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262. La maladie citoyenne
« Ce samedi 24 mars, les femmes, mais aussi les hommes, marchent / pour la cinquième fois / en France et en Europe contre l’endométriose, cette maladie encore mal connue, qui pourrait toucher jusqu'à 10% des femmes en âge de procréer » (la presse)
L’une des marraines, issue, bien entendu, du monde du spectacle, a déclaré : "Tout peut arriver, continuez à y croire et vous battre".
L’endométriose est liée à l’existence de cellules de la muqueuse de l’utérus en dehors de celui-ci. Ces cellules ectopiques sont habituellement situées sur la muqueuse de la partie terminale de l’intestin (sigmoïde et rectum). Ces dernières, bien que placées au mauvais endroit, subissent le sort de la muqueuse utérine et notamment l’influence des hormones entrainant des manifestations diverses, surtout douloureuses, au moment des règles.
On ne peut donc pas lutter contre l’endométriose "Tout peut arriver, continuez à y croire et vous battre" est une déclaration assez curieuse, c’est un peu comme si l’on déclarait devoir croire à la lutte finale contre les pieds plats, cela étant dit avec tout le respect que je dois à ces femmes très handicapées pendant leur période de fertilité.
On ne lutte pas contre l’endométriose (et on ne marche pas pour…), on doit la dépister et la traiter, ce n’est pas un problème de société, mais un problème médical. En fait, cette marche me paraît plus destinée aux médecins qu’au public ou aux autorités, et le message sérieux est, et rien d’autre : médecins, sachez faire le diagnostic pour pouvoir nous traiter ! Mais le diagnostic comme le traitement ne sont pas toujours simples.
Jusqu’aux années 80 du siècle dernier, la maladie était discrète, on s’efforçait même de la cacher aux autres, elle gardait la chambre. Depuis, de la chambre, elle est descendue dans la rue. Les malades s’organisent en associations, forment des groupes de pression, protestent jusqu’à l’insulte, réclament, défilent et manifestent. Ils s’estiment injustement frappés et exigent que tout soit fait pour qu’ils puissent recouvrir la santé, qui, comme chacun le sait, est un droit.
La maladie est devenue un problème politique depuis l’apparition du SIDA frappant surtout les homosexuels. Mais les chercheurs et les médecins n’ont pas eu besoin des manifestations de rue à l’époque pour trouver le virus responsable du SIDA et le traitement d’une maladie mortelle touchant des millions de personnes, sa gravité était une motivation bien suffisante pour stimuler les biologistes et les médecins.
Si l’on comprenait l’angoisse des personnes atteintes ou menacées par la SIDA pour les pousser à descendre dans la rue au siècle dernier, on comprend moins les manifestations revendicatives récentes alors que le traitement existe et est distribué gratuitement en France, qu’il suffit par ailleurs de mettre un préservatif ou d’éviter les comportements à risque pour ne pas contracter la maladie. Dans ces conditions on peut trouver déplacé que les gouvernements soient aujourd’hui considérés par les manifestants comme coupables des comportements à risque que nombre d’entre eux continuent à avoir, attitude que l’on peut juger irresponsable sur le plan médical puisque pérennisant la maladie. Ce n'est pas le gouvernement, quel qu'il soit, qui est désespérant mais ceux plus que celles qui ne prennent pas les précautions nécessaires pour éviter la contagion.
On peut également s’étonner des manifestations des patientes traitées par le Lévothyrox réclamant l’ancienne formule du médicament alors que la nouvelle formule est identique pour le produit actif (l’hormone thyroïdienne) la seule différence portant sur deux excipients sans effet notable, les troubles ressentis ne pouvant s’expliquer que par un manque d’information et un gigantesque effet nocebo (perception de troubles que l’on craint de ressentir) amplifié par les médias et les réseaux sociaux.
Manifester pour demander au gouvernement en place de supprimer une maladie (par ordonnance, peut-être ?) ou pour intervenir dans la composition d’un médicament en se basant uniquement sur le ressenti et la crainte, c’est aller loin dans l’expression citoyenne de la maladie.
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Commentaires
2vegaDimanche 25 Mars 2018 à 18:26Paradoxalement, ce refus de la maladie va de pair dans nos sociétés avec le refus croissant de toute vaccination et la méfiance de plus en plus grande envers l'industrie pharmaceutique. Allez comprendre !
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Lundi 26 Mars 2018 à 19:25
Vous avez raison (comme d'habitude). Ce paradoxe pourrait peut-être s'expliquer par un forme de complotisme : "ce sont les autres qui me rendent malade (les médicaments, les vaccins...) ou qui sont incapables de me soigner (les médecins, les hôpitaux, le gouvernement qui ne fait pas le nécessaire...)".
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Bonsoir, doc...
Aujourd'hui, 25 mars, j'ai failli aller manifester et défiler à l'occasion de la "Journée Internationale de la Procrastination..."
J'y suis pas allé...
Je verrai ça demain...
(demain... j'essaierai peut-être aussi de trouver une illustration adéquate pour mon commentaire.)
J'hésite à répondre. Mais je n'en fais pas une maladie...