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    Le Parisien révèle dans son édition du 10/08/15 que « Depuis mai, 300 médicaments s'affichent en rupture de stock sur les listings des fournisseurs… Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ASNM), cette situation dure depuis 2008 et ne cesse de prendre de l'ampleur. Selon les chiffres de l'agence, les ruptures d'approvisionnement ont été multipliées par dix en sept ans »

    Serait à l'origine de cette pénurie, « la pratique du "contingentement", qui consiste à limiter volontairement le nombre de boîtes mises à disposition des grossistes pour les empêcher de vendre leurs médicaments à l'étranger. L'Académie nationale de pharmacie estime, quant à elle, que "14 % des ruptures de stocks de médicaments auraient pour origine une difficulté d'approvisionnement en matières premières ».

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    Il y a trois ans j’avais écrit l’article que je reproduis ci-dessous :

    Lorsque vous prenez un médicament vous pensez peut-être que celui-ci a été intégralement fabriqué et conditionné par le laboratoire qui le délivre et le vend. C’était en effet le cas autrefois où la fabrication était locale et totale (principes actifs, excipients, produits de conditionnement) et réalisée par un petit nombre d’acteurs connus et bien surveillés par les autorités sanitaires. Ce n’est plus le cas. Le médicament est devenu un produit de consommation comme un autre, soumis aux mêmes règles commerciales, où domine la rentabilité financière. Cette vision ultralibérale a abouti à une mondialisation où chaînes de production et de distribution se sont dissociées. Les principes actifs sont fabriqués là où la fabrication est la moins chère. C’est ainsi que pas un gramme de paracétamol (antalgique courant) n’est produit en Europe ! La Chine produit 40 à 50% des principes actifs des génériques destinés au marché européen. Heureusement, il existe pour l’Europe des inspections des sites mondiaux de production qui peuvent aboutir au retrait ou à la suspension des certificats de conformité à la pharmacopée européenne. Il est à noter que 75% de ces retraits ou suspensions ont concernés des sites chinois ou indiens. Toujours par un souci de rentabilité des médicaments anciens mais efficaces ne sont plus fabriqués car leur prix de vente est peu élevé et les bénéfices jugés insuffisants, surtout s’ils sont destinés à des maladies peu fréquentes.

    Cette mondialisation de la fabrication des médicaments et la concentration des lieux de fabrication ont une autre conséquence : la fréquence de plus en plus grande des « ruptures de stock ». En France, sur les 5 dernières années, ces pénuries de médicaments ont été multipliées par 10 et au premier semestre 2011, 31 bulletins d’alerte ont été lancé par l’Afssaps contre 4 en 2010 et 2 en 2009. Aux USA leur nombre est passé de 60 en 2006 à 220 en 2011. Ces ruptures ou arrêts d’approvisionnement concernent souvent des médicaments anciens et d’un coût faible et peu importe s’ils sont nécessaires ou au moins d’efficacité égale aux médicaments plus récents mais plus chers.

    A cela, il faut ajouter le commerce croissant des faux médicaments qui en 2010 a représenté 10% du marché pharmaceutique mondial, et 75 milliards de bénéfice pour les fraudeurs. Selon l’OMS, " 60% des cas de contrefaçon sont détectés dans des pays pauvres [où elle tue des milliers de personnes chaque année] et 40% dans des pays industrialisés" (50% des médicaments vendus sur internet seraient contrefaits : placebo ou produit toxique). En Europe, près de 3 millions de faux médicaments ont été saisis par les douanes en 2010 », 65000 boîtes ont été saisies en France en 2011 alors qu’auparavant la fraude était marginale. La fabrication de ces contrefaçons se fait de plus en plus à l’échelle industrielle, et un peu partout (Suisse, Inde, Chine…), alors qu’elle ne concernait que les produits dits « de confort », elle porte de plus en plus sur des médicaments destinés à des pathologies lourdes comme les cancers ou les maladies cardiovasculaires qui, elles, sont bien réelles. Un danger sanitaire en perspective surtout si les faux réussissent à s’infiltrer dans les réseaux officiels de distribution.


    Sources : « les Cahiers du médicament, la Revue du praticien de mai 2012 », Egora et AFP


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    A l’heure où en France une famille se déchire sur la fin de vie d’un homme quadriplégique dans un état végétatif, à quelques lieux de cette polémique, en Belgique, abréger la vie d’autrui est légal, assuré par des médecins si les conditions pour le faire sont respectées.

    L’euthanasie est non seulement permise pour des cas désespérés mais également possible pour « souffrance mentale inapaisable ».

    Une étude* est parue dans le BMJ portant sur 100 patients ayant demandé à être « euthanasiés » pour cette raison entre octobre 2007 et décembre 2011. Le diagramme ci-dessous montre leur répartition selon le sexe et l’âge.

    183. Les aléas de la mort programmée

    On voit que 77% de ces candidats à la mort sont des femmes.

    90 de ces 100 personnes avaient des troubles psychiatriques divers où domine, bien sûr, la dépression pour la moitié d’entre eux. A noter l’existence 13 fois d’un stress post-traumatique et 10 fois d’un trouble de la conduite alimentaire.

    Un changement thérapeutique a pu être tenté, mais finalement 48 demandes sur les 100 ont été acceptées :

    - 35 ont été « euthanasiés » le plus souvent entourés par la famille, dans des conditions qui n’existent pas pour le suicide traumatique.

    - 2 se sont suicidés seuls.

    - 11 ont reporté ou annulé l’euthanasie. 8 d’entre eux se sont sentis soulagés de pouvoir éventuellement y recourir, 2 se sont rétractés en raison de la pression familiale et un dernier a été incarcéré (dans le groupe il existait 10 toxicomanes).

    52 demandes n’ont pas été acceptées :

    - 38 se sont rétractés avant décision

    - 8 ont réitéré leur demande

    - 4 se sont suicidés

    - 2 sont décédés de mort naturelle.

    En conclusion. Donner volontairement la mort n’est pas une mince affaire. J’avoue qu’en tant que médecin, programmé pour préserver la vie, c’est un dilemme que j’ai du mal à résoudre, surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’une déchéance et/ou d’une souffrance physique.

    Je ne conteste pas que la souffrance mentale peut être insupportable, mais le sujet reste en possession de ses moyens et donc avec la possibilité de se suicider, ce qui a d’ailleurs été fait ici 6 fois sur 100. L’avantage de l’euthanasie est d’assurer une mort « plus sereine ».

    A contrario, sur les 48 sujets dont la demande a été acceptée, il s’avère que 11 sont restés vivants. Combien parmi les 35 « euthanasiés » seraient-ils restés en vie si on ne leur avait pas donné la mort ?

     

    *Euthanasia requests, procedures and outcomes for 100 Belgian patients suffering from psychiatric disorders: a retrospective, descriptive study


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    Les sites médicaux ont évidemment beaucoup de succès. Les malades cherchent à connaître leur maladie dont ils redoutent l’évolution et à vérifier la validité de leur traitement. Ceux qui ne sont pas malades redoutent de le devenir et vont vérifier sur internet la signification des troubles qu’ils ressentent. Dans ce dernier cas, l’internaute inquiet risque d’être perdu car un symptôme peut se retrouver dans de multiples maladies. Il est exceptionnel qu’un seul symptôme = une maladie.

    Le médecin pour établir un diagnostic rassemble les symptômes décrits par le patient, mais en les « épurant » par l’interrogatoire et recherche en outre ceux qui sont éventuellement négligés, il y ajoute les signes qu’il recueille lors de son examen. L’ensemble constitue un tableau qui lui évoque en général plusieurs possibilités parmi lesquelles il devra choisir la plus probable en fonction du terrain. En cas de difficulté, le médecin fera appel à des examens complémentaires : biologie et/ou imagerie qui lui permettront de trancher.

    On voit qu’établir un diagnostic comporte plusieurs étapes et l’internaute en s’adressant aux sites médicaux risque d’obtenir des réponses erronées, non pas parce que les sites sont mal faits, mais parce que les données qu’il leur fournit peuvent être mal jugées (on n’est guère objectif envers soi-même) et inexactes ou partielles. Il manque en outre dans le tableau les signes recueillis par le médecin, les seuls pouvant à la rigueur être fournis sont les signes visibles par le patient notamment dermatologiques.

    Il existe des logiciels d’aide au diagnostic qui peuvent aider la mémoire du médecin, celui-ci reste cependant maître des données et de l’interprétation des résultats.

    Sont apparus à présent des sites médicaux basés sur le même principe mais destinés au public et qui ne se contentent pas de donner des renseignements, ce sont les « symptomcheckers », sortes d’analyseurs de symptômes. Ils rassemblent les symptômes signalés par l’internaute, les analysent, établissent un diagnostic et dirigent le patient, sur la nécessité ou non de consulter, en précisant le degré d’urgence. Des institutions comme la NHS au Royaume-Uni ou de la Mayo Clinic aux Etats-Unis ont lancé leur propre symptomchecker. L’un d’eux, ITriage, revendique jusqu’à 50 millions d’utilisateurs par an et existe aussi sous forme d’application pour smartphone ou tablette.

    Ces sites d’autodiagnostic sont-ils fiables ?

    Une équipe américaine[1] a tenté d’évaluer la fiabilité de 23 sites.

    Le bon diagnostic n’est donné en moyenne que dans 34 % des cas, et dans les 20 possibilités évoquées par le tableau, le diagnostic suggéré par les sites n’en fait partie que dans 58 % des cas.

    La conduite appropriée n’est donnée qu’une fois sur deux, sauf pour la nécessité de consulter en urgence qui s’est avérée exacte quatre fois sur cinq.

    En conclusion : en consultant ces sites analyseurs de symptômes, l’internaute risque d’acquérir une maladie qu’il n’a pas et de ne pas connaître celle qu’il a. Par contre ils ne se trompent qu’une fois sur cinq en cas de gravité, ce qui n’est pas sans intérêt.

    Pour être honnête, je ne connais pas la proportion d’erreurs diagnostiques commises par les médecins pour établir une comparaison, mais par expérience je peux avancer qu’elle est très inférieure à deux fois sur trois !

    A noter, en outre, qu’il ne semble pas qu’un tel système permettrait d’alléger le travail des médecins car le conseil de consulter est donné à tort dans 66% des cas, là où une simple automédication aurait été suffisante. Mais compte tenu des erreurs diagnostiques commises par ces sites, le conseil de consulter n’apparait pas superflu.

    182. Diagnostic électronique

     

    [1] Semigran H.L. et coll. : Evaluation of symptomcheckers for self diagnosis and triage: audit study. BMJ 2015 ; 351: h3480


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    181. L’amnésie numériqueL’autre jour en arrivant sur le lieu où je conserve encore une activité professionnelle, j’ai ressenti une impression désagréable : j’avais oublié chez moi mon smartphone ! Un objet sans lequel j’ai vécu sans peine tout au long de ma vie et dont l’absence aujourd’hui me donnait cette impression bizarre, pour ne pas dire stupide, de manque.

    A ma décharge j’ai compris que ce n’était pas l’appareil qui me manquait.

    Cet appareil omniprésent que les gens tiennent précieusement dans leur main ou à portée immédiate, qu’ils consultent en tout lieu et en toute circonstance, même au péril de leur vie, qu’ils fixent, fascinés, en marchant dans la rue, qu’ils collent à leur oreille en roulant à vélo, tenant le guidon d’une seule main pour zigzaguer entre les voitures ou pour éviter un piéton en grande conversation téléphonique tout en passant au feu vert.

    Non, ce n’est pas le smartphone qui m’avait manqué, mais les numéros de téléphone qui figurent dedans. Depuis son utilisation on ne transporte plus de répertoire sur soi et l’on ne cherche plus à retenir de mémoire des données qui peuvent à l’occasion se révéler indispensables.

    J’étais à mon tour atteint « d’amnésie numérique » définie comme « l’oubli d’informations confiés à un appareil numérique qui les stocke et les mémorise pour vous ».

    Ce fait est bien illustré par une enquête en ligne (Kaspersky lab) auprès de 10000 personnes âgées d’au moins 16 ans et publiée le 1/07/15.

    Les Français « connectés » ne connaissent pas par cœur les numéros de téléphone de leurs enfants pour 58%, de l’école qu’ils fréquentent pour 89%, de leur lieu de travail pou 51%, ou de leur conjoint pour 34%, mais curieusement plus de la moitié se rappelle du numéro du domicile où ils vivaient pendant leur adolescence.

    La facilité de recourir à internet pour retrouver des données affaiblit en outre la mémoire (« effet Google »). 71,9 % des sondés affirment utiliser internet comme « une extension de leur cerveau » et ce chiffre dépasse 83% chez les jeunes de 16 à 24 ans. On peut se demander à ce niveau s’il s’agit d’une extension et non pas d’un remplacement.

    Ainsi, l’impossibilité d’accéder dans l’immédiat à des numéros importants que je n’avais pas pris la peine de retenir ou de noter, m’avait brusquement donné l’impression d’être vulnérable.

    Cette vulnérabilité, je ne l’ai ressentie que de façon fugace. Mais cette enquête a montré que le ressenti lorsque l’on est dépouillé (à nu, disent certains) de son smartphone ou de sa tablette peut être plus pénible, allant jusqu’à un état de panique, notamment chez les femmes dont « 20% avouent qu’elles seraient catastrophées et 38% qu’elles seraient submergées de tristesse ».

    Si le numérique a bouleversé et enrichit notre civilisation, celle-ci en est devenue bien trop dépendante à l’origine d’une vulnérabilité inquiétante aussi bien pour l’individu que pour la société.

    Source : Journal International de Médecine

    Magritte : « Mémoire »


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    180. Enfants futurs à vendreFaire rencontrer en dehors de la femme un spermatozoïde et un ovule afin que le premier pénètre le second pour créer un embryon est devenu chose banale (fécondation in vitro). Cet embryon, s’il est potentiellement un être humain, n’est qu’un amas cellulaire constitué par division de la cellule initiale formée par la rencontre des gamètes lorsqu’il sera implanté dans l’utérus de la femme afin qu’elle en fasse un enfant.

    Les gamètes à l’origine de l’amas cellulaire peuvent provenir des deux conjoints dont les rapports sexuels ont été stériles ou de donneurs.

    Lors de la fécondation in vitro il est créé plusieurs embryons (avec l’accord écrit du couple) dont seulement deux, parfois trois seront implantés dans l’utérus de la femme en choisissant les plus « sympathiques », aux cellules régulières, non fragmentées, pour avoir plus de chances de provoquer une grossesse.

    Que deviennent les embryons surnuméraires ? Ils sont conservés par congélation ou vitrification (congélation rapide). Mis en hibernation, que vont-ils devenir en France ?

    Avec l’accord du couple (sollicité par écrit chaque année) :

    - Ils peuvent être conservés pour une éventuelle implantation ultérieure sur la femme du couple.

    - Accueillis par un autre couple

    - Servir à la recherche

    - Détruits.

    On pourrait s’offusquer de cette destruction (on parle plus volontiers de la cessation de la conservation) puisqu’il s’agit d’êtres humains potentiels sous forme d’amas cellulaires informes. Certains pourraient considérer qu’il s’agit d’un avortement à un stade très précoce. Qu’ils se rassurent, l’embryon n’a que quelques jours lorsque que son développement est arrêté par la congélation, et d’après Saint Thomas d’Aquin, une référence en matière théologique, le fœtus acquiert son âme 40 jours après la fécondation chez l’homme et 80 jours après chez la femme. Même au stade fœtal la femme n’est pas l’égale de l’homme.

    J’ignore le nombre d’embryons conservés par congélation en France, mais aux USA le chiffre dépasserait largement les 500000.

    Il était donc tentant pour des gens avisés de faire commerce de ces amas cellulaires tristement abandonnés par les couples plutôt que de les détruire.

    C’est chose faite :

    Quelques institutions américaines proposent de les vendre aux couples souffrant de double infertilité. Le prix irait jusqu'à 20.000 dollars.

    Quant à chosifier l'humain, j’espère que dans un proche avenir des soldes seront envisagées pour abaisser les prix, et que les couples pourront choisir sur catalogue les caractéristiques de l’enfant futur qu’ils achètent et dont ils ignorent la provenance. A moins d’établir une traçabilité par étiquetage.


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  • J’ai été surpris de constater que dans le palmarès des 25 livres les plus vendus à la Fnac du 15 au 18 juin 2015 publié par Le Point figurent deux livres sur la santé parmi les quatre premiers, et ces deux livres sont dans le palmarès depuis 11 semaines !

    Le livre à la quatrième place s’intitule « Le charme discret de l’intestin. Tout sur un organe mal-aimé ». J’avoue que le titre est alléchant. Je ne l’ai pas lu, j’ignore donc ce qu’il contient et s’il est indigeste ou pas. Il s’agit peut-être d’un excellent ouvrage de vulgarisation, mais je reste étonné qu’il puisse attirer sur un tel sujet autant d’amateurs. Tant mieux s’il est bon.

    L’autre livre est classé en deuxième position au palmarès et pourtant son sujet et son titre sont d’une banalité abyssale : « Prenez votre santé en main ! ». Le point d’exclamation montre à quel point cette injonction est impérative. Il ira sans doute rejoindre les myriades de livres traitant du même sujet, en encombrant les rayonnages des espaces réservés dans les librairies, et en laissant par la suite une petite place au prochain ouvrage de la même veine rédigé par un autre auteur que les médias auront propulsé au firmament des ventes.

    Le public a une appétence particulière pour ce genre de littérature espérant y trouver une martingale pour vivre longtemps en bonne santé, voire être immortel.

    On pourrait taxer cette opinion d’injuste et de partiale, car je n’ai jamais lu un de ces livres d’un bout à l’autre, me contentant de les feuilleter rapidement par curiosité.

    Je tiens à ma santé.

    Quant à ce « Prenez votre santé en main ! », je dois avouer que je ne l’ai même pas feuilleté. Je ne me base que sur le titre, des extraits d’interview[1] (où l’auteur nous dévoile des petits trucs qui ne manquent pas de pittoresque mais qui ne vont sûrement pas changer votre destin), et sur le contenu de livres semblables que j’ai vu régulièrement paraître depuis des décennies. Aussi pourrait-on trouver abusif de critiquer un livre sans l’avoir lu. A ma décharge, je crois que je ne suis pas le seul.

    Je ne lis pas ce genre de livres comme je ne regarde pas les séries TV qui se déroulent dans le milieu hospitalier. Milieu qui m’a paru étrange et étranger les rares fois où j’ai tenté de les regarder, alors que j’y ai passé une grande partie de ma vie. Il est vrai que je suis un peu distrait et on ne peut exclure que beaucoup de choses m’aient ainsi échappé.

    Mais revenons à ce « Prenez votre santé en main ! » qui sent le coach ou le gourou à plein nez. Cette injonction implique que vous êtes maître de votre santé et qu’elle dépend entièrement de vous.

    Certes, vous pouvez détruire votre santé : fumez quelques paquets de cigarettes par jour, buvez quotidiennement quelques litres de vin, faites les deux ensemble, droguez-vous, exposez-vous chroniquement à des toxiques (ce qui est malheureusement le cas pour certaines professions) et vous passerez tôt ou tard la main avant les autres.

    Mais cet ouvrage donne surtout des conseils pour préserver sa santé.et je ne vois pas ce que cet auteur peut dire d’autre de sensé à des gens qui ne sont pas encore malades[2] que : ayez une alimentation équilibrée et variée, mangez modérément, et faites régulièrement un peu d’exercice. Conseils dont la brièveté aurait évité d’abattre des arbres.

    Des livres entiers ne font qu’exposer des variations sur ces thèmes ressassés en usurpant beaucoup de place dans les rayonnages des librairies, mais en faisant la fortune d’auteurs sans originalité mais non dangereux. D’autres préconisent une sélection excessive des aliments pour prévenir des maladies graves, illusion qui peut s’avérer dangereuse. Mangez uniquement « bio » ou en suivant des conseils alimentaires sévères ne vous préservera malheureusement pas des maladies (dans le meilleur des cas on peut en retarder l’éclosion pour certaines d’entre elles) quels que soient vos efforts et vous aurez sacrifié beaucoup de petits plaisirs en vain.

    Il dépend de nous d’avoir un minimum d’hygiène de vie et d’éviter de nous tuer, mais nous ne sommes pas maître de notre santé comme le prétend cet auteur à succès. Quoi que nous fassions (sauf autodestruction) notre programmation génétique nous rend terriblement inégaux en matière de santé[3] et s’avère tôt ou tard suicidaire pour tous.

     

    [1] Extrait d’une interview en avril dernier (France TV info) : Pour le docteur Saldmann, "on a au plus profond de nous-mêmes des moyens d'autoguérison". Selon lui, "il faut commencer du bon pied : se gargariser après avoir bu de l'eau un petit peu gazeuse, comme le font les Japonais". Il conseille aussi de se moucher, et respecter quelques règles de propreté : "Il faut nettoyer régulièrement votre douche. Quand on a été malade, il faut jeter sa brosse à dents ou la passer au lave-vaisselle". Le professeur Saldmann propose aussi "30% d'alimentation en moins".

    Frédéric Saldmann donne aussi quelques conseils pour manger moins sans forcément faire un régime : "Utiliser la puissance du ‘nerf vague’, qui agit notamment sur la digestion. Quand on le stimule, cela donne l'impression d'avoir pris un repas. Il y a des points de stimulation douce au niveau de la bouche et du ventre", explique-t-il. Selon lui, "il y a des aliments ‘retard’ comme les sardines, les poivrons et la cannelle, car ils sont plus longs à digérer". L'auteur de "Prenez votre santé en mains" conclut : "Les gens qui se guérissent avec des placébos sont en meilleure santé. La force des convictions provoque la montée en puissance de molécules qui accélèrent la guérison. La force de la concentration est un formidable moyen de se soigner".

    NB. « Les gens qui guérissent avec des placebos sont en meilleure santé » est tout de même une perle

    [2] Car, là, les conseils médicaux sont d’une autre nature et adaptés à la maladie.

    [3] Si vous en avez le courage, voir à ce propos pour ce qui concerne le taux de cholestérol sanguin l’article : « Certains sont plus égaux que d’autres »


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    Muaz Nawaz, 13 ans, Ali Daanyaal, 14 ans, et Chirag Shah, 14 ans sont trois collégiens de l’Isaac Newton Academy (situé à Ilford dans la banlieue de Londres). Ils ont remporté le premier prix de l’innovation en santé lors des Teen Tech Awards, une sorte de concours Lépine réservé aux adolescents âgés de 11 à 16 ans, qui est récompensé par une somme de 1 000 livres (une autre source parle de 1800 livres) et d’une visite de Buckingham Palace.

    A leur âge, ces enfants s’occupent déjà de la santé de leurs concitoyens et qu’ont-ils inventé ? Et bien, un dispositif médical intelligent : un préservatif qui change de couleur au contact de certaines bactéries sexuellement transmissibles, en vert pour les Chlamydiae, en jaune pour l'herpès, en mauve pour le papillomavirus et en bleu pour la syphilis. Le préservatif qui a été en contact de la bactérie luit gaîment d’une couleur spécifique à la faible lumière.

    Les concepteurs ont déclaré dédier leur condom à la nouvelle génération et expliqué avoir voulu « inventer quelque chose qui permet de détecter facilement les IST, afin que les gens puissent se tester tranquillement à la maison, sans avoir à aller chez le docteur ».

    Reste que la positivité du test au sortir d’une étreinte amoureuse risque de gâcher son romantisme en faisant apparaître le germe de la discorde.

     

    Cliquez

    Dessin de Geluck


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    Albert Starr, né à New-York, âgé de 89 ans et toujours en activité, vient de recevoir, le 3 juin 2015, à Paris, l'un des grands prix de l'Institut de France. Ce prix doté de 500000 € lui a été remis par le Pr Alain Carpentier. C’est ainsi que le Français, inventeur (avec Edwards) de la première bioprothèse valvulaire (valve cardiaque fabriquée à partir de tissu biologique), a couronné l’Américain, son ami de 50 ans, inventeur (avec Edwards) de la première valve cardiaque mécanique. Cette prothèse a transformé à partir de 1960 le destin des malades atteints de maladies des valves cardiaques, ces petites portes qui permettent le passage du sang toujours dans le même sens d’une cavité cardiaque à l’autre en empêchant son reflux dans la cavité d’amont.

    A la fin des années 50, il n’y avait pratiquement aucun traitement pour les cardiopathies valvulaires (en dehors du rétrécissement mitral). Mais l’apparition des premiers appareils de circulation extra-corporelle permettant l’ouverture du cœur offrait la possibilité d’envisager le remplacement d’une valve malade. Encore fallait-il mettre au point une valve artificielle fonctionnelle, résistante et bien tolérée.

    177. Des gens réellement importants« C'est à l'hôpital de l'Université de l'Oregon que le jeune Starr âgé de 32 ans (à177. Des gens réellement importants gauche) fait la rencontre de sa vie en la personne d'un ingénieur en hydraulique à la retraite célèbre pour avoir inventé des dispositifs utilisés dans les avions de combat au cours de la seconde guerre mondiale, Miles Lowell Edwards (à droite). Celui-ci, pour occuper son temps libre, souhaite rien de moins que de mettre au point un cœur artificiel. Le jeune Starr trouve le projet passionnant mais très prématuré et convainc Edwards de s'attaquer avec lui à un problème plus "simple", celui du remplacement valvulaire. »

    177. Des gens réellement importantsC’est ainsi que Starr. et M.L. Edwards inventèrent la première prothèse valvulaire cardiaque métallique, faite d’une cage en acier habillée de téflon dans laquelle joue une bille en silastic. La bille est repoussée contre le sommet de la cage par l’éjection du sang et retombe sur l’anneau cousu sur les bords de l’orifice cardiaque qu’elle ferme lorsque cesse l’éjection. C’est simple, mais il fallait y penser. Ce sont-ils inspirés de cette balle de ping-pong qui, logée dans une cage à l'extrémité d'un tuba, évite aux plongeurs de boire la tasse ? (ci-contre : une des premières valves de Starr)

    « Pour la petite histoire c'est le chien Blackie, en pleine forme 13 mois après l'implantation d'une valve à bille, qui donnera le feu vert pour le passage à l'homme, raconte Albert Starr aujourd'hui. Lors d'une visite du laboratoire par le patron de Starr, le chirurgien Herbert Griswold, le labrador lui aurait longuement léché la main en agitant la queue, ce qui aurait fini de convaincre le chef de service de la possibilité d'obtenir une bonne qualité de vie avec ce dispositif et de débuter les essais chez l'homme ! »

    La première malade opérée en août 1960 mourut à la 10ème heure. Le second, confiné au lit avant l’intervention, ne mourut que 15 ans après en tombant d'une échelle alors qu'il repeignait sa maison.

    Dans les premiers modèles la bille pouvait se déformer et s’échapper de la cage avec le résultat que l’on devine. Les billes métalliques qui suivirent faisaient tellement de bruit qu’elles rendaient le sommeil difficile et les divorces fréquents. Mais des milliers de vies ont été sauvées par cette cage et sa bille. Deux cent cinquante mille valves de Starr ont été posées dans le monde depuis 1960 sur plus de 3 millions de valves mécaniques - depuis la bille a été remplacée par un disque basculant puis par des volets (ailettes) - ou biologiques.

    177. Des gens réellement importants

    Albert Starr (à droite) et Alain Carpentier (à gauche) entourant un patient opéré il y a plus de 30 ans


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    Selon les jargonneurs moliéresques de l’Education nationale, « s’exprimer », couramment utilisé par les primaires du langage, devrait avantageusement être remplacé par « produire des messages à l’oral et à l’écrit ».

    Je voudrais ajouter une petite pierre (à défaut de la jeter sur une grosse tête programmatrice) à ce grandiose édifice périphrastique sous forme de précisions : il faudrait dire pour « exprimer » : produire des messages à l’oral, à l’écrit, par mimique, par regard et… au sudoral.

    En effet, on sait que les agents chimiques contenus dans la sueur sont des signaux de communication odorants liés à la présence chez l'homme d'une abondante flore bactérienne. La sueur peut témoigner d'un état affectif comme la joie ou la peur, et cet état affectif sera perçu par la personne qui en renifle l'odeur.

    Par une sorte de contagion, l'émission de signaux chimiques dans la sueur de quelques personnes effrayées suffirait à provoquer un mouvement de panique dans un espace clos, comme un grand magasin ou une de salle de spectacle, Des études ont montré que des personnes déprimées dégageaient une odeur bien particulière susceptible de créer un « état de stress négatif » chez les personnes exposées.

    Des chercheurs de l’Université d’Utrecht (Pays-Bas)[1] estiment que le sentiment de bonheur peut être transmis par les odeurs véhiculées par la sueur, tout comme les phéromones jouent un rôle important dans l’attirance sexuelle.

    Pour le démontrer, ils ont fait une expérience en double-aveugle (ni l’expérimentateur, ni la personne soumise à l’expérience n’avait connaissance des éléments expérimentés) qui consistait à faire renifler par des femmes des tampons absorbants imbibés de la sueur des aisselles d’hommes qui avaient visionné trois vidéos successives (les aisselles étant remises « à zéro » à chaque fois), véhiculant soit des images effrayantes, soit des images de bonheur et de sérénité, soit des images neutres. Pendant que ces dames reniflaient les tampons de ces messieurs, leurs mimiques et leurs mouvements oculaires étaient soigneusement analysés par ces chercheurs néerlandais.

    Ils ont ainsi pu constater que les mouvements oculaires ainsi que les mimiques exprimées en sentant une sueur recueillie sur des hommes apeurés étaient des mimiques de peur, tandis que celles exprimées en sentant une sueur d’homme en état de bien-être évoquaient un sourire.

    Si les aisselles sont riches en messages chimiques que l’on cherche, par discrétion, a effacer par un déodorant, les mains en sont également porteuses. Au Weizmann Institute of Science en Israël, l'équipe de Noam Sobel et Idan Frumin, a démontré par une série d’expériences sur 271 volontaires, le rôle discret mais hautement significatif de la poignée de main.

    Lors de la poignée de main la transmission de signaux chimiques a été vérifiée par chromatographie et spectrographie de masse, les mouvements analysés par une vidéo cachée avec pixellisation et analyse numérique, le débit respiratoire des narines recueilli. Manifestement les mains sont reniflés et ce, plus longuement s’il s’agit du sexe opposé.

    Les longues poignées de mains des hommes d’Etat ne seraient-elles destinées qu’aux photographes ? Peut-être faudrait-il plutôt enregistrer les mouvements des narines cherchant à capter les informations chimiques.

    Mais qui ne semblent pas toujours décodées de façon correcte.

    176. Messages sudoraux

     

    [1] Jasper HB de Groot et coll. A Sniff of Happiness. Psychological Science, Published online before print April 13, 2015, doi: 10.1177/0956797614566318

    http://pss.sagepub.com/content/early/2015/04/10/0956797614566318.abstract

     


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    Un des rêves socialistes (quel que soit le pays) est de fonctionnariser la médecine. Cette perspective ne devrait pas être rejetée par les médecins, leur pratique serait bien plus confortable car débarrassée de la gestion d’une petite entreprise (pour les cabinets) et de la plupart des soucis administratifs que les médecins libéraux connaissent aujourd’hui en France, et qui n’ont de libéraux que le nom. Les médecins hospitaliers ne se plaignent pas de leur façon d’exercer.

    Je pense que dans une médecine fonctionnarisée les malades seraient plus à plaindre que les médecins dont la liberté d'action est entravée par les directives qu'on leur impose au détriment de leurs patients. Les pays communistes en ont donné quelques exemples où une médecine « au noir » s’était développée parallèlement au système officiel, véritable médecine "à deux vitesses".

    Il ne semble pas non plus qu’un système fonctionnarisé soit plus efficace sur le plan économique comme le montre l’état du National Health Service britannique.

    Je retranscris ci-dessous l’intégralité d’un article rédigé par Claire Breguet le 4/05/15 dans [la-nouvelle-gazette.fr]

    « Les nouvelles lignes directrices pour les médecins du système de santé britannique (NHS, National Health Service) les obligent à demander à leurs patients de plus de 75 ans (ou plus jeunes s’ils souffrent d’un cancer, de démence ou de maladies pulmonaires ou cardiaques graves) s’ils seraient d’accord pour ne pas être réanimés si leur santé se détériore rapidement. Le guide du NHS entoure cette mesure d’euphémismes sur « l’amélioration des soins en phase terminale », disant que la réanimation est un geste qui dans certains cas peut avoir de graves conséquences sous forme de fractures ou de blessures [lésions] cérébrales. Les professionnels de la santé considèrent comme « complètement équivoque » cette directive car elle conduirait les personnes âgées à penser qu’elles vont être éliminées, rapporte le Daily Mail.

    Le journal se réfère à des plaintes de patients qui se sont présentés chez le médecin pour un contrôle de routine et qui ont été choqués d’avoir à répondre à propos d’une réanimation (dangereuse) ou d’une aide à mourir. L’année dernière, certains médecins ont inséré l’indication « Ne pas réanimer » dans l’histoire de certains patients sans leur consentement, ce qui signifiait les priver de liquides et d’aliments en cas de détérioration rapide de leur situation. Les nouvelles lignes directrices viendraient combler cette lacune, mais selon un expert consulté par le Daily Mail, elles restent près du suicide assisté ». Le Dr Patrick Pullicino, professeur de neurosciences cliniques à l’Université du Kent et l’un des leaders de l’opposition à ce type de protocoles, note qu’il est absurde de prétendre que quelqu’un accepte de ne pas être réanimé avant même être malade. Pour quelqu’un qui va bien, ou qui a une maladie bénigne ou modérée, c’est totalement déplacé ».

    Dans certaines régions de l’Angleterre, le protocole est mené parfois abruptement, sur appel téléphonique dans lequel il est demandé au patient de décider comment il veut planifier sa mort. Le Daily Mail note qu’en vertu du protocole en vigueur depuis les années 90, a été introduit en 2013/2014, le Liverpool Care Pathway (Protocole de soins de Liverpool) Des patients déshydratés que leurs parents alimentés [alimentent] en utilisant des éponges humides parce que les infirmières avaient interdiction de leur donner de l’eau. »

    On voit que le NHS britannique se porte très mal au point de vouloir achever les vieux anglais par souci d’économie. Et les Anglais sont déjà gagas depuis la naissance d’une nouvelle princesse.

    175. « On achève bien les chevaux » (4)

    D’un spectacle de Bartabas


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