• 38. La chasse aux cadavres

    En famille

    La passion de l’enseignement conduit parfois à des extrémités qui font frémir. Le docteur Rondelet, professeur d’anatomie à l’université de Montpellier au XVIIe siècle, ne pouvant obtenir de cadavres pour enseigner sa matière en vint à disséquer le cadavre de son propre enfant pour faire une démonstration à ses étudiants[1]

                                                                                  

    Convoitise

    Le chirurgien écossais John Hunter  au XVIIIe siècle était passionné d’anatomie comparée. Il se ruina à entretenir une quantité innombrable d’animaux les plus divers. Il s’intéressait à toutes les formes de vie jusqu’à un géant irlandais dont il convoitait le squelette alors qu’il était encore vivant. Il acheta finalement son cadavre pour quatre cents livres.   

                                                                                   

    L’aide des bourreaux

    Les médecins trouvèrent dans les bourreaux d’excellents auxiliaires de la science[2]. Vésale alla, au péril de sa vie, jusqu’à voler des cadavres dans les cimetières et sur le gibet de Montfaucon. Des médecins utilisèrent les condamnés, parfois même au moment de l’exécution.

    Pendant la Révolution Française, François-Xavier Bichat, chirurgien au « Grand Hospice d’Humanité » (l’Hôtel-Dieu), se contente de révolutionner la médecine. En quelques années il crée l’histologie en identifiant les tissus  constituant les organes et la méthode anatomo-clinique : «  La grande école médicale française est sortie du tablier de Bichat » (G.Flaubert ). Sa déclaration la plus célèbre : « La vie est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort » prophétise étonnamment le suicide cellulaire. Les « Recherches sur la vie et la mort » se sont appuyées sur l’étude d’un grand nombre de cadavres dont la plupart avaient été guillotinés peu de temps auparavant.

    Le docteur Joseph Guillotin était un humaniste, un brave homme, qui après avoir participé au Comité créé par l’Assemblée Constituante pour réduire la mendicité, voulut réduire les souffrances des condamnés à mort en faisant adopter une machine qui les réduisait eux, vite fait, bien fait. Des machines  avaient été essayées anciennement, notamment en Italie. Une plus moderne fut conçue par le chirurgien Antoine Louis et perfectionnée par Louis XVI qui aurait eu l’idée du couperet oblique. On ne sait pas si le premier surnom de Louison ou Louisette est lié au premier concepteur ou au plus illustre de ses utilisateurs. Guillotin resta horrifié par l’abus qu’on avait fait de la machine et de son nom.

     

    L’aide des assassins

    A Edimbourg, en 1827, William Hare et William Burke s’associèrent pour fournir l’Ecole d’Anatomie de la ville. D’abord des clochards morts que personnes ne réclamaient. Le prix monta à dix livres pièce et le Dr Knox, professeur renommé d’anatomie était toujours preneur. La disparition de deux prostituées connues, l’une d’entre elles fréquentée par l’un des étudiants quelques jours auparavant, déclencha une enquête, puis un procès où l’on démontra que trente-deux personnes avaient été étranglées par les deux compères. Burke fût pendu et par un juste retour des choses, son corps fût disséqué et son squelette exposé par la suite au musée d’Anatomie d’Edimbourg. Hare qui l’avait trahi eut la vie sauve et le naïf Dr Knox dût quitter Edimbourg pour Londres


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora 



    [1] Kenneth Walker Histoire de la Médecine

    [2] Jusqu’au XVIIIe siècle, en France, mais surtout au Danemark, en Norvège et en Prusse, le bourreau était autorisé à pratiquer la petite chirurgie

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 18:00
    Toujours aussi intéressant, même si la recherche de cadavre à disséquer fait un peu froid dans le dos ! Ca se passe comment de nos jours ? Tout le monde ne fait pas don de son corps à la science....
    2
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 18:15
    Cette histoire de la médecine est aussi une histoire des mentalités à propos de ce qui touche au plus profond de la conscience que l'homme a de son propre corps. Sans parler des tabous religieux sur l'intégrité des cadavres à préserver pour le jugement dernier et la résurrection qui est censée l'accompagner. Passionnant!
    3
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 18:37
    Navré, je ne le sais pas avec précision. Mais il y a des cadavres que personne ne réclame.
    Dr WO
    4
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 18:52
    Il m'arrive d'essayer d'imaginer la résurrection de tous les morts depuis que l'homme est sur terre ! Surréaliste ! C'est le genre de chose qui me fait hurler de rire. Y a-t-il encore des personnes qui croient ce genre d'aberration ?
    5
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 19:11

    Le respect des morts est un des critères de la civilisation. La découverte de sépultures indique un début de civilisation chez les premiers hommes. On comprend la difficulté des premières études anatomiques. Quant à l'intégrité du corps mort du point de vue religieux, je ne sais pas trop, ne dit-on pas dans le christianisme : "Tu es poussières et tu retourneras en poussières". Je crois que pour les musulmans, même losqu'ils tuaient leurs ennemis, les parties amputées étaient laissées avec le cadavre pour qu'il puisse se présenter devant Allah. Mais qu'en est-il des attentats suicides où l'intégrité laisse à désirer ?
    Dr WO

    6
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 19:23
    Mais oui. Sur un thème voisin j'ai fait un "poémage" : Où vont-ils ? dans ESCAPADES I, mais vous l'avez peut-être lu.
    Dr WO
    7
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 20:41
    Je viens d'aller le lire et il est très beau, comme les deux premiers poèmes d'ailleurs. Décidément, j'aime beaucoup votre écriture et ce que vous transmettez.
    8
    Vendredi 24 Octobre 2008 à 20:51

    Merci d'avoir été les lire, et excusez-moi de vous avoir un peu poussé à le faire. Vos compliments me font plaisir (vanité...vanité...)
    "Paris à la campagne" a été en effet proposé par A. Allais, mais les Kmers rouges l'ont un peu appliqué en vidant les villes dans les campagnes.
    Dr WO

    9
    Samedi 25 Octobre 2008 à 20:01
    Votre article est passionnant. Je me suis toujours posé une question, Dr WO : que peut bien ressentir un humain légiste en pratiquant l'autopsie d'un corps ? N'at-til pas la sensation de violer l'intimité d'un corps ? J'espère ne pas poser une question idiote...
    10
    Samedi 25 Octobre 2008 à 20:55

    Je ne suis pas médecin légiste, mais j'ai pratiqué des autopsies au début de mes études. Psychologiquement j'étais très mal à l'aise, j'avais l'impression de faire quelque chose de honteux, je dirais même de mal, de manquer de respect à l'être humain que je disloquais, je comprenais l'importance de ce que je faisais, car il fallait savoir pour les vivants, mais j'avais envie de m'excuser auprès du mort pour le viol que je commettais.
    Dr WO

    11
    Samedi 25 Octobre 2008 à 21:01
    Merci. Votre répond parfaitement à ma question.
    12
    Samedi 25 Octobre 2008 à 21:39
    Mais je ne suis pas médecin légiste. On s'habitue à tout. Pour ma part, je ne me suis jamais habitué à la mort.
    Dr WO
    13
    Samedi 25 Octobre 2008 à 21:47
    Tout comme moi. Les morts violentes me révulsent. Le cerveau humain a ceci de mystérieux que je n'ai jamais compris ce qui pouvait pousser quelqu'un à supprimer une vie. Et les médecins légistes ont toute mon admiration ! Il m'a toujours été absolument impossible d'assister à l'une de leurs interventions...
    14
    Samedi 25 Octobre 2008 à 22:12

    Mort violente ou pas c'est pareil. La mort est un scandale. Quand on entreprend un métier, on se met en condition pour ce métier. Une des raisons de choisir la médecine c'est peut-être la haine de la mort. Alors pour vous, en vérité, vous ne savez pas.
    Dr WO

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