• Aimer la vie

    Aimer la vie

    Berthe Morisot : « Chrysanthèmes (le panier renversé) »

    Quand on a la chance de ne pas se sentir vieux, il vaut mieux n’utiliser son miroir que pour le strict nécessaire. Ce miroir, qui, comme le disait Cocteau, devrait réfléchir avant de renvoyer votre image.

    Il y a cependant trois signes qui me rappelle mon âge :

    Le premier tient à la courtoisie des autres (et oui, ça existe encore) : ce fut le moment (et ce moment crucial m’a surpris) où l’on a commencé à me céder une place assise dans le métro. On peut éviter son miroir mais pas le regard implacable des autres. Signe d’autant plus patent que la place est cédée par une femme et pire, par un homme d’âge moyen, dont je me sentais plutôt proche.

    Le second est une petite difficulté à mettre ses chaussettes, signe qui vous rappelle que la rigidité a remplacé définitivement la souplesse.

    Le troisième est la répétition des enterrements. Aujourd’hui, je fréquente plus d’amis morts que de vivants.

    Et dans le cortège qui accompagne la personne défunte, il y a toujours quelqu’un qui ne manque pas de dire cette phrase irritante : « il ou elle aimait la vie ». Une phrase que l’on entend fréquemment dans les médias lorsqu’on interroge les proches d’une personnalité défunte.

    Le moins que l’on puisse dire est « qu’aimer la vie » est un trait de caractère sans grande originalité, et qui ne mérite donc pas d’être mis en exergue. Et qu’en outre, cette formule sous-entend, assez bêtement, que puisque cette personne aimait la vie, elle ne méritait pas de mourir ou qu’aimant autant la vie, il est étonnant qu’elle ait pu la quitter.

    On peut en déduire que ceux qui mériteraient de mourir ne seraient que ceux qui n’aiment pas la vie. D’ailleurs, logiquement, nombre d’entre eux se suicident. Cependant, certains claironnent à qui veut les entendre qu’ils n’aiment pas la vie en évitant soigneusement de se suicider pour en faire parfois leur gagne-pain, comme le fit Cioran.

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  • Commentaires

    1
    Michèle
    Mardi 14 Février 2017 à 11:25

    Quoi qu'il en soit, la souplesse de l'esprit ne semble pas vous faire défaut... yes

      • Mardi 14 Février 2017 à 11:44

        Il me reste encore assez de souplesse pour m'incliner. smile

    2
    Mardi 14 Février 2017 à 11:50

    Quand on n'a pas ce qu'on aime, il faut aimer ce qu'on a. Et puis, par quoi remplacer la vie? (la mort n'est pas une réponse).

      • Mardi 14 Février 2017 à 11:59

        Il arrive à un âge où la pensée de l'avenir gâche la vie du présent.

    3
    Souris donc
    Mardi 14 Février 2017 à 12:24

    Mais qu'est-ce qu'il nous fait là, le Dr Wo ? Un coup de blues alors que les messieurs ont la chance de devenir de beaux vieux mâles dominants, surtout avec les rides. Nous autres avons quelques artifices à notre disposition, mais quand nous rentrons le cœur en fête avec les ballerines à paillettes, notre fille qui n'a aucune raison de nous ménager : "Maman, tu es pathétique !".

    Pathétique. Pire que celui qui vous cède la place dans le métro.

      • Mardi 14 Février 2017 à 13:40

        Le blues je ne l'aime que chanté. Mais j'ai un penchant très incliné pour l'autodérision.

    4
    Mardi 14 Février 2017 à 13:28

    Un journaliste, un peu débile, demandait à Jean D'Ormesson pourquoi il ne portait pas de chaussettes avec ses mocassins. On ne peut pas être plus con que ça. D'Ormesson lui a répondu avec sa faconde habituelle, que c'était par coquetterie. La classe !

    Moi aussi, j'ai de plus en plus de petits problèmes que je gère, comme vous, avec humour et ... coquetterie ! 

      • Mardi 14 Février 2017 à 13:43

        Quant on est jeune on se prend trop souvent au sérieux. Quand on devient vieux on rit de soi pour rester jeune. Paradoxe.

    5
    Mardi 14 Février 2017 à 13:37

    Il faut faire avec "la vie", justement elle passe et nous avec,  quand je vois tous ces vieux beaux et ces vieilles belles passer le temps qui leur reste à essayer de ne pas vieillir, on en rirait, si ce n'était pas si triste !

    Et j'accepte avec reconnaissance quand on m'offre des places dans le bus, c'est mieux que d'être debout et bourlingué aux grès des cahots!

      • Mardi 14 Février 2017 à 13:47

        Mais passée la surprise initiale, j'accepte la place que l'on m'offre de bon coeur, d'autant plus que je ne ressens pas le besoin de m'asseoir.

    6
    Mardi 14 Février 2017 à 16:15

    L'autre jour, en sortant de la douche, je me suis demandée qui était la personne que je voyais dans le miroir ! Bon...

    Mais l'autre jour en me penchant pour ramasser un objet tombé à terre, j'ai surpris le regard "intéressé" d'un mâle de passage !

    Et j'ai pensé que le regard qu'on porte sur soi-même est plus sévère que celui des autres.

    J'aime bien aussi la chanson de Souchon qui dit en résumé que la vie ne vaut rien mais que rien ne vaut la vie quand il tient dans ses mains les seins de son amie ! En temps que femme principalement hétéro, je changerais sans doute le contexte ! yes

      • Mardi 14 Février 2017 à 16:43

        Le regard sur soi est fragile et variable en fonction de son humeur. Le regard de l'autre a plus d'objectivité sauf pour l'être aimé. J'aime le principalement.

    7
    Mardi 14 Février 2017 à 17:13

    Déjà, ce serait plutôt en tant que femme... Je savais que le principalement vous plairait ! happy

      • Mardi 14 Février 2017 à 17:37

        Vous finissez par me connaître.

    8
    Souris donc
    Mardi 14 Février 2017 à 17:26

    Prendre soin de soi, bien se tenir, offrir un visage avenant, ne jamais se lamenter : une forme de politesse. Pas seulement une course à la jouvence. Un peu de frivolité ne fait de mal à personne.

    Le père Souris n'avait aucune ambition pour ses filles, aucune. Seul précepte éducatif : Tâchez que personne ne vienne se plaindre de vous.

      • Mardi 14 Février 2017 à 17:41

        La frivolité est comme le ruban chatoyant qui entoure le cadeau. Un plaisir superficiel, mais un plaisir.

    9
    Souris donc
    Mercredi 15 Février 2017 à 08:43

    Pour en revenir aux enterrements, je suis toujours étonnée que l'on demande à la famille et aux amis de prononcer l'éloge funèbre, et que ceux-ci s'exécutent sans rechigner. Moi, ce serait définitivement exclu, car j'aurais bien trop peur d'avoir les jambes flageolantes, la main tremblante et la voix chevrotante. Voire de tourner de l'œil ou d'avoir une attaque.

    Chez nous, le compliment donnait lieu à des contorsions verbales, déjà pour le vivant. Afin de ne pas attirer le mauvais œil, je suppose. Quand on quelqu'un s'extasiait sur les bourrelets de votre bébé, il fallait contrer. Par un "Oh, mais si seulement il pleurait un peu moins la nuit". Ce qui nous apprenait la relativité de toute chose et, sans doute, l'autodérision.

    Pareil aux enterrements. Personne n'aurait songé à lire un éloge. Il y avait le prêtre pour la liturgie. Qui en profitait pour rappeler que tout est vanité. Et pour menacer, avec le verset approprié de la Bible, les vivants du feu de l'enfer s'ils ne se comportaient pas. La chorale chantait un morceau de Requiem, car l'église avait un monopole culturel  et parvenait à faire des miracles dans le chant choral de ruraux pauvres et peu instruits (mais lire-écrire-compter) sans la moindre notion de solfège.

    Et après, tout le monde allait s'en jeter un derrière la cravate pour se remettre de ses émotions.

      • Mercredi 15 Février 2017 à 10:56

        Il m'est arrivé de faire un éloge, mais je l'ai fait à voix si basse que seul défunt l'a entendu.

    10
    Mercredi 15 Février 2017 à 16:56

    Je pensais que c'était une tradition anglo-saxonne, l'éloge funèbre fait par un proche.

    Dans tous les enterrements auxquels j'ai assisté, c'est le curé qui, sur la base de quelques renseignements sommaires donnés par la famille, était chargé de dire à quel point le défunt aimait Dieu, sa femme, ses enfants et aussi, bien sûr, la vie !

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    11
    Mercredi 15 Février 2017 à 17:11

    Dieu et moi nous n'assistons pas aux mêmes enterrements.

    12
    Souris donc
    Mercredi 15 Février 2017 à 17:26

    Les belles pom pom pom, pas girls, les pompes funèbres avec les macchabées ronds et prospères.

      • Mercredi 15 Février 2017 à 17:40

        Un plaisir rafraîchissant de l'entendre. Je ne sais pas comment il faisait pour chanter avec une pipe allumée entre les dents. Playback ?

      • Souris donc
        Jeudi 16 Février 2017 à 10:16

        J'ai l'impression que c'est du "live" ( = aimer la vie), Brassens chuinte légèrement les sifflantes. Ceci est une pipe.

        La vidéo semble enregistrée dans une maison, sans grands moyens techniques. Les ayant-droits doivent veiller au grain, on ne trouve que des enregistrements statiques sur fond de pochette de disque. Impossible de comparer.

      • Jeudi 16 Février 2017 à 11:07

        Avec ou sans pipe, Brassens chuintait les sifflantes.

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