• 251. Quand une hormone file les glandes

    Quand on déclenche un scandale en voulant bien faire

    L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament avait demandé au laboratoire Merck d’accroître la stabilité dans le temps de la lévothyroxine sodique, hormone de synthèse vendue sous le nom de Lévothyrox pour pallier le déficit ou l’absence de sécrétion de la glande thyroïde. Soulignons que l’absence de stabilité du produit était inconnue des patients et des médecins et aurait dû logiquement provoquer à un moment donné un déficit hormonal et par conséquent des signes d’hypothyroïdie chez les patients.

    Il n’en fut rien. Personne ne s’était plaint de quoi que ce soit : le Lévothyrox considéré à présent comme instable, prescrit depuis une éternité satisfaisait tout le monde.

    Par contre, le changement de formule (associé à un changement de conditionnement) en passant de < L-thyroxine + lactose > à < L-thyroxine + mannitol + acide citrique anhydre > (les autres excipients étant inchangés) vient de provoquer ce que l’on a appelé de suite un scandale sanitaire en raison des effets secondaires signalés qui se sont accumulés comme une petite avalanche (9000 sur 3 millions de patients, soit 0,3 % !) mais en faisant grand bruit car amplifiée par la caisse de résonnance des réseaux sociaux, les pétitions et les médias. Nous en sommes au stade juridique et à quelques dizaines de plaintes quasiment pour crime, mettant sur le même plan le scandale authentique du médiator et l’introduction de la nouvelle formule du Lévothyrox.

    Pourquoi ces effets secondaires ?

    Le laboratoire affirme que l’hormone elle-même est identique et les excipients ont été peu modifiés, mais les patients se plaignent et il faut les écouter.

    - L’équivalence entre l’ancienne et la nouvelle formule est-elle identique ? En moyenne, elle semble l’être d’après ceux qui se sont penchés sur la question. Par contre il est plus difficile de savoir si elle l’est pour une personne donnée. C’est la raison pour laquelle il a été demandé de faire un contrôle des taux sanguins au bout d’un mois environ. Si la dose donnée n’est pas parfaitement adaptée à la personne, ce déséquilibre du traitement peut expliquer certains troubles liés soit à un excès d’hormone soit à un déficit et il est simple d’y remédier en adaptant la dose. Par contre nombre d’effets secondaires signalés ne correspondent pas à un dysfonctionnement thyroïdien et il y a toutes les chances qu’ils persistent après réadaptation si les patients ont consulté leur médecin pour la faire.

    - Le changement d’excipient peut-il jouer un rôle ? Ce serait étonnant car le mannitol est largement utilisé dans l’industrie alimentaire (E 421) comme édulcorant et il n’a un effet laxatif (comme le sorbitol) qu’à forte dose, en outre la quantité utilisée dans chaque comprimé de Lévothyrox est minime.

    - S’agit-il pour beaucoup d’un effet nocebo ? Le signalement d’effets secondaires possibles largement amplifiés par les réseaux sociaux a probablement entrainé leur perception chez les patients qui craignaient leur survenue. Effet de panique. Sans compter que les gens n'hésitent pas à attribuer des troubles anciens à un phénomène nouveau.

    - Reste le soupçon complotiste vis à vis du laboratoire, mais on ne voit vraiment pas son intérêt. L’ancienne formule du Lévothyrox lui convenait très bien si l’ANSM ne s’en était pas mêlée.

    La démocratie sanitaire en action

    La ministre de la Santé a finalement cédé aux pressions et a demandé au laboratoire Merck de mettre en circulation ce qui lui reste de l’ancienne formule du Lévothyrox pour calmer les esprits. Mais pour un période transitoire, aussi la ministre compte demander à d’autres laboratoires de mettre à disposition des patientes (85% de femmes) de la thyroxine afin que celles-ci puissent choisir la formule qui leur convient comme sur l’étal d’un marché.

    Il reste pour améliorer cette démocratie sanitaire à élire les médecins parmi les patients. D’ailleurs cela commence à se faire avec les « malades experts ».

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Septembre 2017 à 14:40

    Une drôle d'affaire cela aussi ! J'ai bien l'impression que les médias ont surdosés les effets.

    Bon dimanche Doc

      • Dimanche 17 Septembre 2017 à 14:56

        En fait 0,3 % des patientes ont signalé des effets secondaires, ce qui est très peu et un taux inférieur à ceux provoqués par n'importe quel autre médicament. Une crise de panique artificiellement amplifiée et utilisée par les anti-lobbies pharmaceutiques. Des dépôts de plaintes qui frisent le ridicule.

    2
    Dimanche 17 Septembre 2017 à 16:22

    Vous avez raison! J'ai dans mon voisinage une quasi octogénaire très brave femme mais pas très maline, traitée avec ce médicament  et qui a été impressionnée par la prestation télévisuelle de la "Présidente" (elle se prosterne mentalement en prononçant le mot) d'une association de victimes auto-proclamées et qui attribue les mots de son âge à cette nouvelle formule. Je lui ai fait remarquer qu'elle se plaignait de ses "vieilles douleurs" et de ses "vertiges" avant l'arrivée du nouvel excipient. Rien n'y a fait. Je précise que cette dame est une force de la nature et qui vous trimballe une caisse de trente kilos de pommes comme s'il s'agissait d'une tasse de thé.

      • Dimanche 17 Septembre 2017 à 16:56

        J'ai également observé dans mon entourage cette fixation"opportuniste".

    3
    Dimanche 17 Septembre 2017 à 17:25

    Les "maux", pas les "mots" de son âge. Pardon! J'en rougis.

      • Dimanche 17 Septembre 2017 à 17:53

        ça m'arrive plus souvent qu'à votre tour.

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    4
    semaphore
    Lundi 18 Septembre 2017 à 00:03
    semaphore

    Ma mère qui est une véritable octogénaire (smile) modèle 1930 et pas une force de la nature (yes) fait partie des plaignantes de la nouvelle formule.

    Elle n'en a pas fait ni état ni un drame sur les rézozociaux puisqu'elle n'est inscrite dans aucun d'entre eux et demeure étrangère aux blogs mais elle s'en lamentait déjà depuis plusieurs mois, bien avant que cette affaire ne connaisse le retentissement actuel (en fait dès que le paquet est passé d'une dominante bleue à une dominante jaunâtre).

    Elle n'est donc pas comptabilisée dans les 9.000 râleurs et râleuses et elle ne doit sûrement pas être la seule de cette espèce.

    Pour l'instant, son ire se manifeste auprès de son médecin favori qui n'en peut mais...

    Elle ne parle pas d'envoyer aux galères tous les malandrins qui ont cru bien faire (?) mais demande simplement qu'on lui rende son Lévothyrox d'antan, celui qui lui allait fort bien.

    Est-ce si épouvantable que cela de donner satisfaction à ces plaignantes d'autant qu'il paraîtrait que cette ancienne formule est toujours disponible (sans difficulté autre que de s'y rendre) en Belgique mais évidemment sans remboursement de la généreuse SS ???

      • Lundi 18 Septembre 2017 à 08:16

        Bien sûr que les personnes traitées n'ont pas tous signalé d'éventuels effets secondaires. Je ne connais guère de médicament ayant un taux aussi bas de mauvaise tolérance. Il faut croire les gens qui se plaignent et essayer de comprendre en faisant la part du phénomène nocebo qui est incontestable dans ce cas.

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