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    La loi de santé 2014, comme toutes celles qui furent pondues par les différents gouvernements, insiste sur la prévention. La prévention est en effet « la tarte à la crème » préférée des gouvernants dépassés par les évènements et qu’ils lancent périodiquement à la tête de la population.

    Le postulat est le suivant : si l’on dépense suffisamment d’argent pour prévenir les maladies, elles n’apparaitront pas et nous n’auront plus à dépenser de l’argent pour les soigner. Mais ce postulat n’est vrai (voir l’article « 160. La prévention est-elle source d’économies ? » que dans domaines où la prévention permettrait d’éviter définitivement la survenue de maladies : les infections par les vaccinations (ce qui est fait), le diabète lorsqu’il est induit par une surcharge pondérale, les maladies provoquées par des intoxications volontaires comme l’alcool, le tabac ou les drogues, et il faut y ajouter les comportements sexuels à risques.

    Puisque tous les gouvernements successifs n’ont cessé de prendre des mesures dans ces domaines, quant est-il des résultats de leurs efforts pour cette prévention qui pourrait être efficace de façon radicale ?

    - La consommation d’alcool a certes diminué régulièrement en France mais la proportion de consommateurs excessifs reste stable à environ 10% de la population adulte, avec 20% des patients hospitalisés, et environ 30000 décès par an directement attribuable à l’alcool.

    - La proportion des fumeurs en France est passée de 31,4% en 2005 à 34% en 2012 avec 200 morts par jour.

    - Les jeunes français sont en tête des consommateurs de cannabis en Europe et la consommation des autres drogues ne fait qu’augmenter.

    - En 2012, 64000 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH. Entre 2011 et 2012, la découverte de l’infection à VIH chez les gays a augmenté de 14%.

    On ne peut que constater l’échec de l’Etat, mais ce n’est aucunement spécifique à la France.

    Quelles sont les mesures prévues en matière de prévention par le gouvernement actuel ? « Prévention du tabagisme : instauration d'un paquet neutre et encadrement de l'usage de la cigarette électronique dans les lieux publics.

    Prévention de l'alcoolisme chez les jeunes. La vente de certains produits favorisant la consommation d’alcool et notamment le « binge drinking » (ou alcoolisation accélérée) chez les jeunes devrait être interdite.

    Accès à la contraception d'urgence garanti pour les jeunes femmes mineures sans condition auprès de l'infirmière scolaire.

    Définition d'un cadre pour l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque, dites « salles de shoot ». (Le Monde du 15/10/14).

    Il faut y ajouter le code couleur pour les aliments.

    Ce sont de louables intentions mais si ces mesures sont adoptées, je crains qu’elles ne changeront guère la situation (sauf pour la contraception). Mais il faut avouer que les solutions ne sont pas évidentes, que l’on se heurte à des comportements individuels où le choix peut alterner entre soins, culpabilisation et répression. A noter qu’une opposition à la cigarette électronique est assez paradoxale puisque la consommation de tabac a baissé pour la première fois depuis son introduction. Quant aux salles de shoot, elles ne diminueront sûrement pas la consommation de drogues.

    Le chapeau de la loi de santé est le suivant :

    "Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé."

    J’ai toujours une certaine reticence devant les slogans publicitaires.


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    Les internes des hôpitaux ont récemment tenté de faire grève pour demander une amélioration de leurs conditions de travail. Cette grève a été, semble-t-il, peu suivie. Les médecins libéraux envisagent de faire grève fin décembre pour protester contre certains projets de la nouvelle loi santé (une de plus) concoctée par MST (pas de confusion, il s’agit de Marisol Touraine). Une grève des cabinets médicaux qui pourrait être suivie début janvier 2015 par celle des cliniques.  

    D’après ce que j’ai pu voir, c’est une loi très littéraire avec surtout des intentions (notamment sur la prévention, la tarte à la crème des gouvernements successifs et la réapparition des salles de shoot, dites à « moindres risques »), mais il en ressort également un renforcement de la prééminence des hôpitaux publics sur le secteur libéral. On peut donc s’attendre à une asphyxie des urgences qui, jusqu’à présent, n’étaient qu’à bout de souffle (car la loi ne prévoit évidemment aucun moyen).

    Quant à la médecine libérale, qui, à ma connaissance, n’a pas eu son mot à dire dans l’élaboration de cette pièce montée (il n'y aurait pas de médecins dans l'entourage de MST), il est prévu d’aggraver ses emmerdements. Dans un esprit de démagogie plus que d’efficacité ou d’économie, MST envisage en deux étapes de généraliser le tiers payant, ce qui va logiquement augmenter la demande (« c’est gratuit et j’y ai droit »), augmenter la paperasse à remplir par les médecins aux dépends du temps passé à s’occuper du malade, en ajoutant également celui qui devra être consacré à vérifier les remboursements des honoraires. Le médecin libéral sera ainsi livré pieds et poings liés aux caisses, et pour gagner sa vie il devra attendre leur bon vouloir pour ce qui concerne les délais de remboursement, s’il ne subit pas éventuellement des mesures de rétorsion pour indiscipline.

    La médecine libérale est agonisante et il serait charitable de la débrancher définitivement.

    Alors les médecins libéraux envisagent de faire grève. Mais, chers confrères, ne vous faites pas d’illusions. Nous ne sommes pas des transporteurs routiers ou des pilotes de ligne capables de bloquer les routes ou le trafic aérien pour faire plier les autorités. Notre éthique nous oblige à organiser d’une façon ou d’une autre les soins des patients pour éviter les drames, et les hôpitaux sont là en cas d’urgence, jusqu’à l’étouffement.

    En tant que médecin hospitalier, il m’est arrivé de faire grève : je portais un badge sur lequel était marqué : « médecin en grève » tout en assurant mon travail. Efficace, non ?


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    Il est évident que la médecine est un spectacle. Elle l’était un peu dans le passé, elle l’est beaucoup à présent. La médecine est un spectacle dont les découvertes et les techniques sont le décor, les médecins-vedettes les acteurs et dont nous sommes tous, tôt ou tard, les figurants. C’est le plus vaste théâtre du monde sans jamais de relâche.
     
    Le cirque
    Au Moyen Age et jusqu’au XVIIIe siècle, les tailleurs de vessie pour la pierre, les oculistes pour la cataracte se déplaçaient de ville en ville. Etant donné la fréquence des mauvais résultats, ils avaient intérêt à ne pas faire de vieux os sur place. Un grand nombre de charlatans, pas toujours malhabiles, et les vendeurs d’orviétan et collyres miraculeux sur les foires se mêlaient à eux.
    De tous temps les médecins n’ont jamais hésité à vanter leurs mérites pour attirer la clientèle, parfois en employant tous les moyens publicitaires des charlatans. Un sommet a été atteint au XVIIIe siècle par John Taylor, ophtalmologiste – on disait oculiste - anglais qui allait de ville en ville dans toute l’Europe pour opérer de la cataracte, nobles et bourgeois. Il se faisait annoncer par une campagne de tracts, de crieurs et arrivait dans une calèche bardée d’yeux peints et d’affiches vantant son habileté. Chirurgien habile, il l’était, mais aussi vantard. Il prétendait avoir opéré le roi d’Angleterre et quelques autres, le Pape, et même d’avoir rendu la vue à Jean-Sébastien Bach dans sa 88ème année alors que celui-ci était mort aveugle à 65 ans. De nos jours un tel comportement, en principe interdit par la déontologie et réprimé par l’Ordre, reste courant, notamment par l’intermédiaire de la télévision et des nombreux journaux consacrés à la « santé ».
                                                                                   
    Les fous
    L’asile d’aliénés de Bedlam à Londres et celui de la Salpêtrière à Paris étaient des lieux que l’on visitait pour se divertir. En plein XVIIIème, le siècle des lumières, on s’y rendait avec les enfants pour voir des hommes et des femmes en proie au délire, exhibés dans des cages ou enchaînés. Il a fallu attendre la Révolution Française et Jean-Baptiste Pussin, jeune ouvrier tanneur, hospitalisé à la fin du XVIIIe siècle à Bicêtre, et devenu par la suite surveillant qui, partisan de traiter les malades mentaux par la douceur, convainquit Philippe Pinel, en 1793, et par lui le gouvernement révolutionnaire, d’enlever leurs chaînes, à Bicêtre puis à la Salpêtrière,
                                                                                   
    Les malades
    Sans remonter si loin, il y a quelques décennies, les malades étaient hospitalisés dans de vastes salles communes contenant une cinquantaine de lits, avec au centre une grande table où les infirmières bavardaient en préparant les traitements. Un total manque d’intimité où les malades ne pouvant se lever devaient faire leurs besoins sous le regard des autres, où ils étaient examinés lors de « La visite » du « Patron » devant un cortège d’assistants et d’étudiants. L’interne présentait «  le cas » en parlant du malade devant lui à la troisième personne et en lui tournant le dos. On évoquait parfois l’autopsie attendue pour confirmer le diagnostic en usant d’euphémismes qui ne trompaient personne. On passait rapidement devant un agonisant sommairement isolé par un paravent.
    Les consultations étaient souvent publiques, et jeune étudiant, j'ai parfois  assisté à des scènes scandaleuses. Dans le service de rhumatologie de l’hôpital Lariboisière, on demanda à une vieille dame de se dévêtir complètement dans un déshabilloir ; ceci étant fait, la porte opposée s’ouvrit et la patiente entièrement nue se retrouva, comme le taureau dans l’arène, au pied des gradins garnis de blouses blanches ; elle s’évanouit, seule issue possible. A l’Hôtel-Dieu, le chef du service de chirurgie fit un toucher rectal à un homme à quatre pattes devant une centaine de jeunes gens, j'avais été outré d’y assister.
                                                                           
    Après 1970 les conditions matérielles d’hospitalisation se sont considérablement améliorées de même que le comportement des médecins. Mais paradoxalement c’est aujourd’hui, alors que le droit à la vérité est devenu un dogme, que la situation se détériore à nouveau, notamment dans les services d’urgence. Où est le respect de la dignité et de la liberté pour des hommes et des femmes laissés sur des brancards, dans des couloirs, attendant parfois des heures avant d’être examinés, soulagés et conduits dans un lit décent en raison du manque de personnel et de l’encombrement des services ? La hantise a toujours été de sortir de l’hôpital, s’y ajoute de plus en plus celle de pouvoir y entrer.
                                                                                   
    Les médecins
    Il y a des médecins préposés à l’interview comme il y en a de garde. Les interviews télévisées les plus spectaculaires sont celles que l’on fait sur le lieu de travail. Blouse blanche et stéthoscope sont souhaitables pour les médecins et la casaque stérile est indispensable pour que les chirurgiens puissent répondre aux questions qu’on leur pose. Quant à l’urgentiste, c’est un médecin largement exploité par la télévision. L’inverse est également vrai
                                                                                    
    Les actes médicaux
    Les actes médicaux eux-mêmes constituent un spectacle de choix.
    Lorsque les autopsies furent permises elles se déroulaient comme un spectacle, « La leçon d’anatomie » de Rembrandt en est un exemple. Les interventions chirurgicales ne manquaient pas de spectateurs directs. A présent les téléspectateurs ont droit à un bout des grandes premières même si ce sont parfois les dernières. Chaque nouveauté est montée en épingle. Il est rare qu’un journal télévisé n’ait pas son scoop médical. Les journaux, les périodiques sont envahis par la médecine, en vantant un jour ses mérites et en se régalant le lendemain de ses insuffisances ou de ses erreurs. Le public est évidemment intéressé, car il est le sujet potentiel du spectacle[1]
    Les médecins participent avec plaisir à cette course médiatique. Combien de traitements mirifiques (notamment contre le sida), basés sur quelques cas et suivis quelque temps ont donné lieu à des déclarations hâtives et à une existence éphémère. Histoire pour les promoteurs de faire enregistrer leur initiative avant l’échec, de parler et de se montrer, préférant ne pas prendre de recul pour mieux sauter dans le bain médiatique.
                                                                                  
    Les maladies
    La maladie est toujours vécue comme individuelle même au milieu d’une épidémie. La souffrance n’est ressentie que par soi et personne n’endure la souffrance de l’autre même atteint d’un mal semblable. Mais l’isolement a fait place au collectif. Les associations de malades se multiplient, leur nombre en France est passé en vingt ans de 100 à 4500 en l’an 2000[2]. Configuration qui confère au malade une personnalité, un statut particulier dans la société[3] à l’origine de possibles revendications, sources de manifestations de rue à l’égal des syndicats, et justifiant de véritables spectacles où l’on expose les malades comme des héros et où s’empressent de figurer généreusement chanteurs et comédiens. Le public est friand de ces spectacles toujours grandioses, attiré par les vedettes et ému par la générosité ambiante. Le caritatif s’épanouit dans la souffrance.


    Documentation réunie avec la collaboration du Dr Jean Waligora


    [1] A titre d’exemple, l’étude WHI sur le traitement hormonal de la ménopause aurait suscité, seulement aux USA, 400 articles et 2500 émissions de radio et de télévision.

    [2] Selon le Bulletin de l’Ordre des Médecins de mars 2004

    [3] On parle de « patient-citoyen »


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  • 165. Convenance inconvenante« Très attendu, l'essai Ipergay débutera en janvier 2012 avec la participation d'hommes séronégatifs ayant fréquemment des rapports homosexuels sans préservatif avec des partenaires occasionnels et donc fortement exposés au VIH. Il leur permettra de bénéficier d'une offre globale et combinée de prévention du VIH. Il permettra aussi d'évaluer l’impact de cette offre sur les participants et tiendra en particulier à mesurer les effets d’une prophylaxie "intermittente", "à la demande", qui comprend la prise d’antirétroviraux [Truvada] avant, pendant, et après les périodes de forte activité sexuelle » (AIDES 4/12/2011).

    Cet essai comportait le suivi en « double aveugle » (ni le médecin, ni le malade n’ayant connaissance du traitement pris) de deux groupes, l’un prenant la prophylaxie pré-exposition et l’autre un placebo. Des études antérieures (aux USA) ayant déjà montré l’efficacité d’une prise quotidienne du produit (réduction du risque de 44%), on peut s’étonner qu’il y ait eu dans cet essai un groupe placebo, ce qui n’était guère éthique. Quoi qu’il en soit, devant l’efficacité du traitement, les investigateurs viennent (seulement) de décider de donner le traitement au groupe placebo.

    L’efficacité de cette prophylaxie pré-exposition soulève évidemment nombre de questions.

    Doit-on appliquer un traitement, certes bien toléré mais qui n’est pas dénué d’effets secondaires, à des gens en bonne santé (séronégatifs) ?

    Doit-on le prescrire uniquement pour permettre à ceux qui sont le plus exposés à la contamination par le VIH de prendre des risques et de ne pas utiliser le préservatif ?

    Le bien-fondé du remboursement par la sécurité sociale se posera. Le prix du Truvada est de l’ordre de 500 euros pour 30 comprimés ! Faut-il pour satisfaire des convenances très personnelles (multiplicité des partenaires, rapports anaux) que le contribuable débourse 50 euros (3 comprimés) à chaque fois que le bénéficiaire éprouve l’envie de s’envoyer en l’air à son goût ?

    Il me semble que poser la question, c’est déjà avoir la réponse. Mais la polémique est à venir, car l’argument probablement avancé sera celui de l’intérêt de cette prophylaxie pour réduire le nombre de contaminations (ce que l’usage régulier du préservatif serait également capable de faire).


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  • «Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecins, mais les malades. » Jésus (Evangile selon St Marc 2/17).

    Bien que divine, cette affirmation est totalement dépassée.

    Pendant des siècles, la santé était définie de façon négative : l’absence de maladie déclarée. Pas de maladie, pas de médecine. Les choses ont changé, le sujet sain est également devenu l’objet de la médecine, ne serait-ce que par la prévention et les vaccinations. Mais la médecine, par ses connaissances du corps humain et les moyens qu’elle possède pour le modifier, offre des possibilités d’améliorer la vie du sujet en bonne santé apparente. En accédant à cette demande et parfois à cette exigence, la médecine se déconnecte des maladies, ne cherche plus seulement à rétablir la santé ou à la préserver, mais à modifier l’autre ou à influer sur son destin en utilisant les mêmes moyens que pour guérir. Elle change sa nature en changeant ses objectifs. Cette orientation est plus due à la société qu’aux médecins eux-mêmes (extrait de l'article « La médecine du bonheur »).


    Dans les années quatre-vingt est né aux USA un courant de pensée : le transhumanisme qui repose sur l’idée que les nouvelles technologies (regroupées sous l’acronyme NBIC pour nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) devraient être utilisées pour améliorer les capacités physiques et intellectuelles de l’homme, afin de modifier profondément sa condition. Bien sûr, et depuis longtemps, la médecine tente d’améliorer la condition humaine par des techniques de substitution comme les lunettes ou les prothèses. Mais le transhumanisme envisage d’aller plus loin en augmentant les capacités humaines et créer un homme nouveau ; « l’homme augmenté ».

    A ce propos, le CREDOC a publié récemment les résultats d'une enquête auprès des Français. Moi, qui suis un médecin de la vieille école avec le souci d’intervenir le moins possible lorsque les gens se portent bien, je suis un peu surpris que, d’après cette enquête, pour une majorité de Français (près de 60%), les progrès de la médecine sont tout d’abord destinés à « améliorer les capacités physiques et mentales d’une personne en bonne santé » et que ces progrès « ne doivent pas se limiter à soigner les maladies », avec des différences en fonction des catégories sociales : « Les cadres et professions intellectuelles supérieures, les hauts revenus, les habitants de l’agglomération parisienne s’inscrivent le plus dans une logique qu’on pourrait apparenter au transhumanisme et considèrent plus souvent que l’homme doit chercher à augmenter ses capacités » (le CREDOC, Régis Bigot et Sandra Holbian).

    Mais si 60% des Français sont prêts à une modification de leur corps (comme la greffe d’un bras robotisé), par contre ils ne sont plus que 14 % à juger admissible l’idée d’installer « des composants électroniques sur le cerveau pour améliorer ses performances ». Pas touche à mon moi. Et pas touche à ma vie privée : 76 % des Français sont opposés à l’implantation d’un capteur sous la peau pour surveiller en permanence différents paramètres de santé par crainte d’une intrusion dans leur vie privée par les personnes chargées de collecter les données, personnes dans lesquelles ils n’ont a priori aucune confiance.


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  • 163. Les firmes se penchent sur les berceaux

    La conservation de convenance pour une femme de ses propres ovocytes est interdite en France mais autorisée dans plusieurs pays. Ainsi, aux Etats-Unis, 5 000 enfants seraient nés après congélation par leur mère de leurs ovocytes. Le prélèvement des ovocytes nécessite une stimulation ovarienne et une petite intervention le plus souvent sous anesthésie locale. Mais le coût de la technique de congélation s’élève à 10 000 dollars par tentative (7 900 euros) auxquels s’ajoutent les 500 dollars par an pour assurer le stockage (environ 400 euros). Les femmes sont donc parfois amenées à sacrifier leurs ambitions professionnelles pour avoir un enfant tant qu’il est encore temps, car cette période correspond à celle où leur carrière commence à se dessiner.

    Apple envisage et Facebook propose déjà d’offrir dans leur couverture santé la prise en charge des frais liés à la conservation d’ovocytes et ce jusqu’à 20 000 euros. Cette initiative soulève une polémique.

    Quel est l’intérêt pour la femme ?

    Choisir le moment de sa grossesse, sachant que les ovules conservés sont des ovules jeunes avec un meilleur potentiel que les ovules libérés à un âge plus avancé, quand ils ne sont pas absents, mais une grossesse tardive n’est pas anodine.

    Choisir ce moment en fonction du plan de carrière et éventuellement de la rencontre du compagnon espéré. Ce qui est admettre que dans les conditions habituelles, il est parfois difficile de concilier sa progression professionnelle et une vie de famille, contrairement à un homme.

    Quel est l’intérêt pour l’entreprise ?

    Elle peut passer pour généreuse et favoriser la féminisation de ses employés, car actuellement on y compte deux hommes pour une femme, et permettre aux talents féminins de s’exprimer. Elle peut aussi se targuer de promouvoir l’égalité, ne serait-ce que donner aux femmes la possibilité de conserver leurs ovocytes comme les hommes ont celle de conserver leur sperme.

    Mais ne cherche-t-elle pas également à ne pas perturber la bonne marche de l’entreprise par la survenue de grossesses intempestives ? Ce qui serait un peu considérer la femme comme une valeur marchande.

    La proposition de ces entreprises est une intervention manifeste dans la vie intime de son personnel féminin, et sous couvert de générosité, il n’est pas exclu qu’elles puissent exercer ultérieurement des pressions pour inciter les femmes à choisir le moment de leur grossesse en fonction de l’intérêt de la firme. « Chère amie si vous pouviez sortir votre ovule du placard dans un an, cela nous arrangerait ».

    D’une façon plus générale

    Cette initiative montre à quel point le fossé se creuse entre l’acte sexuel et la procréation en opposition avec les religions monothéistes qui conçoivent l’acte sexuel comme visant essentiellement à la procréation, le plaisir que l’on peut en retirer étant en quelque sorte un « mal » nécessaire. Mais la distinction vécue entre sexualité et procréation ont été marquées ces dernières années par leur séparation physique, les gamètes n’ont plus besoin des corps pour s’accoupler mais ont encore besoin de celui de la femme pour se développer. Avec l’insémination artificielle et la fécondation in vitro, le corps de l’homme lui-même peut maintenant être exclu de la procréation.

    Berthe Morisot « Le berceau »


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    Adriaen Brouwer : "Potion amère"

    Le droit à la santé met la maladie hors la loi. C'est une idée séduisante. De plus, elle est très flatteuse pour les médecins chargés de faire respecter ce droit et que l'on estime ainsi capables de rétablir la santé. Capacité ou obligation ?

    Bien entendu, le droit à la santé est une idée farfelue. La santé ou l'absence de maladie déclarée est un souhait en dehors de toute législation ou de toute volonté politique. Cette expression souvent utilisée à tort évoque le droit aux soins qui, lui, est à la portée de la société.

    Comment définir la santé ?

    D'innombrables auteurs ont tenté de le faire. Malgré notre pratique, nous n'aurons pas la prétention d'esquisser l'ombre d'une définition. Avec la médicalisation de la société, le constat de Jules Romains dans Knock prend de la consistance : « La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide ». Supprimer le problème est la façon la plus radicale d'en trouver la solution. Est-ce si absurde ? L'importance que l'on donne à la prévention fait de tout un chacun un malade potentiel, puisqu'on va jusqu'à donner un traitement à des gens qui ne se plaignent de rien pour conserver leur « capital santé ». Le « silence des organes » ne vous dispense plus des médecins.

    Les médecins médicalisent la société.

    Si des médecins résistent, les sociétés savantes leur rappellent leur devoir. Il faut aussi admettre que la société réclame cette médicalisation et c'est pour les politiques la seule façon de paraître efficaces sans être critiqués. L'Etat intervient de plus en plus, et légifère même pour vous obliger à vous maintenir en bonne santé ou pour ne pas influencer défavorablement la santé des autres, ce qui revient à vous infantiliser. Certaines entreprises aux USA ont instauré des mesures de rétorsion pour ceux et celles qui ne font pas d'efforts suffisants pour se maintenir en bonne santé. Plus que l'altruisme on peut surtout y voir un intérêt économique. Le monde est devenu une vaste clinique où l'on se massacre allègrement dans les couloirs en limitant les apports de cholestérol et de calories dans les chambres, lorsqu'on a la chance d'en disposer.

    La médicalisation dans ses œuvres

    La médicalisation la plus directe et la moins contestable est la vaccination : espérer provoquer chez un sujet sain une petite maladie pour lui en éviter éventuellement une grande.

    La plus dogmatique est de faire cadrer une situation atypique avec les normes médicales. C'est ainsi que les femmes inuits accouchent vite et en sont fières. Le gouvernement canadien, dans les années 1980 et avec les meilleures intentions,  les fit transporter par avion dans le sud où l'intervention médicale imposée consistait le plus souvent à ralentir le déroulement de l'accouchement, considéré comme anormalement rapide.

    La plus maligne est de transformer en maladie un état naturel comme la soi-disant andropause. Avec l'âge l'activité sexuelle de l'homme diminue et le taux de testostérone diminue progressivement. Ce qu'on appelle l'andropause peut correspondre à un déficit hormonal, mais il n'y a aucun phénomène physiologique équivalent à la ménopause : les testicules ne s'arrêtent jamais de sécréter et l'andropause n'existe pas. Le choix de ce mot, par  analogie , n'est pas exempt d'arrière-pensées : créer une fausse maladie pour susciter un faux besoin et faire de vrais bénéfices.

    La plus lucrative est de faire prendre en comprimés ce qui se trouve habituellement dans votre assiette ou facile à se procurer à l'état naturel. Les organisations internationales avaient incité les mères jamaïcaines à se déplacer, parfois loin, avec leur enfant atteint de diarrhée pour se procurer des sels de réhydratation orale. Ce pseudo médicament, importé de Suisse, ne contenait en fait que du sel et du sucre et le sucre est la principale ressource de la Jamaïque.

    La plus glamour est de mettre son art de guérir et son talent chirurgical au service de l'imperfection physique.

    La plus sociale est de transformer un problème collectif en maladie individuelle comme les conséquences du stress professionnel.

    La plus démagogique est de considérer une inégalité comme pathologique, tel l'échec scolaire.

    La plus intime est celle de la procréation qui se fait à plusieurs et selon des modalités de plus en plus complexes, prise en charge en France par la collectivité et avec l'exigence probable dans l'avenir du bébé parfait.

    La plus astucieuse est de modifier les critères qui séparent l'individu considéré comme sain de celui considéré comme malade ou risquant de l'être. Ils changent régulièrement et toujours dans le sens de la médicalisation. En abaissant les normes, le nombre de malades augmente d'un coup et du jour au lendemain. Les médecins vont plus loin et  suppriment les normes pour traiter des patients lorsqu'ils les estiment menacés, en considérant que « plus c'est bas, mieux c'est »[1]

    La plus obsédante est celle qui modifie le choix alimentaire et le mode de vie en culpabilisant les réfractaires, voire même en les pénalisant. Avec les meilleures intentions et les meilleures justifications.

    La plus insolite est de donner un traitement pour une maladie qui  n'existe pas encore, mais a une certaine probabilité d'apparaître dans l'avenir chez une personne qui ne se plaint de rien dans le présent. Démarche qui met le médecin dans une curieuse position : il peut par son intervention rendre malade une personne en bonne santé apparente en traitant les facteurs prédisposant à une maladie virtuelle, mais dont l'apparition dans le futur est incertaine. La maladie n'est pas une fatalité ; on peut mourir avant.

    La plus systématique est de donner à toute la population ayant dépassé un certain âge une association de médicaments (la « polypill »)[2] dont l'efficacité relative a été prouvée dans la prévention de certaines maladies. Une vaccination pharmacologique en quelque sorte, mais à prendre chaque jour et dont l'effet est incertain sauf pour ce qui concerne le prix à payer.

    La plus perverse est de prévoir l'apparition possible d'une maladie par des tests génétiques, et dont l'annonce à l'intéressé risque fort de le rendre  malade d'emblée. Prédire pour prévenir  ou terroriser en prévenant. « Le programme génétique remplace le fatalisme calviniste du salut par la grâce » (Ptr Skrabanek).

    On peut se demander si le « droit à la santé » ne va pas finir pas nous rendre malades.

    NB. Ce texte a été écrit il y a une dizaine d'années et fut déjà publié sur mon blog en 2008. Il semble bien que la tendance à la médicalisation de la société n'a fait que s'amplifier depuis.


    [1] C'est en particulier vrai pour les chiffres de la tension artérielle et du taux de cholestérol sanguin

    [2] Proposition faite en 2003 pour les affections cardio-vasculaires. L'âge retenu étant de 55 ans


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  • Nombre de médecins et de personnel infirmier ont été touchés et certains sont morts en donnant leurs soins aux malades atteints par le virus Ebola lors de l'épidémie actuelle qui sévit en Afrique de l'Ouest. L'histoire montre que confronté aux maladies infectieuses, le corps de santé n'a pas hésité à prendre des risques et parfois avec témérité

    Lors des épidémies peu de médecins ont déserté.

    « Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent pas guérir ensemble » (Eugène Ionesco)[1]. En cas d’épidémie, Hippocrate conseillait de  fuir le plus tôt possible, aller le plus loin possible et revenir le plus tard possible. Boccace dans le Décaméron écrivait en 1352 pendant la deuxième  pandémie de peste « …le frère quittait le frère, l’oncle son neveu, souvent la femme son mari.[…] Même le père et la mère avaient peur de veiller leurs enfants. ». Les rois donnèrent l’exemple : Charles V et Henri III quittèrent Paris, François 1er s’enfuit d’Anjou. Bordeaux dût, pendant la peste de 1585, se dispenser de son maire, Montaigne, qui avait omis de rejoindre sa ville. Par contre la plupart des médecins, des apothicaires et des prêtres, firent face et subirent de lourdes pertes, encore que le célèbre Sydenham quitta Londres pendant la peste de 1665, expliquant qu’il suivait sa clientèle.

    Beaucoup de médecins ont risqué leur vie pour sauver celle des autres.
     
    Ce fût le cas de Joaquin Albarran. Cet urologue français était un Cubain qui avait fait ses études en Espagne. Bachelier à 13 ans, médecin à 17, il vient à Paris, apprend le français, recommence la médecine et 4 ans plus tard est major de l’Internat des hôpitaux. D’une trempe peu commune, Albarran sauve un enfant atteint par le croup en aspirant avec la bouche les membranes qui obstruent la canule trachéale ; il contracte la diphtérie et lors d’une autre garde, seul médecin, en proie à l’asphyxie, il se fait une trachéotomie devant une glace que tient un infirmier. Professeur d’urologie en 1906 il meurt de tuberculose six ans plus tard, à 51 ans.

    Fais sur toi-même ce que tu ne veux pas faire aux autres.

    Certains médecins ont recherché sur eux-mêmes la preuve de leurs hypothèses.
    L’ apostrophe du plus grand chirurgien du XVIIIe siècle, l’Ecossais John Hunter, fondateur de la chirurgie expérimentale, à Jenner (découvreur du vaccin contre la variole), est restée célèbre : «  pourquoi penser ? Faites l’expérience». Appliquant son principe à lui-même, persuadé qu’un même organe ne pouvait être atteint par deux maladies, et donc qu’un homme présentant une urétrite ne pouvait avoir et la chaude-pisse et la vérole, il s’inocula du pus urétral d’un patient qui avait les deux, guérit de l’urétrite mais mourut d’un aortite syphilitique, convaincu d’avoir raison.
    Certains eurent de la chance. Clot Bey s’inocula du sang puis du pus d’un bubon de pestiféré et n’eût pas la peste. Foy voulant prouver que le choléra n’était pas contagieux s’inocula du sang de malades, goûta de leur vomi et resta indemne.
    L’Allemand Max von Pettenkoffer prétendit montrer en 1892 que le vibrion cholérique peut provoquer la maladie sans être suffisant, en avalant en public un ml d’une culture provenant des selles d’un malade mourant du choléra et il en resta presque indemne[2]. Il est vrai, comme le remarquent Petr Skrabanek et James McCormick[3] que cette auto-expérimentation révélait peut-être chez cet éminent épidémiologiste une pulsion de mort qui s’est concrétisée neuf ans après par son suicide.
    Certains eurent moins de chance, même si en se rendant malades ils apportèrent la preuve de leur sagacité.
    En 1885 l’étudiant en médecine Carrion mourût de la fièvre de Oroya (bartonellose) après s’être inoculé le broyat d’un nodule cutanée, démontrant par sa mort que la forme septicémique et la forme cutanée appartenaient à la même maladie
    En 1900, à Cuba, les américains James Caroll et Jesse Lazear se font piquer par des moustiques vecteurs de la fièvre jaune, pour confirmer la découverte du cubain Carlos Finlay y de Barres. Caroll, sévèrement atteint, obtint la confirmation de la théorie du moustique alors qu’auparavant d’autres médecins avaient tenté en vain d’être malade en avalant des vomissements ou en s’inoculant du sérum ou de la salive.
    En 1922, S. Koino ingère 2000 œufs d’ascaris embryonnés, eût une atteinte pulmonaire sévère et retrouva des larves dans sa salive. Le fils de P. Manson à Londres se fit piquer par des moustiques porteurs de paludisme qu’on lui avait fait parvenir de Rome et en fût atteint.
    En 1933, à l’institut Pasteur de Tananarive, Georges Girard et J. Robic inventèrent un vaccin contre la peste utilisant un bacille vivant atténué , qu’ils essayèrent d’abord sur eux-mêmes et leur équipe, alors qu’il n’existait encore aucun traitement curatif de la maladie…
                                                                                    
    Peut-être était-ce plus la passion de la découverte et la passion de convaincre qu’un altruisme véritable qui poussaient ces médecins à prouver dangereusement sur eux-mêmes la véracité de leurs hypothèses. Freud « considérait la passion scientifique comme l’élaboration aboutie de la curiosité de l’enfant qui veut établir la vérité sur la différence entre les sexes et les mystères de la conception et de la naissance »[4]. A présent que cette vérité est révélée très tôt à l’enfant, la passion scientifique jusqu’à s’autodétruire a heureusement disparu.
     
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    [1] La cantatrice chauve, scène I
    [2] En fait, d’après François Delaporte (Dictionnaire de la pensée médicale) il avait déjà eu le choléra en 1854 et il ingéra la culture la plus ancienne et la moins virulente envoyée par Koch. Pettenkofer eut une récidive peu grave, mais son élève Emmerich qui participa à l’expérience faillit en mourir.
    [3] Idées folles, idées fausses en médecine, éd Odile Jacob 1992
    [4] Peter Gay, Freud, une vie, éd Hachette 1991.
     

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    162. Une affaire fumeuseDepuis l’apparition de la e-cigarette (inhalateur électronique de nicotine), le nombre  d’amateurs augmente sans cesse, les magasins spécialisés fleurissent, l’industrie du tabac se gratte la tête, et montera sûrement en marche puisqu’ il y a du fric à récupérer.

    Quant aux médecins : ils débattent. Beaucoup constatent que seule la e-cigarette a fait reculer le tabagisme : moins de tabac consommé, et efficacité bien plus grande que la prise de substituts à la nicotine qui étaient jusqu’à présent prescrits pour favoriser le sevrage tabagique. La e-cigarette, en effet, offre en plus de la nicotine (dont le taux peut être progressivement diminué), la gestuelle habituelle du fumeur.

    Mais la e-cigarette est-elle dangereuse ? Tous les spécialistes s’accordent pour dire que la vapeur d’eau aromatisée dégagée est infiniment moins dangereuse que la fumée de tabac à la fois cancérigène et néfaste pour les artères. D’accord, disent ses opposants, mais elle est dangereuse. Comment ? Pourquoi ? On ne sait pas encore.

    Récemment, L’AHA (American Heart Association) et le CDC (Center for disease Control) ont dénoncé l’utilisation de l’inhalateur, suivis par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) qui recommande d’interdire la vente des «inhalateurs électroniques de nicotine» aux mineurs et de prohiber leur usage dans les lieux publics fermés, au motif que « l’utilisation de ces dispositifs présente un danger grave pour l’adolescent et le fœtus ». Il est certain que la nicotine n’est pas recommandée à un âge précoce, et on veut bien les suivre sur ce point. Mais les experts de l’OMS soulignent que « les recommandations […] sont susceptibles de changer rapidement ». Le problème étant qu’« on ne disposera pas de données probantes sur l’association entre l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine et [les maladies comme le cancer] avant plusieurs années, voire plusieurs décennies »

    Autrement dit, ces experts ne savent rien mais n’hésitent pas à se prononcer, à éditer des recommandations et des interdits. Ils reconnaissent tout de même que c’est un outil de sevrage tabagique, mais en émettant le curieux bémol suivant : l’ignorance de l’importance de la réduction du risque. Mais la réduction existe donc, alors pourquoi dénoncer la chose ? Voilà des experts qui ne savent vraiment rien, et on peut se demander si l’industrie du tabac n’y est pas pour quelque chose dans leurs réticences. 

    Cézanne : « L’homme à la pipe »

     


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  • Quand on parle de croissance et de décroissance, c’est immédiatement à l’économie que l’on pense. Le monde est dominé par les impératifs économiques, bien qu’ils soient aujourd’hui mâtinés d’une dose toxique de religion. Tous les pays s’essoufflent à rechercher la croissance comme les chevaliers de la Table ronde à la recherche du Graal. Certains écologiques prônent au contraire la décroissance pour économiser les ressources de la planète.

    Non, mon propos n’est aucunement économique, il serait plutôt onéreux. Quand je parle de croissance, je songe pudiquement à celui du sexe masculin. Je viens d’apprendre (Atlantico.fr) que 15414 opérations d’agrandissement du pénis ont été effectuées à travers le monde (de 3 à 6 cm pour la longueur et éventuellement de 2 à 3 cm pour le diamètre).

    Et c’est là que je retombe sur mes pieds en rejoignant l’économie : c’est l’Allemagne qui arrive en tête pour la croissance phallique puisqu’une opération d’agrandissement du pénis sur cinq a été réalisée outre-Rhin, la somme à débourser s’élevant à 9600 €. Le Venezuela et l’Espagne, puis le Mexique et la Colombie arrivent derrière, l’Iran est en dixième position. Mystère : la France n’est pas citée dans le classement de l’étude publiée par « International Society of Aesthetic Plastic Surgeons ». Les Français sont-ils satisfaits de leurs attributs ou ont-ils renoncé à toute croissance ?

    Parlons maintenant de décroissance. Que mes frères masculins ne s’inquiètent pas, il ne s’agit pas d’amputer un appendice auquel ils sont très attachés. La décroissance dont je veux parler concerne le sexe féminin ou plus précisément de ses lèvres. Un groupe britannique de chirurgie esthétique a révélé que le nombre de demande de labiaplastie a progressé de 45% au cours des quatre dernières années. « Ainsi, [en Grande-Bretagne] 3 500 interventions visant à remodeler le dessin des lèvres vaginales sont désormais réalisées chaque année, dont 1 150 concernent des jeunes femmes de 18 à 24 ans ». Cette tendance existe également aux USA.

    Les prétendues imperfections de ces lèvres paraissent plus visibles avec la mode de l’épilation intégrale. Les perfectionnistes recherchent l’esthétique vulvaire des très jeunes filles ou s’inspirent de modèles révélés par les films pornographiques. Comme toute décroissance, celle-ci n’est pas sans risque car outre des infections possibles, des douleurs lors des rapports peuvent parfois gâcher le plaisir de la contemplation.


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