• 35. Quand il faut trancher dans le vif

    Dans l'Antiquité, les sacrifices d'animaux pour apaiser les dieux et l'observation de leurs entrailles ont permis d'avoir une première idée de l'anatomie humaine. Cent ans avant Hippocrate, au VIe siècle avant notre ère, un disciple de Pythagore, Alcméon, pratique à Crotone la vivisection pour écrire le premier traité de physiologie connu, qui impressionne d'autant plus les historiens qu'il a été perdu et qu'on n'en sait pas grand chose. Il est possible qu'à Alexandrie, quelques trois cents ans plus tard, Hérophile et Erasistrate aient disséqué des criminels vivants avec l'aval de leur souverain. Au 1er siècle l'encyclopédiste Celse « tient pour inutile et cruel d'ouvrir les corps vivants »[1] Mais ce n'est que par des expérimentations animales que la médecine a progressé. Claude Bernard, persécuté par sa femme, opposée à la vivisection, se défend en écrivant dans son œuvre maîtresse Introduction à la médecine expérimentale : « le chirurgien, le physiologiste et Néron se livrent également à des mutilations sur des êtres vivants. Qu'est-ce qui les distingue encore si ce n'est l'idée ? [...] Le physiologiste n'est pas un homme du monde, c'est un savant, c'est un homme qui est saisi et absorbé par une idée scientifique qu'il poursuit : il n'entend plus le cri des animaux, il ne voit plus le sang qui coule, il ne voit que l'idée et n'aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu'il veut découvrir. ».

    Nous devons ici rendre hommage à la grenouille qui a beaucoup servi la médecine. Dans l'Atharva Veda « en cas de maladie on arrose d'eau le patient en plaçant une grenouille sous son lit »[2] pour obtenir la guérison. Mais c'est surtout à partir du XVIIIe siècle avec Galvani et Spallanzani que la pauvre bête devient irremplaçable. Et c'est encore grâce à un batracien que les biologistes américains P. Agre et R. MacKinnon ont obtenu un prix Nobel en 2003. «  Les théories passent, la grenouille reste » (Jean Rostand).   

    La vivisection sur les animaux soulevait moins de protestations lorsque l'anesthésie n'existait pas, depuis qu'on les endort elles sont devenues vives. Alors que faire ? Essayer chez l'homme une intervention chirurgicale nouvelle avant de la tenter chez l'animal ?


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora 


    [1] Cité par M. Bariéty et C. Coury, Histoire de la médecine.

    [2] P.Lévêque, Les grenouilles dans l'antiquité, éd de Fallois

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Septembre 2008 à 19:35
    Il faudrait élever un monument à la gloire de toutes les grenouilles de France décérébrées et disséquées par des élèves maladroits dans ce qu'on appelait encore les cours de sciences nat. J'avoue, le rouge au front, que j'aimais bien voir "comment ça marche ?" Quant aux expériences faite sur les animaux, il me semble, si on ne peux les éviter, qu'elles doivent avoir lieu dans le respect de l'animal et sans souffrance pour lui...comme chaque fois qu'on touche au vivant.
    2
    Jeudi 18 Septembre 2008 à 19:55
    Je n'arrive pas à admettre des arguments utilitaristes et rationnels en faveur de la vivisection. Je sais, ce n'est pas raisonnable. Mais c'est comme ça.
    3
    Jeudi 18 Septembre 2008 à 23:02
    Vis à vis des animaux nous ne sommes plus au temps de Claude Bernard. Reste que nombre d'entre eux sont sacrifiés. Pour exaucer un peu votre voeu, j'ai mis comme illustration la sculpture d'une grenouille en bronze de 14 kgs. Modeste hommage.
    Dr WO
    4
    Jeudi 18 Septembre 2008 à 23:18
    Je le comprends, surtout lorsqu'on a comme compagnon un animal domestique. Utilitariste n'est peut-être pas le terme adéquat. La plupart des interventions chirugicales pratiquées chez l'homme ont d'abord été tentées chez l'animal. Deux exemples parmi des dizaines : l'insuline qui a sauvé et qui sauve  des millions de diabétiques dont beaucoup d'enfants a été découverte grâce aux expérimentations animales et en particulier à Marjorie, la première chienne rendue diabétique et maintenue en vie par des extraits pancréatiques. Les pontages coronariens qui ont permis de sauver des milliers de cardiaques ont été mis au point sur l'animal. C'est douloureux, mais il faut parfois choisir.
    Dr WO
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