusent de la répétition.

    Les essais sont bien pires pour la plupart. Ils ne contiennent souvent que quelques idées originales (et parfois une seule) dont la démonstration pourrait être rapidement faite en quelques feuillets, mais qui vont se répéter à longueur de pages pour atteindre triomphalement la 300ème après avoir épuisé le lecteur, surtout si le style est mauvais (je me souviens en particulier d’un essai d’Alain Minc où une seule idée lui avait permis de faire un livre entier, ce qui dénote en soi un certain talent pour le délayage qu’il faut saluer).

    La littérature n’est pas dans la démonstration mais dans le récit et son expression, et la poésie n’est que dans l’expression, aussi le délayage lui-même peut être séduisant par sa forme. Mais si le délayage est insipide (surtout dans les descriptions dont Jules Verne avait le secret), le livre vous tombe des mains.

    Pour la musique classique, le paradoxe est que son essence même est le délayage, car le génie du compositeur s’exprime dans l’art des variations sur un thème. Si j’aime écouter les richesses qu’un compositeur peut extraire d’une simple phrase musicale en la métamorphosant, je me lasse assez vite d’un écrit répété sous une forme différente mais sans se métamorphoser.

    Je pense avoir été court et sans délayer, mais je ne suis pas sûr d’avoir dit quelque chose.

    Délayage

    « DirectLes rejetons malformés de la démocratie »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 8 Juin 2016 à 15:51

    Tout à fait d'accord pour la musique, mais le délayage littéraire  est fait souvent par ceux qui veulent convaincre et qui passent des messages rien de plus rasant en effet! Minc en fait partie d'autant plus que lui parle de chiffre, tout pou me faire tomber le livres des mains!

    2
    Mercredi 8 Juin 2016 à 16:16

    Pour Minc on ne peut pas parler de littérature. Peut-être que certains sont convaincus par la répétition.

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    3
    Mercredi 8 Juin 2016 à 16:37
    ZAZARAMBETTE

    Coucou Doc,

    J'en suis restée au délayage de la farine avec un peu d'eau pour faire une sauce ! wink2

    Bonne soirée !

     

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 16:49

        Le délayage peut aussi faire partie de la cuisine des écrits.

    4
    Mercredi 8 Juin 2016 à 17:49

    Tiens, nous sommes d'accord, à propos de ce vieux raseur de Verne ! Sinon, si j'ai le courage, tout à l'heure (là, il faut que j'aille nourrir le chien, et après j'ai apéro), je vous copierai ici le paragraphe des mémoires de Jean-François Revel dans lequel il "accommode" Minc de savoureuse façon.

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 17:57

        Je suis toujours preneur de J.F. Revel.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juin 2016 à 18:55

        Monsieur Goux fait sa diva. Il soigne sa mise en scène. A moins qu'il n'ait encore apéro.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 19:07

        Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

    5
    Souris donc
    Mercredi 8 Juin 2016 à 20:10

    J'ai pris quelques cours de lecture rapide et j'ai lu Guerre et Paix en vingt minutes. ça parle de la Russie.

    Woody Allen

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 20:51

        Rien ne vaut la concision. Le Reader 's digest avait beaucoup de succès.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juin 2016 à 11:20

        Je crois bien qu'ils ont sorti des digests des grands classiques à l'usage du lycéen fainéant. Faudrait voir ça de près, des fois qu'on aurait Proust, Verne ou Balzac sans le délayage.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 11:32

        Je vois que l'on cherche à me sauver.

    6
    Mercredi 8 Juin 2016 à 20:29

    Saluons le génie de certains feuilletonistes du XIXème siècle qui, même en tirant à la ligne, arrivaient encore à passionner leurs lecteurs.

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 20:53

        Mais ils avaient une imagination créative.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juin 2016 à 09:36

        Et il y avait une porosité entre journalisme et feuilleton qui développait une tension narrative absente de l'article du journal. Le cinéma et la télé s'en sont emparés, il y a encore le feuilleton d'été des magazines, une survivance.

        Moi, ce qui m'épate, ce sont les "écrivains à succès", qui livrent ponctuellement leur produit, les Nothomb & co. Traumatisant de nullité, torchés à la va vite, et pourtant ça se vend.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 10:54

        Ce sont des lectures faciles qui remplacent les feuilletons de jadis car à l'époque il y avait beaucoup de feuilletons de mauvaise qualité à côté de ceux de Balzac ou d'Eugène Sue. 

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juin 2016 à 11:13

        On a quand même en France un problème avec la fiction. J'ai définitivement cessé d'en lire quand Bruckner a eu le Renaudot avec Les voleurs de beauté. J'aurais eu une concession Maison de la Presse dans un gare, j'aurais eu honte de le vendre. 

        Et Ernaux. Mon Dieu. Et Christine Angot. Mais on est où là ?

        Alors évidemment, les journalistes d'investigation et les hommes politiques occupent le créneau. On nous parle du destin de Richard Descoings, le Monde et le Quai d'Orsay qui ont une face cachée. La réalité dépasse la fiction.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 11:25

        Bien sûr le nombrilisme domine la littérature actuelle en France, mais il y a des livres de fiction qui n'ont peut-être pas la vedette. Je dois avouer que je lis peu de romans en ce moment. Récemment je me suis bien amusé avec "L.a septième fonction du langage" de Binet.

      • Souris donc
        Jeudi 9 Juin 2016 à 11:42

        La docu-fiction dans la veine comique : j'adore !

        Moi aussi, j'avais commis un papier là-dessus pour Antidoxe. Le 13 novembre. Les commentaires ont pris une autre tournure, forcément.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 12:01

        Je suis allé lire votre texte qui m'avait échappé. Totalement d'accord, il est rare de lire un livre en souriant d'un bout à l'autre et avec quelques rires qui étonnent l'entourage

    7
    Francis
    Mercredi 8 Juin 2016 à 22:34

    C'est curieux quand même : tout le monde tombe à bras raccourcis sur ce pauvre Verne qui me passionnait  quand j'avais dix ans et qui me tombe des mains quand je le relis aujourd'hui, c'est vrai.  Mais ces mêmes "tout le monde" trouvent extraordinaire le talent de Balzac lorsque, pendant cinquante pages, il nous décrit par le menu le fonctionnement d'une rotative  ou d'une machine à bras. Moi, à la troisième page, je ronfle déjà...

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 22:48

        Et bien je suis content de lire ce commentaire. Désormais, je me sens moins seul. J'ai rarement pu lire complètement une oeuvre de Balzac. Belle écriture mais quelle délayage ennuyeux la plupart du temps.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 08:12

        Alors, là, le balzacien transi que je suis ne peut vous suivre dans ces égarements ! Il n'y a aucune longueur chez Balzac, absolument aucune : c'est un point sur lequel je ne transigerai pas !

         

        (Non mais…)

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 08:59

        Avec la perspicacité qui me caractérise je vous soupçonne d'être un littéraire. Suivant ma tendance à l'autodestruction, je vais aggraver mon cas en avouant honteusement que j'ai également du mal avec Proust, mais j'ai encore quelques années devant moi pour espérer une rédemption.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 09:13

        Je suis également un proustolâtre indécrottable…

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 10:36

        Je me sens discriminé.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 10:52

        Le principal est d'éviter l'amalgame : le reste passera tout seul.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 11:34

        Pas si simple.

    8
    Mercredi 8 Juin 2016 à 22:53

    Le délayage existe partout même dans le 7ème art. Moi j'ai trouvé la Dolce Vita de Fellini beaucoup trop long... (1)  

    (1) Mais, SVP, ne le répétez pas , car cela pourrait nuire à ma réputation de cinéphile averti.

      • Mercredi 8 Juin 2016 à 23:09

        Je suis très touché de constater que mon blog devient un confessionnal. Bien entendu je suis tenu par le secret de la confession.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 08:13

        Si cela peut vous faire vous sentir moins seul, je déclare à haute voix, et sans souci de ma réputation, que j'ai toujours trouvé Fellini très emmerdant et particulièrement pesant dans ses prétendus "délires".

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 10:41

        Là, je vous rejoins, Fellini a beaucoup vieilli. Mais même à l'époque il fallait se forcer  pour trouver ça génial.

    9
    Jeudi 9 Juin 2016 à 14:22

    Le délayage journalistique n'a très souvent pour but que de remplir le blanc entre le titre de l'article et la publicité qui le suit.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 14:46

        Alors, là, mon Cher, en matière de “délayage”, je pourrais vous en raconter jusqu'à demain, moi qui suis grassement payé pour écrire des articles de cinq à six mille signes à partir d'informations ne dépassant généralement pas les sept ou huit lignes !

         

        Mais, plutôt que de délayage, je préfère parler de “mise en scène” : c'est quand même plus noble…

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 16:30

        Avant de rédiger ce petit billet sur le délayage, alias mise en scène, il eut été plus judicieux de me documenter auprès du spécialiste que j'avais en ligne.

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