• 225. La démocratie sanitaire

     

    Pour obéir à la « démocratie sanitaire » une grande « messe » avait été organisée pour déterminer si les vaccinations étaient nécessaires ou non dans notre pays car il semble être l’un des plus réticents à cette méthode de prévention des maladies infectieuses. Un « machin » semblable fut mis sur pieds en 2015 pour se pencher sur le dépistage organisé du cancer du sein.

    Qu'est-ce que la démocratie sanitaire ? L’agence régionale de santé (ARS) de l’île de France nous donne la réponse :

    « La démocratie sanitaire est une démarche qui vise à associer l'ensemble des acteurs du système de santé dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation.

    Faire vivre la démocratie sanitaire nécessite d'intervenir à tous les niveaux pour :

    - développer la concertation et le débat public,

    - améliorer la participation des acteurs de santé,

    - promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers. »

    J’avoue déjà que le terme « d’usager » me hérisse le poil. Considérer un malade comme un usager du système de santé, tel un usager des transports publics, introduit la notion de volontariat comme si une personne choisissait une maladie pour l’utiliser, de la même façon que l’on achète un billet pour prendre le train. Mais passons.

    Si l’on ne peut nier, par ailleurs, l’utilité des associations de malades pour les malades, elles semblent leur donner un statut social qui me gêne un peu, mais il est normal de : « promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers. ».

    De la même façon « améliorer la participation des acteurs de santé » est évidemment nécessaire, mais on peut aussi affirmer que cette proposition pêche largement par défaut. L’avis des « acteurs de santé » est rarement demandé, sinon jamais, pour introduire une politique sanitaire, elle leur est plus souvent imposée que décidée ensemble. Les protestations et les remous de la part de ces « acteurs » ne manquent pas quand ils n’apprécient pas le rôle que l’on veut leur faire jouer, surtout lorsque l’on prétend que cette politique est mise en œuvre après consultation et dialogue.

    Reste ce : « développer la concertation et le débat public » et là, comme je l’ai déjà dit ailleurs, cela me rend perplexe. Comment trancher un problème médical par la concertation et le débat public ? Nous avons déjà parlé de la vaccination, mais comment soumettre à un débat public la nécessité ou non du dépistage organisé du cancer du sein ? C’est un problème débattu (en raison de la fréquence des traitements inappropriés après dépistage systématique) dans les sociétés savantes. C’est évidemment à elles de décider, puis de publier des recommandations après avoir consulté, non pas le public ou même à des professionnels isolés, mais toutes les études sérieuses réalisées sur le sujet. Pour cela il n’est pas nécessaire d’organiser un grand « machin » pour impressionner le public.

    Cette ronflante « démocratie sanitaire » sent un peu trop la démagogie et risque fort de conduire à des discussions inutiles, et à une perte de temps et d’argent. S’il est normal donner la parole aux malades qui bénéficient d’une politique de santé pour savoir comment elle est reçue, il suffit d’une simple enquête, en passant éventuellement par les médecins généralistes, mais il faut laisser aux sociétés savantes le soin de déterminer en amont la meilleure conduite à tenir.

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  • Commentaires

    1
    Lundi 10 Octobre 2016 à 17:41

    Quelle idée saugrenue! Le dépistage du cancer du sein est sans doute une bonne chose. Ou peut-être pas. Mais "organisé"? Qu'est-ce que ça peut signifier? Une information devrait suffire et les généralistes seraient les mieux placés pour la diffuser à leurs patientes en adaptant l'information à chaque cas. Maintenant on fait de la pub pour tout et rien. Après un coup médiatique, on oublie et on passe à la "grande cause" suivante. Les communicants en tirent bénéfice. Mais les malades?

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 17:55

        Le dépistage organisé existe depuis 2006 : les femmes de 50 à 74 ans reçoivent un courrier tous les deux ans pour passer une mammographie sans frais et dont les modalités sont précisées. Le débat porte sur l'intérêt de ce dépistage systématique et généralisé, car il conduit à la découverte d'anomalies qui n'auraient jamais évolué et donc à des sur-traitements. C'est une question difficile et qui n'est pas du ressort d'un débat public ou d'une "concertation".

    2
    Lundi 10 Octobre 2016 à 19:35

    Quelle idée aussi de s'attaquer au cancer, avec son lot de problèmes (chimiothérapie, intervention de spécialistes arrogants, médicaments fournis par cette maudite industrie pharmaceutique, etc...)

    Les médecins adeptes de l'homéopathie et de la phytothérapie, eux, n'ont pas ces problèmes avec leurs patients puisqu'ils soignent, comme chacun le sait, non seulement la maladie mais aussi le malade.

    PS : Et pour ce qui est des résultats, on s'en fout ! ce qu'on demande à un médecin c'est d'être à l'écoute de son patient, pas de le guérir à tout prix ! 

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 19:48
        Et puis c'est tellement plus écologique...
    3
    Souris donc
    Lundi 10 Octobre 2016 à 19:45

    Comme pour les primaires de votre papier précédent, on est encore une fois dans l'imitation servile des Américains. Là, la posture est celle de l'empowerment, visant à "donner du pouvoir aux habitants".

    Ce concept permet de contrebalancer des politiques publiques très jacobines et de répondre au scepticisme des habitants peu engagés dans la vie publique [...] Tout cela est fort louable, mais s'inscrit comme toujours dans le cadre d'un pouvoir sous contrôle des collectivités et des politiques.

    Le Crépuscule de la France d'en haut, Christophe Guilluy, Flammarion, 2016. Chapitre Le marronnage des classes populaires, p. 208.

    On est loin de Halte à l'impérialisme ! de Paix au Vietnam ! Bref, encore un gloubiboulga socialiste.

     

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 19:52

        En matière médicale "le pouvoir aux habitants" est une supercherie. Un malade d'a qu'un seul pouvoir (et encore), celui de refuser de se traiter.

    4
    Lundi 10 Octobre 2016 à 19:56

    Aujourd'hui, les "acteurs politiques" adorent mettre tout en coupe réglementée, c'est comme cela que l'on découvre "des acteurs de santé", et les usagers...

    J'ai un cousin médecin, qui dit comme vous qu'on ne lui demande jamais son avis, mais qu'on lui impose des faits, il est souvent en rogne et bougonne souvent, bougonnement que je comprends et que je soutiens, "les acteurs de santé" et leur instrument "la médecine" ont été désacralisés, mais pas seulement il a aussi l'école, la justice enfin tout ce que touche les socialos, est rabaissé.

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 20:45

        Beaucoup de domaines ont été désacralisés, c'est souvent dommage mais parfois justifié.

        Quoi qu'il en soit, cela ne date pas de ces dernières années.

    5
    Sémaphore
    Lundi 10 Octobre 2016 à 21:35
    Sémaphore

    Un hypocondriaque ne peut-il pas être considéré comme un usager de la médecine et des soins??? ;-)

     

      • Souris donc
        Lundi 10 Octobre 2016 à 22:15

        Un consommateur ?

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 22:25

        Dans le sens d'un usage abusif pour l'hypocondriaque, du moins aux yeux de la société car l'hypocondrie est mal vécue.

        Consommateur ? Ce qui implique une marchandisation de la maladie. Juste sur le plan économique, mais terme désagréable sur le plan humain.

      • Lundi 10 Octobre 2016 à 22:35
        Consommation involontaire même pour l'hypocondriaque.
      • Souris donc
        Mardi 11 Octobre 2016 à 06:00

        Il y a un autre terme qui me fera toujours hurler de rire, c'est "assujetti".

        Cf. Binet : Les Bidochon, assujettis sociaux.

        C'est comme "sociétaires" (de la comédie mutualiste) pour de vulgaires cotisants. La bureaucratie est créative, pas seulement en formulaires. On est abreuvé de courriers commençant par "Chers sociétaires". Humour involontaire ?  

      • Mardi 11 Octobre 2016 à 08:39

        Tous ces termes font partie de la novlangue du politiquement correct : ne pas heurter une minorité quelconque : usager pour ne pas dire malade, handicapé pour ne pas dire invalide ou des termes flatteurs à titre publicitaire comme sociétaire plutôt que cotisant. Expressions d'un monde parallèle à la réalité.

      • Souris donc
        Mardi 11 Octobre 2016 à 08:51

        Oh, Dr Wo ! On ne dit plus "handicapé", mais "personne en situation de handicap". Ce qui fait une belle jambe à celui qui ne peut plus marcher.

      • Mardi 11 Octobre 2016 à 09:31

        Où avais-je la tête ! Je n'arrive plus à suivre l'évolution de cette langue châtrée.

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