• Le petit enfant, pour se consoler ou s’apaiser, lève son pouce et l’introduit goulûment dans sa bouche : en le suçant, il entre en paix, même si l’univers qui l’entoure lui parait hostile ou ne le comprend manifestement pas. Quant à la sucette, succédané du pouce, elle me donne toujours l’envie de déboucher l’enfant comme on déboucherait une bouteille.

    Plus tard, l’enfant au cours de jeux agressifs lèvera son pouce, en disant justement « pouce », pour réclamer un armistice. Il y a quelques années on demandait aux enfants de lever le pouce pour indiquer aux automobilistes qu’ils désiraient traverser une rue. Ce pouce levé devenant un symbole de calme, interrompant provisoirement la furia automobilistique en obligeant les chauffeurs à lever le pied. Adultes, les gens lèvent le pouce en signe d’approbation ou de compliment.

    A contrario, on peut  considérer que le pouce plié n’est pas un bon signe, car rabattu sur les autres doigts repliés il permet de former un poing. Il est brandi dans les manifestations comme un symbole de lutte ou comme un signe d’agressivité ou de colère. Le philosophe Alain disait à peu près ceci : si tu veux que ta colère retombe, desserre le poing.

    Le poing est la seule arme naturelle de l’homme et elle bien misérable pour se défendre contre les autres mammifères bien mieux pourvus que lui. Par contre, même dépourvu d’arme, le poing peut être efficace contre ses propres congénères.

    Une étude de l’université de l’Utah publiée dans The Journal of Experimental Biology part du fait bien connu qu’au cours de l’évolution l’acquisition de la station et de la marche debout a favorisé le changement de forme de la main de l’homme. Comparé au chimpanzé, l’homme a une paume et des doigts courts et un pouce plus long, flexible et robuste. Le pouce rabattu sur les autres doigts permet de frapper beaucoup plus fort qu’avec les pouces à l’extérieur, tout en protégeant la main. Les mâles qui pouvaient cogner plus dur sans se blesser « étaient davantage capables de se battre et donc plus susceptibles de se reproduire ».

    Ne dit-on pas que la boxe est le « noble art » ? Une noblesse qui remonte aux premières générations de l’homme et aux origines de la violence.

    Quant aux auteurs de cette publication en principe scientifique, on peut se demander s’ils n’ont pas utilisé leurs deux poings pour enfoncer une porte ouverte.

    buffet l'enfer de dante 

    Bernard Buffet : « L’Enfer de Dante : Damnés pris dans les glaces »  


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  • dali-narcisse.jpg

    Souvent un mot en « isme » traduit une idéologie, système d’idées qui concerne l’ensemble d’une société ou même le monde entier. Le nombrilisme a ceci de particulier qu’il ne concerne qu’une seule personne : soi-même, ce qui peut-être irritant pour les autres mais pas dangereux. Il peut cependant s’étendre à sa ville ou à son pays pour se grandir soi-même en s’attribuant de cette façon les qualités supposées et parfois erronées du milieu dans lequel on vit.

    L’axe de la Terre passe par le nombril de chacun. Et le monde tourne autour de son nombril. C’est un moteur puissant. C’est un composant de l’Histoire qui n’est plus à la mode, on parle plus volontiers de forces économiques, d’évolution sociale, mais sans le nombril tordu d’Hitler la deuxième guerre mondiale aurait-elle eu lieu ?  

    Il n’est donc pas étonnant que chacun regarde son nombril et avec la caution philosophique du « connais-toi toi-même » de Socrate. Il le regarde avec attendrissement ou désespoir. Après tout le nombril est unique et périssable et le temps est limité pour le regarder.  

    La tendance est de le montrer, on ne perd pas une occasion pour le faire et le mettre en valeur. Les pipoles en ont fait leur activité principale, et les voyeurs de leur nombril doré largement étalé dans la presse ou sur internet, sont innombrables et le regardent avec avidité et envie.  

    Il y a peu, la mode pour les jeunes filles était de le laisser à l’air, ce qui a entrainé sa banalisation, conscientes du phénomène, elles ont maintenant tendance à l’enfouir à nouveau pour le garder pour soi, en ne le révélant qu’à bon escient.  

    La littérature est d’une autre portée, et surtout la poésie qui est l’expression littéraire la plus nombriliste, le nombril étant recouvert d’un voile transparent, charmant ou amer. Les écrivains appuient souvent sur leur nombril comme sur un bouton pour exprimer le désespoir du monde qui passe forcément par leur corps, même si celui-ci vit dans le plus grand des conforts, mais les chants désespérés ne sont-ils pas les plus beaux ?  

    Regarder son nombril, bien que pleinement justifié, ne permet pas toujours de jeter un œil intéressé sur le nombril des autres et sur le monde qui tourne autour. Mais heureusement, il y a des spécialistes pour regarder le nombril d’autrui : notamment les psychologues et les psychanalystes. Souvent ces spécialistes ont du mal à faire le tour de leur propre nombril, alors il gagne leur vie en contemplant celui des autres.  

     

    Dali : « La métamorphose de Narcisse »


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  • J’ai lu quelques livres de Patrick Modiano (1) et j’ai commencé son dernier roman : « L’herbe des nuits ». Au bout de quarante pages, je me suis dit : encore ! Il exagère, il recommence ! Oui, il fait à chaque fois le même livre à peu de choses près, et je continue à le lire !

    La trame est toujours la même. Un homme s’exprimant à la première personne, dont on ne sait pas ou peu ce qu’il est et ce qu’il fait, est à la recherche de son passé, peut-être pour y trouver sa place dans le présent. Des retours en arrière portés par des notes, des pérégrinations dans des quartiers de Paris et des lieux (surtout des cafés). Des noms surgissent, des personnages plutôt esquissés que décrits tournent en rond autour du narrateur, à moins que cela soit l’inverse. On ne sait pas trop pourquoi le narrateur se trouve mêlé à ces personnages ou fréquente leur milieu, et tout est noyé dans le halot du souvenir et l’incertitude de la mémoire. Le récit fait souvent référence à une période trouble comme l’occupation allemande. Les personnages sont souvent peu recommandables (le « Je » est maintes fois interrogé par un policier), mais le narrateur n’est pas très explicite ou il n’en sait trop rien car les personnages qui se succèdent sont insaisissables comme des fantômes et conservent souvent longtemps leur mystère.  

    Quant à l’intrigue, il n’y en a pas dans le sens linéaire du terme, et je serais incapable de raconter un de ces livres. Elle est ébauchée par petites touches entre le passé et le présent, le second n’étant qu’une quête incomplète et incertaine du premier. Une intrigue brisée en zigzag dans la trame temporel, mais menée habilement pour soutenir l’attente.  

    Alors pourquoi lire du Modiano ? Là est la magie de cet écrivain. Prendre un de ses livres, c’est être pris par lui, et on ne le quitte pas si la magie opère (car ses romans sont inégaux). Le plaisir de lire une écriture parfaite mais d’une grande simplicité, et finalement le destin de ces personnages, la plupart disparus, qui ne sont souvent que des noms, nous intéresse et on espère voir leur mystère éclairci au fil des pages. Oui, Modiano exagère, il ne se renouvelle aucunement et je comprends que l’on puisse s’en lasser, mais j’ai hâte de reprendre la lecture de « L’herbe des nuits » (beau titre).

    (1) La place de l’étoile, Une jeunesse, Pedigree, Dans le café de la jeunesse perdue, Rue des boutiques obscures, Horizon.

         

     

     

     


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  • Dans son bloc-notes du Point du 29/11/12, Bernard-Henri Lévy parle de la Grèce : « Pour que revive le philhellénisme ». Il remarque qu’au XIXe siècle de grands esprits volaient au secours de ce pays et militaient pour sa liberté, alors qu’aujourd’hui les Européens le stigmatisent, lui imposent une austérité et l’abandon de fait de sa souveraineté. Mais, souligne-t-il, la Grèce est responsable de la situation dans laquelle elle se trouve « Honte à votre classe politique insouciante, pour ne pas dire irresponsable, qui s’est depuis des décennies, avec votre complicité, vautrée dans le clientélisme, puis servie de l’euro comme d’une machine à créer de la richesse fictive et de la rente…Honte à ce parti néonazi, Aube dorée, qui est en passe d’attirer selon les sondages de 10 à 15% de votre électorat… ». Ce seraient les termes utilisés par BHL devant une assemblée de Grecs dans un centre culturel d’Athènes. Rien à dire sur leur exactitude, mais en les formulant il participe lui aussi à « les jeter plus bas que terre », ce qu’il reproche justement aux Européens dont les mesures conduiraient à la déchéance de la Grèce et la pousseraient à sortir de l’Europe, ce qui ne serait bon pour personne.

    Il est incontestable que la culture européenne est largement imprégnée de la culture grecque antique et la pensée occidentale lui doit beaucoup. C’était d’ailleurs un des  arguments pour l’entrée de la Grèce dans l’Europe, puis dans la zone euro, en fermant probablement les yeux sur ses malversations. Ainsi le peuple grec d’aujourd’hui, qui n’a pas grand-chose à voir avec le peuple grec d’il y a 2500 ans, peut se prévaloir d’un riche héritage ancestral au point que BHL affirme qu’il serait inconcevable que la Grèce du XXIème siècle ne fasse plus partie de l’UE au nom de la mémoire de ce qu’elle était il y a 25 siècles, et du symbole que représente ce pays

    Bien sûr, BHL n’a aucune solution et ce n’est pas son rôle d’en avoir une. Mais après avoir montré  la responsabilité des élites de la Grèce, avoir souligné la complicité des Grecs eux-mêmes, tout en reprochant la dureté aveugle des mesures européennes et la stigmatisation dont ils sont l’objet, que reste-t-il ? Entretenir une danseuse décrépie, malgré ses frasques, en souvenir de la beauté de sa lointaine jeunesse ?


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  • Avant et après la deuxième guerre mondiale, une partie importante de la population française se déclarait favorable aux régimes communistes en place et même admirative. Beaucoup étaient en extase devant les réalisations de l’Union Soviétique supposées ou vantées par une propagande bien faite. L’URSS bénéficiait en outre de l’aura d’avoir largement contribué, et au prix de lourds sacrifices, à la chute du nazisme. Par la suite, ce fut au maoïsme d’avoir son heure de gloire. Des régimes qui avaient déjà à leur actif des dizaines de millions de morts innocents provoqués par la folie de leurs maîtres, des décisions absurdes et des sacrifices inutiles.

    Que le peuple, à l’époque, étourdi par la propagande, puisse sincèrement penser que de telles idéologies étaient susceptibles améliorer leur sort, pouvait à la rigueur se comprendre, mais l’adhésion de nombreux intellectuels au stalinisme et au maoïsme alors que des transfuges de ces pays cadenassés, parvenus à leur risque en Occident, témoignaient de la situation catastrophique dans laquelle se trouvaient les populations de ces pays, m’a  toujours paru incompréhensible. Et que dire des intellectuels invités sur place qui n’eurent jamais le bon sens de s’apercevoir que leurs hôtes égaraient leur jugement et flattaient leur béatitude, jusqu’à déléguer, le temps de son bain, de jeunes éphèbes de l’armée rouge pour nager auprès de Gide (qui fut un des rares à ne pas se laisser duper). Comment des gens aussi intelligents, talentueux, documentés, pouvaient ainsi se laisser berner et être aussi aveugles ? Un trop plein d’intelligence peut-il conduire à la débilité mentale ?  

    Question corollaire : comment peut-on être communiste de nos jours ? Le capitalisme n’est pas joli à voir, mais il n’a pas donné lieu à des autoritarismes meurtriers quand il a résisté aux idéologies, et il a permis une certaine réussite économique, même si elle est injuste, bancale, et fragile. Les autorités chinoises l’ont bien compris puisque la réussite économique de la Chine est liée à l’introduction d’une bonne dose de capitalisme dans son communisme, surtout caractérisé par un parti unique et le confort de ses dirigeants.    

    Comment peut-on être communiste aujourd’hui ? Le communisme a manifestement échoué partout, sous tous les climats et quels que soient les hommes qui l’ont entrepris,  jusqu’à aboutir à la monstruosité de la Corée du Nord. Les communistes sincères vous diront que ces communismes-là ont trahi le communisme tel qu’ils le conçoivent. Ce qui veut dire qu’ils se considèrent comme plus intelligents et plus vertueux que les autres. C’est à la fois d’une grande prétention et d’une grande naïveté, car cette idéologie, une fois appliquée, aboutit toujours à la même chose, c’est dans l’essence même du système et dans la nature des hommes, les faits historiques l’ont largement prouvé.

    Conclusion : l'idéologie rend idiot   

     


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  • Mr Morsi, le président élu de l’Egypte, qui fut considéré comme un « islamiste modéré », ne cache pas son projet d’introduire la charia dans son pays comme source du droit. Pour cela, il concentre dans ses mains tous les pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, mais en affirmant à ses partisans, en réaction aux manifestations des opposants, de ne le faire que pour être fidèle à la révolution (à laquelle, me semble-t-il, il n’avait pas participé) et de préserver la liberté et la démocratie. Déclaration surréaliste, à moins qu’il ne s’agisse que d’humour islamiste.

    Je me souviens d’un dessin humoristique paru, je crois, dans le Canard où un groupe d’hommes entourait une femme, chacun ayant dans la main une pierre pour la lapider, l’un d’eux serrait une pierre moins grosse que celles tenues par ses voisins mâles et une flèche l’indiquait avec la mention : « islamiste modéré ».

     

    Je crois que le terme « islamiste modéré » est un oxymore. Un islamiste, dont l’idéologie est celle d’instaurer une théocratie issue du haut Moyen Âge, n’est modéré que quand il ne peut pas faire autrement en raison des circonstances qui l’obligent à l’être ou à donner le change, du moins pour un temps.

     

    Depuis l’expansion de l’islamisme sur la planète et dans la tête des gens, on assiste à un glissement sémantique, amplement favorisé par les médias, entre le terme de musulman et celui d’islamiste, comme il existe une confusion entre la religion musulmane et l’ethnie qui la pratique. Comme dans toutes les religions, toutes les nuances existent entre les musulmans par tradition et peu pratiquants et les fanatiques, mais, paradoxalement, c’est la condamnation des excès et du terrorisme des islamistes, suivie des actions guerrières par rétorsion, qui ont conduit à augmenter par réaction le nombre des pratiquants et des fanatiques.

     

    L’islamophobie, qui n’a rien à voir avec un racisme mais avec une méfiance ou une hostilité à l’égard d’une religion restée totalitaire, n’ayant pas encore séparé le spirituel du temporel et dont les mœurs peuvent heurter la culture européenne. Totalitaire au point de vouloir détruire la production  artistique des autres religions. Un chef salafiste égyptien, qui se vante d’avoir participé à la destruction des bouddhas en Afghanistan, a récemment menacé de détruire également les pyramides et le sphinx, « sujets d’idolâtrie » contraires à l’Islam  (Les chrétiens de l’Antiquité ont eu une attitude semblable vis-à-vis des temples grecs et romains, mais le plus souvent en les récupérant sans les détruire, ce qui prouve le retard évolutif des musulmans intégristes). Mr Morsi, « islamiste modéré », n’a, pour l’instant, aucunement réagi à cette déclaration imbécile faite sur une chaîne de télévision (Le Point du 22/11/12).

     

    Mettre tous les musulmans dans le même sac fait le jeu des islamistes, et est un des facteurs du succès de leur recrutement, mais la distinction devient de plus en plus difficile, car même les musulmans non fanatiques font preuve d’un prosélytisme irritant dans un pays qui tient à sa laïcité et parfois sous le couvert de la lutte contre l’islamophobie (voir l’affiche : « une famille française » montrant le mari souriant et modestement barbu, la femme, non pas un voile, mais un fichu sur la tête, et deux petites jumelles blondes).

     

    Des musulmans et des chrétiens (comme Bush après l’attentat de New-York) n’hésitent pas à utiliser un autre oxymore : « Islam-religion d’amour », les premiers pour séduire, les seconds pour ne pas être accusés d’islamophobie en faisant rentrer en quelque sorte l’Islam dans le giron du Christianisme qui l’est en théorie.

     

    Et pourquoi n’a-t-on pas le droit de critiquer et de se moquer de l’Islam comme on peut le faire de toute autre religion ? Quelle régression depuis le siècle des Lumières ! Etre contre les religions n’est qu’une opinion si elle n’est pas agressive, être athée n’est pas encore un délit, et l’islamophobie (le rejet d’une croyance et de ses conséquences) ne devrait pas le devenir, à condition de séparer l’être et sa croyance, amalgame auquel tiennent les musulmans car il leur permet de se plaindre de racisme lorsque l’on discute leur religion.


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  • ordinateur.jpgDepuis que je fréquente ces animaux domestiques que sont les ordinateurs, c’est la première fois que l’un d’eux se brise sous mes yeux incrédules, alors que je ne levais la main sur lui que pour tapoter son échine. Il s’agit seulement du cadre, mais c’était un cadre dynamique, accroché au portable et qui subissait le stress des montées pour gravir l’écran et la dépression des descentes pour s’éteindre.

    La mort dans l’âme (et au portefeuille), j’ai du remplacer ce compagnon quotidien auquel j’avais fini par m’habituer, après l’avoir apprivoisé malgré ses sautes d’humeur incompréhensibles.  

    Je me suis donc rendu dans une vaste garderie où j’ai défilé, perplexe, devant ses congénères plus jeunes qui clignaient de l’écran pour m’attirer à eux. C’étaient toutes des bêtes de course avec de grosses têtes et des disques sans frein. J’ai choisi le spécimen le moins prétentieux comme animal de compagnie en étant obligé de le prendre avec les entrailles les plus récentes, celles que je connaissais n’étant plus de ce monde.  

    Plus que pour les anciens, celui-là (de la race windows 8) me donna du fil à retordre pour le dresser car bien différent des autres. Les races du passé étaient plutôt simples à manipuler, pas celle-là, une prise en main difficile au premier abord, plus de gestes à faire qu’auparavant, des pelages successifs à soulever, se masquant les uns les autres. Mais on a fini par s’habituer l’un à l’autre et à présent la bête semble filer doux (je l’espère). J’ai tout de même eu une Boite.jpginquiétude au départ lorsque je me suis aperçu qu’il n’y avait pas…de boîte aux lettres. Dans quelle gueule mettre le courrier et comment pourrait-elle aboyer ? A plusieurs reprises j’ai du m’entretenir avec un robot, sympathique mais un peu limité dans sa conversation, pour faire appel à des maîtres qui avaient chacun une vision différente de la bête. La solution était évidemment plus complexe que par la passé : il fallait d’abord se mettre sous la coupe du grand dresseur du nom de Microsoft, créer un compte chez lui, puis une boite aux lettres sous sa dépendance, mais pour conserver son adresse, créer une autre boite à partir de la précédente. On n’arrête pas le progrès : pourquoi faire simple si l’on peut faire compliqué ?  

    Et bonjour chez vous comme dirait le bon Pangloss.


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  • Le poil malgré sa faible épaisseur semble occuper une grande place dans les pratiques religieuses. Après le sexe, la pilosité est probablement la partie du corps qui préoccupe le plus les religions. Mais alors que leur attitude vis-à-vis du sexe est pratiquement unanime : le réserver à la procréation ou même le condamner jusqu’à s’en dispenser (en théorie) pour les prêtres catholiques, le poil a une curieuse valeur symbolique, mais aux variations déroutantes pour une personne sensée.

    Pour les hommes : le sikhisme impose la barbe et les cheveux longs mais enturbannés, les juifs religieux se couvrent la tête dans la crainte, sans doute, que le ciel leur tombe dessus, les prêtres orthodoxes portent la barbe dans leur volonté de partager celle du Christ (dont ils ne font que supposer l’apparence) et en affichant leur mépris des soins jugés frivoles du rasage. Bien que croyant au même Dieu, les moines catholiques du Moyen Âge arboraient une tonsure en marque d’humilité et laissaient la peau glabre dans un souci de pureté et d’innocence, considérant la barbe comme une marque de bestialité. Ce qui nous amène aux islamistes radicaux pour qui la barbe semble être une preuve de virilité, ce qui n’est pas inutile si l’on doit satisfaire plusieurs femmes.    

    Pour les femmes : si les chrétiens masquent uniquement les cheveux de leurs religieuses, les juives ultra-orthodoxes se rasent volontiers la tête pour la recouvrir d’un fichu ou d’une perruque et les musulmanes  portent le voile de préférence noir pour bien marquer le deuil de leur liberté, leur féminité ne devant servir qu’à satisfaire l’homme et à procréer, sans provoquer ses désirs brûlants dans l’espace public.    

    On voit que les intégristes masculins se réservent le droit de montrer leurs poils céphaliques et obligent les femmes à masquer leur belle chevelure contre laquelle la leur ne ferait pas le poids, même en arborant une chevelure à l’envers à la pointe du menton. Pure jalousie, car on ne sait pour quelle raison Dieu s’offenserait de la beauté de la femme puisque c’est Lui qui l’a ainsi créée. Je crois même qu’Il doit s’offenser de voir sa création recouverte comme si elle était imparfaite. Recouvrir la femme, ne serait-ce que la tête, devrait être considéré comme un blasphème.    

     renoir127a.jpg

    Pierre Auguste Renoir : « Jeune fille peignant ses cheveux »


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  • Van-Gogh-gachet.jpgEn prolongement de l’article précédent voici, par ce billet, un petit coup d’œil sur le passé. Ce bref voyage dans l’histoire, par quelques exemples, n’est pas inutile puisqu’une partie de la population, soutenue par la démagogie des autorités, semble considérer que les médecins ne sont plus ce qu’ils étaient, et qu’ils font passer aujourd’hui leurs intérêts avant leur éthique.
    Pendant des siècles, il était convenu que les médecins devaient soigner les pauvres gratuitement et faire payer les riches bourgeois, car pour les aristocrates il fallait espérer leur générosité. Si celle des souverains était souvent grande, « Madame de Coislin soutenait qu'autrefois une personne comme il faut ne se serait jamais avisée de payer son médecin » (Chateaubriand) [1]  .
    Dans le passé certains praticiens eurent tendance à fertiliser largement leur altruisme.
    Les honoraires fabuleux que demandaient certains médecins de l'Antiquité sont parfois le principal motif de leur passage à la postérité, tel Asclépiade de Bithynie, le premier des grands médecins grecs venus s'installer à Rome au premier siècle avant notre ère.
    Un médecin de l'école de médecine de Salerne au XIIe siècle conseillait à ses étudiants une méthode peu orthodoxe pour récupérer des honoraires impayés : « Fais-lui prendre de l'alun à la place de sel dans sa nourriture, ce qui ne manquerait pas de le couvrir d'éruptions » [2]  
    Au XIVe siècle, John of Arderne, le père de la chirurgie anglaise, imagina de demander une certaine somme cash puis la même chaque année de survie du patient. L'inverse d'une rente viagère.
    Ferdinand Sauerbruch, pionnier de la chirurgie thoracique, inventa au début du XXe siècle une chambre pneumatique permettant d'ouvrir un thorax et d'opérer un poumon sans tuer le patient. Chirurgien le plus célèbre d'Europe, ses honoraires étaient pharamineux. A un parent qui lui demandait un rabais, il aurait répondu : « au-dessous de cette somme mes mains tremblent »
    Des cuillers à tirer les bébés et l'argent.
    On pouvait faire fortune en inventant un instrument dont on conservait le secret, ses avantages assurant la clientèle. Ce fût le cas pour les forceps, cuillers à extraire les bébés inventées par William Chamberlain ou son fils aîné Peter, huguenots émigrés de France en Angleterre en 1569. Pendant un siècle leurs descendants formèrent une dynastie d'accoucheurs qui délivrèrent, entre autres, les reines d'Angleterre, en gardant le secret de l'instrument par cupidité. Pour ce faire, ils isolaient la parturiente derrière des rideaux et œuvraient seuls pour que la sage-femme ne voit pas l'instrument et éviter qu'on ne vole leurs cuillers. Evidemment le secret finit par être éventé avant qu'on ne retrouve le forceps des Chamberlain, un temps perdu, dans sa boîte, et dans la maison de famille au début du XIXe siècle. Entre temps le forceps avait été également inventé par le Flamand Johannes Palfyn et par le Français André Levret.
    Retour vers le présent.
    Bien sûr, les sociétés du présent ne sont heureusement pas celles du passé. Les sociétés ont évolué de l’assistance privée très aléatoire, car soumise à la discrétion des individus, à une assistance publique où le médecin a perdu son pouvoir discrétionnaire, ce qui a contribué à lui faire perdre une partie de son prestige. Le savoir et le dévouement (quel que soit le métier) ont moins de prestige que le pouvoir de décider. Si le médecin a perdu de son prestige dans la société, il le récupère au lit du malade où son pouvoir décisionnaire est nécessaire, le fameux « pouvoir médical » qui heurte les bonnes âmes égalitaires mais incompétentes. D’où les mesures et la terminologie qui visent depuis au moins une décennie à le combattre : consentement éclairé, source d’angoisse pour le patient et de protection médico-légale pour le médecin, participation du malade en tant que « partenaire » à la décision médicale, partenariat illusoire en raison de l’asymétrie des partenaires. Tout une série de faux semblants car en dernière analyse c’est au médecin - s’il est digne de l’être - de proposer la solution qui lui parait la meilleure (lorsqu’elle existe) pour son patient et celui-ci a comme seule liberté celle de la refuser, liberté qu’il a toujours eue dans le passé comme dans le présent.
     
    Vincent Van Gogh : « Portrait du Dr Gachet »

    [1]  Mémoires d'outre-tombe
    [2]   Cité par Kenneth Walker, Histoire de la médecine

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  • Une cause nationale attractive.

    A la suite de la déclaration de François Hollande décrétant que la sécurité des juifs de France devait être une « cause nationale » lors de l’hommage rendu aux trois enfants juifs et au rabbin abattus par Mohamed Merah en mars dernier, Abdallah Zekri, président de l’observatoire contre l’islamophobie (à noter que le paysage français est truffé d’observatoires) a déclaré à la sortie d’un entretien avec Jean-Marc Ayrault : "Vu la montée des actes islamophobes et le racisme anti-musulman, nous souhaitons une déclaration solennelle du président de la République, qu'il associe également les musulmans français à cette cause nationale". Le fait saillant ayant été l'occupation de la mosquée de Poitiers (en construction) par des militants du mouvement d'extrême droite « Génération identitaire ». Manifestation que l’on peut réprouver mais qui se voulait surtout symbolique, en sachant que le symbole peut mener plus loin.

    Du haut de son observatoire, Mr Zekri a sûrement remarqué, qu’en  France, ce sont des musulmans qui agressent des juifs jusqu’au meurtre et peut-être pourrait-il participer à la « cause nationale » en tentant de calmer la partie hystérique de ses  coreligionnaires.

     

    Antisémitisme et islamophobie.

    L’antisémitisme n’a pas attendu le conflit israélo-palestinien pour exister depuis deux mille ans, maladie qui tient du complexe d’Œdipe pour les deux monothéismes auxquels le judaïsme a donné naissance, maladie du complot et paranoïa pour les autres. N’en déplaise à l’extrême gauche, qui ne voit que d’un œil, en dehors de la xénophobie, il existe des causes objectives à l’islamophobie : importation d’une culture qui se heurte par ses différences à la culture européenne, rejet de la France par une frange des descendants d’immigrés qui retourne à leurs racines tout en restant dans l’hexagone, dont certains font, sans réticence, un héros d’un meurtrier et dont un petit nombre s’organise en cellules terroristes, existence d’un intégrisme qui ne cache pas sa volonté prosélyte, véhiculé avec violence par des imams d’importation, intégrisme dont on voit l’application peu reluisante sous d’autres cieux et que l’on aimerait voir désapprouvé avec plus de force et sans ambiguïté par la majorité qui n’adhère pas à cet extrémisme, comme le font courageusement quelques rares imams dont celui de Drancy (Hassen Chalghoumi).

     

    « Le racisme anti-musulman ».

    J’ai relevé dans la déclaration de Mr Zekri : « le racisme anti-musulman ». Cette formule implique déjà la confusion désormais habituelle entre un groupe humain et une religion. Et comment une hostilité à une religion peut-elle être un racisme ? Le racisme concerne des êtres humains (que l’on considère comme inférieurs) et non pas leurs croyances. On a tout fait le droit d’être réservé sur des croyances lorsqu’elles sortent de la sphère privée pour s’imposer dans l’espace public jusqu’à devenir meurtrières, sans pour autant considérer que ceux qui les pratiquent sont inférieurs en quoi que ce soit et sans faire obstacle à la liberté de les pratiquer paisiblement dans la sphère privée et dans le cadre légal. Il semble que Mr Zekri se lance dans une concurrence victimiste et quoi de plus efficace que de se dire victime d’un racisme.


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