• 210. La médecine au service du désir

     

    Dans son édition du 18 mars, Le Monde a publié un manifeste dans lequel 130 médecins et biologistes, à la compétence incontestable, demandent (outre l’élargissement du don d’ovocyte, l’autoconservation ovocytaire, les tests génétiques sur les embryons, et un plan contre l’infertilité) l’assouplissement des lois encadrant la procréation médicalement assistée (PMA) afin que cette technique à ce jour exclusivement réservée aux couples hétérosexuels infertiles soit ouverte à toutes les femmes : « Le don de sperme pour une femme célibataire, sans préjuger de son mode relationnel actuel ou futur, homo- ou hétérosexuel est une interdiction qui nous paraît devoir être levée puisqu'une femme célibataire est reconnue dans ses droits pour élever ou adopter un enfant ».

    L’argument me paraît un peu spécieux. Le fait qu’une femme peut adopter et élever un enfant ne justifie pas ipso facto que l’Assurance maladie prenne en charge les frais de la technique lui permettant d’en obtenir un. A moins de considérer l’incapacité de procréer pour un couple homosexuel comme une maladie, bien que chacun des membres de ce couple soit capable lui-même de procréer dans les conditions de l’hétérosexualité (dans le cas contraire la question se poserait différemment).

    Dans le manifeste inter LGBT qui a suivi celui des médecins, l’hétérosexualité semble avoir très mauvaise presse auprès des lesbiennes : « Celles qui n’en ont pas les moyens /d’aller à l’étranger/ pratiqueront des inséminations dites « artisanales » − indépendantes de tout encadrement médical, avec un donneur connu ou non – pouvant entrainer de graves risques sanitaires, comme des contaminations par le VIH ou autre IST, ainsi qu’un risque de violences à leur égard (dans le cas de relations sexuelles avec un inconnu : agressions sexuelles, viols,…) ».

    Sombre tableau.

    Dans ce manifeste LGBT : « L’ouverture de la PMA à toutes les femmes est une urgence sanitaire et sociale, ainsi qu’un droit des femmes à disposer de leur corps pour elles-mêmes ». Une urgence sanitaire dont devraient se réclamer nombre d’hétérosexuels si l’on en croit ce manifeste. A noter qu’une disponibilité de son corps n’implique pas que la société prenne en charge son insémination.

    Il est mis sur le même plan le droit à l’avortement et celui de la procréation (la procréation devient donc implicitement un droit !?) : « L’ouverture de la PMA se situe dans la lignée de l’ouverture de l’IVG : toute femme doit pouvoir disposer librement de son corps, que ce soit pour avorter (IVG) ou pour procréer (PMA) ».

    Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur la prise en charge de l’avortement, ce n’est pas la même chose en matière de disponibilité du corps de la femme. Une femme qui se résout (souvent douloureusement) à avorter ne veut pas que son corps soit le siège d’une grossesse (en règle provisoirement) et elle réclame par cette intervention de disposer de son corps en toute liberté. Le corps d’une lesbienne reste libre et elle peut en disposer même si elle n’est pas inséminée et il cesse au contraire de l’être en cas de grossesse, quelle que soit la méthode pour y parvenir.

    En fait la question n’est pas celle de l’insémination, c’est celle de son coût lorsqu’elle est faite à l’étranger avec l’encadrement médical et l’apport du sperme : « Contraindre ces femmes à recourir à la PMA à l’étranger entraine des frais exorbitants liées aux déplacements, pouvant atteindre 30 000€ (en particulier en Espagne et en Belgique) ».

    Discrimination : « La PMA est une pratique qui existe et qui est ouverte depuis 1994 (Loi de Bioéthique) en France aux femmes en couple avec un homme. La situation actuelle qui refuse l’accès aux couples lesbiens et aux femmes célibataires est qualifiée d’« incohérence du droit français » par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une inégalité injustifiable ».

    Seulement pour les couples hétérosexuels, la PMA est prise en charge par l’Assurance maladie pour une pathologie, ce qui n’est pas le cas des couples lesbiens où elle est réclamée par convenance personnelle pour assouvir le désir d’enfant malgré son orientation sexuelle. Une revendication au nom de l’égalité qui pourrait donc se discuter.

    Si le désir d’enfant existe incontestablement quel que soit son orientation sexuelle, le droit à l’enfant est en passe d’exister, puisqu’il est exigé de la collectivité qu’elle assure l’intendance de la fécondation en l'absence de pathologie.

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  • Commentaires

    1
    Mardi 22 Mars 2016 à 19:47

    Ce droit à l'enfant qui devient exigible de la collectivité donc pris en charge par elle est avant tout une dérive intellectuelle.

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    2
    Mardi 22 Mars 2016 à 20:54

    Les moeurs évoluent parallèlement à la technicité. Quand on invente une technique, on vous demande toujours tôt ou tard de l'appliquer. Le diagnostic pré-implantatoire conduira un jour ou l'autre à l'eugénisme qui finira par être admis comme on admet aujourd'hui des grossesses chez des grands-mères.

    3
    Mercredi 23 Mars 2016 à 11:12

    "On". Pas moi.

    4
    Mercredi 23 Mars 2016 à 11:27

    Parce que vous ne cherchez pas à tomber enceinte. smile

    5
    Jeudi 24 Mars 2016 à 11:21

    Ce "droit à l'enfant" me révulse ! Mais ça, ce n'est pas nouveau....

    6
    Jeudi 24 Mars 2016 à 11:36

    C'est une dérive que les techniques médicales ont permis et encouragée par ceux qui les pratiquent.

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