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    La loi de santé 2014, comme toutes celles qui furent pondues par les différents gouvernements, insiste sur la prévention. La prévention est en effet « la tarte à la crème » préférée des gouvernants dépassés par les évènements et qu’ils lancent périodiquement à la tête de la population.

    Le postulat est le suivant : si l’on dépense suffisamment d’argent pour prévenir les maladies, elles n’apparaitront pas et nous n’auront plus à dépenser de l’argent pour les soigner. Mais ce postulat n’est vrai (voir l’article « 160. La prévention est-elle source d’économies ? » que dans domaines où la prévention permettrait d’éviter définitivement la survenue de maladies : les infections par les vaccinations (ce qui est fait), le diabète lorsqu’il est induit par une surcharge pondérale, les maladies provoquées par des intoxications volontaires comme l’alcool, le tabac ou les drogues, et il faut y ajouter les comportements sexuels à risques.

    Puisque tous les gouvernements successifs n’ont cessé de prendre des mesures dans ces domaines, quant est-il des résultats de leurs efforts pour cette prévention qui pourrait être efficace de façon radicale ?

    - La consommation d’alcool a certes diminué régulièrement en France mais la proportion de consommateurs excessifs reste stable à environ 10% de la population adulte, avec 20% des patients hospitalisés, et environ 30000 décès par an directement attribuable à l’alcool.

    - La proportion des fumeurs en France est passée de 31,4% en 2005 à 34% en 2012 avec 200 morts par jour.

    - Les jeunes français sont en tête des consommateurs de cannabis en Europe et la consommation des autres drogues ne fait qu’augmenter.

    - En 2012, 64000 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH. Entre 2011 et 2012, la découverte de l’infection à VIH chez les gays a augmenté de 14%.

    On ne peut que constater l’échec de l’Etat, mais ce n’est aucunement spécifique à la France.

    Quelles sont les mesures prévues en matière de prévention par le gouvernement actuel ? « Prévention du tabagisme : instauration d'un paquet neutre et encadrement de l'usage de la cigarette électronique dans les lieux publics.

    Prévention de l'alcoolisme chez les jeunes. La vente de certains produits favorisant la consommation d’alcool et notamment le « binge drinking » (ou alcoolisation accélérée) chez les jeunes devrait être interdite.

    Accès à la contraception d'urgence garanti pour les jeunes femmes mineures sans condition auprès de l'infirmière scolaire.

    Définition d'un cadre pour l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque, dites « salles de shoot ». (Le Monde du 15/10/14).

    Il faut y ajouter le code couleur pour les aliments.

    Ce sont de louables intentions mais si ces mesures sont adoptées, je crains qu’elles ne changeront guère la situation (sauf pour la contraception). Mais il faut avouer que les solutions ne sont pas évidentes, que l’on se heurte à des comportements individuels où le choix peut alterner entre soins, culpabilisation et répression. A noter qu’une opposition à la cigarette électronique est assez paradoxale puisque la consommation de tabac a baissé pour la première fois depuis son introduction. Quant aux salles de shoot, elles ne diminueront sûrement pas la consommation de drogues.

    Le chapeau de la loi de santé est le suivant :

    "Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé."

    J’ai toujours une certaine reticence devant les slogans publicitaires.


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  • Naufrage

    Ses cheveux épars collés sur le crâne par la pluie qui semble sans cesse le noyer, le capitaine, bousculé par le tangage, godille en vain dans la tempête. Il ne se retourne pas sur les matelots qui tombent à la mer emportés par le vent des couloirs du palais, et qui, alourdis par leurs poches pleines, s’enfoncent dans les vagues de l’opprobre. Des membres de l’équipage aimeraient quitter le navire et cherchent à embarquer dans des canots de sauvetage, d’autres se révoltent contre la façon dont le capitaine mène sa barque, et envisagent même de remettre son brevet en question.

    Sur la côte, l’ancien capitaine, entouré de son ancien équipage, regarde, sardonique, le bateau secoué par les bourrasques du large. Il veut reprendre la barre alors qu’il avait échoué le navire lors d’un précédent voyage en laissant dans la coque un trou béant. Il espère bien récupérer son poste qu’il estime mériter de droit divin en écartant avec mépris les importuns primaires. Il harangue ses fidèles en imitant les imitateurs qui l’imitent, et en caricaturant ses propres caricatures. Il promet tout et son contraire, mais surtout de défaire ce que l’autre a fait. Les fidèles demeurés en extase sont toujours prêts à le suivre pour un périlleux voyage. Quant à ses anciens lieutenants, ils aimeraient tenter leur chance au gouvernail. L’un espère que la capitainerie se penchera davantage sur le passé de son ancien capitaine. L’autre, qui a beaucoup bourlingué, a la tête d’un revenant qui rêverait ne plus être un fantôme.

    Les gars de la Marine ricanent dans leur coin, et ne pensent qu’à pousser le navire dans le cimetière marin.

    William Turner : « Naufrage »

     


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  • De l’abstraction à la déraisonAlexandre Grothendieck est mort le 13 novembre dernier à l’âge de 86 ans. C’était un mathématicien de génie (en particulier dans le domaine de la géométrie algébrique). Il est mort à l’hôpital Saint-Girons en Ariège…En Ariège, là où sa mère protestante allemande et lui avaient été internés dans un camp comme « étrangers indésirables » et d’où son père, juif russe et anarchiste, Sascha Schapiro, interné dans un autre camp, avait été déporté à Auschwitz pour y être assassiné en 1942. Fuyant le nazisme, la famille s’était réfugiée en France en 1933. Grothendieck (le nom de sa mère) est mort près des lieux des évènements dramatiques de son enfance.

    C’était un mathématicien de génie en rupture avec le milieu académique et avec l’humanité, refusant les prix qui lui étaient décernés (dont la médaille Fields en 1966 qu’il devait recevoir à Moscou, mais refusa de s’y rendre pour protester contre le régime soviétique), pacifiste et écologiste, il disparut des écrans radar en 1991 avec la volonté de s’isoler. D’après certains témoins, il aurait été en proie à des délires mystiques jusqu’à dialoguer avec les anges.

    Et je me pose la question : jongler avec des abstractions pures ne peut-il pas favoriser la déraison ? Car je lis en ce moment un livre[1] où il est fait référence à deux autres mathématiciens de génie : Cantor et Gödel dont les préoccupations finales furent plutôt déroutantes.

    De l’abstraction à la déraisonGeorg Cantor (1845-1918) était issu d’une famille qui avait émigré de Russie pour s’installer en Allemagne. Créateur de la théorie des ensembles, ce fut lui qui fit de l’infini une partie intégrante des mathématiques. Raisonner sur l’infini paraissait impossible pour la plupart des mathématiciens, et c’est un sujet qu’ils évitaient habituellement d’aborder. Son ancien professeur Léopold Kronecker (un tantinet jaloux), considérant ce sujet comme absurde, s’est d’ailleurs acharné à briser la carrière de son ancien élève. Il arrive fréquemment que ceux qui s’opposent à un génie passent de cette façon à la postérité quelle que soit leur talent, un peu comme un satellite noir entraîné par une étoile. Travaillant seul et à contre-courant, Cantor finit par perdre la raison en n’arrivant pas à démontrer, et pendant des années, une de ses hypothèses (« l’hypothèse du continu »[2]). Il consacra finalement ses phases de lucidité à la théologie (il pensait pouvoir démontrer mathématiquement l’existence de Dieu) et à tenter de prouver que le véritable auteur des pièces de Shakespeare était le philosophe Francis Bacon.

    De l’abstraction à la déraisonL’autrichien Kurt Gödel (1906-1978), proposa, à l’âge de 25 ans, son « théorème d’incomplétude » en affirmant qu’un système cohérent est incomplet en soi, qu’il comporte inévitablement des propositions « indécidables », et qu’il existe ainsi des limites à la pensée rationnelle et au raisonnement logique. Ce théorème démontré pour un système arithmétique est largement utilisé dans d’autres domaines comme la philosophie ou l’informatique.

    Gödel, confronté à l’hypothèse de Cantor, finit par montrer qu’il est impossible de démontrer sa fausseté[3]. Plus ou moins dépressif dans sa jeunesse, il devint plus tard paranoïaque en refusant de s’alimenter, craignant d’être empoisonné, et mourut cachectique et Américain. Fuyant les persécutions nazies, Gödel avait, en effet, quitté Vienne en 1940 pour les USA où, à Princeton, il se lia d’amitié avec Albert Einstein. Après avoir renoncé à se confronter à l’hypothèse de Cantor, il passa 20 ans à tenter de prouver que des travaux de Leibniz ne lui avaient pas été attribués et qu’il lui revenait de rétablir la vérité, tout en se penchant sur le problème de la démonstration de l’existence de Dieu. Lors de sa naturalisation, il ne put s’empêcher de prévenir le juge qu’il existait une faute logique dans la constitution américaine qui risquait de conduire à une dictature.

    Trois mathématiciens de génie dont la manipulation des abstractions fit peut-être chanceler leur santé mentale, et qui finirent, les trois, par se confronter à l’abstraction ultime : Dieu.

     

    [1] « Désir d’infini » de Trinh Xuan Thuan.

    [2] Ne me demandez surtout pas de développer !

    [3] C’est le mathématicien américain Paul Cohen qui montra en 1963 que « l’hypothèse du continu » que Cantor s’était acharné à démontrer n’était ni vraie, ni fausse, mais indémontrable.


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    Il faut bien que vieillesse se passe

    La vieillesse ne semble plus être le temps de la sagesse, ni celui du renoncement. Du moins en Grande-Bretagne, mais il n’y a aucune raison que les vieux Anglais et les vieilles Anglaises soient d’un modèle différent de celui des séniors du continent.

    Le journal The Economist (article rapporté par Courrier International) révèle que nombre de personnes âgées britanniques ont tendance à brûler leur vie par le dernier bout qui leur reste en abusant de la consommation d’alcool, de drogues et même de sexe.

    En 5 ans le nombre de femmes en maison de retraite traitées pour alcoolisme dans un centre de sevrage a grimpé de 65 %. Il y a beaucoup de raisons de noyer son âge dans l’alcool, mais il faut savoir que l’alcool ne conserve que les pièces anatomiques.

    « Le Centre européen de gestion des drogues et des addictions estime de son côté que le nombre de personnes de plus de 65 ans qui se rendront en centre de désintoxication aura doublé entre 2001 et 2020 ». Une vidéo circule sur le net où l'on voit trois mamies essayant de fumer du cannabis pour fêter sa légalisation dans l'Etat de Washington.

    Les maisons de retraite m’ont toujours paru d’une grande tristesse. Mais voilà que j’apprends qu’en Grande-Bretagne elles peuvent être le siège d’une activité débridée. Les maladies sexuellement transmissibles s’y échangent gaîment. En 5 ans le nombre de leurs pensionnaires souffrant d'herpès génital a augmenté de 50 % chez les hommes et doublé chez les femmes. A noter que les hommes, moins nombreux, ont un large choix. Cependant, les prouesses sexuelles à cet âge risquent par un équilibre incertain de se terminer par une chute et une fracture du col du fémur. Il y a des positions fracassantes que le Kamasoutra n’avait pas prévues.

    Il faut bien que vieillesse se passe

     


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    Les internes des hôpitaux ont récemment tenté de faire grève pour demander une amélioration de leurs conditions de travail. Cette grève a été, semble-t-il, peu suivie. Les médecins libéraux envisagent de faire grève fin décembre pour protester contre certains projets de la nouvelle loi santé (une de plus) concoctée par MST (pas de confusion, il s’agit de Marisol Touraine). Une grève des cabinets médicaux qui pourrait être suivie début janvier 2015 par celle des cliniques.  

    D’après ce que j’ai pu voir, c’est une loi très littéraire avec surtout des intentions (notamment sur la prévention, la tarte à la crème des gouvernements successifs et la réapparition des salles de shoot, dites à « moindres risques »), mais il en ressort également un renforcement de la prééminence des hôpitaux publics sur le secteur libéral. On peut donc s’attendre à une asphyxie des urgences qui, jusqu’à présent, n’étaient qu’à bout de souffle (car la loi ne prévoit évidemment aucun moyen).

    Quant à la médecine libérale, qui, à ma connaissance, n’a pas eu son mot à dire dans l’élaboration de cette pièce montée (il n'y aurait pas de médecins dans l'entourage de MST), il est prévu d’aggraver ses emmerdements. Dans un esprit de démagogie plus que d’efficacité ou d’économie, MST envisage en deux étapes de généraliser le tiers payant, ce qui va logiquement augmenter la demande (« c’est gratuit et j’y ai droit »), augmenter la paperasse à remplir par les médecins aux dépends du temps passé à s’occuper du malade, en ajoutant également celui qui devra être consacré à vérifier les remboursements des honoraires. Le médecin libéral sera ainsi livré pieds et poings liés aux caisses, et pour gagner sa vie il devra attendre leur bon vouloir pour ce qui concerne les délais de remboursement, s’il ne subit pas éventuellement des mesures de rétorsion pour indiscipline.

    La médecine libérale est agonisante et il serait charitable de la débrancher définitivement.

    Alors les médecins libéraux envisagent de faire grève. Mais, chers confrères, ne vous faites pas d’illusions. Nous ne sommes pas des transporteurs routiers ou des pilotes de ligne capables de bloquer les routes ou le trafic aérien pour faire plier les autorités. Notre éthique nous oblige à organiser d’une façon ou d’une autre les soins des patients pour éviter les drames, et les hôpitaux sont là en cas d’urgence, jusqu’à l’étouffement.

    En tant que médecin hospitalier, il m’est arrivé de faire grève : je portais un badge sur lequel était marqué : « médecin en grève » tout en assurant mon travail. Efficace, non ?


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    Un rapport rédigé par la sénatrice EELV, Esther Benbassa et le sénateur UMP, Jean-René Lecerf, préconise – entre autres - l’enseignement du fait religieux à l’école. Ce rapport a été adopté par la commission des lois du Sénat et devrait être rendu public cette semaine[1]

    Mais qu’entend-on par l’enseignement du fait religieux ?

    Etudier le rôle des religions en histoire est une évidence, et ce rôle est enseigné depuis toujours. Les religions furent et sont encore des moteurs de l’histoire et non des moindres, pour le meilleur et le plus souvent pour le pire. Sans parler des religions asiatiques, l’histoire de l’Occident et du Proche et Moyen-Orient est dominée par les religions. La mainmise du Christianisme sur l’Empire Romain, éliminant le polythéisme plutôt pacifique et hospitalier, les conquêtes musulmanes en Europe, en Afrique et en Asie, les croisades, la conquête et la christianisation sanglantes des Amériques, Les guerres de religion entre chrétiens dans une grande partie de l’Europe et les évènements actuels montrent que les religions réapparaissent à l’avant-scène de l’histoire.

    Les religions peuvent être également étudiées comme objet social ou anthropologique au même titre que tous les autres, mais pourquoi isoler le fait religieux en tant que tel ?

    Considérer la croyance religieuse comme un objet de connaissance, c’est lui donner un statut qu’elle n’a pas. Et quelles religions étudier ? La véracité d’aucune n’est prouvée puisqu’il s’agit de croyances éminemment personnelles. Je souhaite bien du courage aux enseignants devant une classe multiconfessionnelle lors de la confrontation des légendes que l’on est libre de croire ou pas, mais qui s’excluent de façon radicale. Je suppose par ailleurs que l’athéisme, pourtant moins dangereux, ne sera probablement pas enseigné.

    Que fait-on de la laïcité dans cette République qui se délite en de multiples identités et qui devient de plus en plus soluble dans les religions ? Le temps que l’on consacrera éventuellement au fait religieux ne serait-il pas mieux employé à des fondamentaux incontestables et qui semblent faire défaut à nombre d’élèves ? Personne n’a besoin de l’école pour choisir ou rejeter une croyance, d’ailleurs souvent transmise par la famille et aujourd’hui par le prosélytisme parfois agressif présent sur internet.

     

    [1] D’après Claude Nicollet (Marianne)


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  • Il m'a paru intéressant de reproduire ci-dessous un extrait d'un éditorial publié récemment par le journaliste et écrivain ivoirien Venance Konan et que j'ai pêché dans la revue médicale "Tout Prévoir" de novembre 2014.

    Lucidité

     

     


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    L’écrivain Pierre Ménard fait état dans « Le Huffington post » de la correspondance de la Princesse Palatine. Une partie de cette correspondance (60000 lettres de 1671 à 1722 ! preuves de son ennui profond) avait été réunie dans un livre paru à Paris en 1853 et intitulé : « Nouvelles lettres de la Duchesse d’Orléans, Princesse Palatine, mère du Régent » (traduites de l’allemand par G. Brunet) et que je suis allé consulter. Elles montrent, comme on le sait, que le siècle du Roi-Soleil ne brillait pas par la propreté et l’hygiène. Même les dames lettrées avaient un goût prononcé pour la scatologie. Ce fut également le cas du « divin » Mozart.

    Scatologie épistolaire

     Lettre de la duchesse d’Orléans à l’électrice de Hanovre

    Fontainebleau, le 9 octobre 1694

    Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre chien de soûl. Nous n’en sommes pas de même ici où je suis obligée de garder mon étron pour le soir. Il n’y a point de frotoir aux maisons du côté de la forêt. J’ai le malheur d’en habiter une et pas conséquent le chagrin d’aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j’aime à chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon cul ne porte sur rien ? item, tout le monde nous voit chier ; il y passe des hommes, des filles, des garçons, des abbés et des suisses ; vous voyez par là que nul plaisir sans peine, et si on ne chiait point je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l’eau. Il est très-chagrinant que mes plaisirs soient traversés par des étrons ; je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier, ne pût chier, lui et toute sa race, qu'à coups de bâton. Comment, mordi! qu'il faille qu'on ne puisse vivre sans chier? Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde, qu'il vous prenne envie de chier, il vous faut aller chier. Soyez avec une jolie fille, une femme qui vous plaise ; qu'il vous prenne envie de chier, il faut aller chier ou crever. Ah! maudit chier, je ne sache point de plus vilaine chose que de chier. Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre, vous vous récriez: ah! que cela serait joli si cela ne chiait pas! Je le pardonne à des crocheteurs, à des soldats aux gardes, à des porteurs de chaises et à des gens de ce calibre-là. Mais les empereurs chient, les impératrices chient, le pape chie, les cardinaux chient, les princes chient, les archevêques et les évêques chient, les généraux d'ordres chient, les curés et les vicaires chient. Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens, car enfin, on chie en l'air, on chie sur la terre, on chie dans la mer, tout l'univers est rempli de chieurs et les rues de Fontainebleau de merde, car ils font des étrons gros comme vous, madame. Si croyez baiser une belle petite bouche avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin à merde ; tous les mets les plus délicats, les biscuits, les pâtés, les tourtes les perdrix, les jambons, les faisans, tout n’est que pour faire de la merde mâchée etc.

    Extrait de la réponse de l’électrice

    Hanovre, 31 octobre 1694

    On ne mange que pour chier, et tout de même qu'on ne chie que pour manger, et si la viande fait la merde, il est vrai de dire que la merde fait la viande, puisque les cochons les plus délicats sont ceux qui mangent le plus de merde. Est-ce que dans les tables les plus délicates, la merde n'est pas servie en ragoût? Ne fait-on pas des rôties de la merde des bécasses, des bécassines, d'alouettes et d'autres oiseaux, laquelle merde on sert à l'entremets pour réveiller l'appétit? Les boudins, les andouilles et les saucisses, ne sont-ce pas des ragoûts dans des sacs à merde? La terre ne deviendrait-elle pas stérile si on ne chiait pas, ne produisant les mets les plus nécessaires et les plus délicats qu'à force d'étrons et de merde?

    On ne mange que pour chier, comme on ne chie que pour manger. Vous étiez de bien mauvaise humeur quand vous avez tant déclamé contre le chier; je n'en saurais donner la raison, sinon qu'assurément votre aiguillette s'étant nouée à deux nœuds, vous aviez chié dans vos chausses. Enfin vous avez la liberté de chier partout quand l’envie vous en prend, Vous n’avez d’égard pour personne ; le plaisir qu'on se procure en chiant vous chatouille si fort que, sans égard au lieu où vous vous trouvez, vous chiez dans les rues, vous chiez dans les allées, vous chiez dans les places publiques, vous chiez devant la porte d'autrui sans vous mettre en peine s'il le trouve bon ou non.

    Lire les lettres dans leur intégralité


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    Félix Vallotton "Portrait de la femme au chapeau noir"

     
     

    Elle avait gardé son chapeau

    Orné d'un ruban rose et blanc

    Elle avait gardé les yeux clos

    En retenant d'une main

    Sa robe négligemment

    Elle avait dévoilé distraitement

    Un sein

    Et recouvert par malice son voisin

    La poitrine découverte couronnée

    De l'ovale d'or d'un fin collier

     

    C'était le chapeau gardé sur la tête

    Qui avait rendu ce sein si nu

    Et les paupières closes qui avaient rendu

    Ce visage si serein, la pose si coquette

    Et la femme offerte si prête


    Paul Obraska


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  • Profession : courtisane

    Place Saint-Georges dans le 9ème arr. de Paris, je ne manque jamais de m’arrêter devant ce bel hôtel particulier, dans un style gothique et renaissance, l’hôtel de la Païva, qui fut habité en 1851 par la marquise Païva y Arunjo, épouse pour un temps bref du marquis portugais du même nom. On peut d’ailleurs se demander si elle ne l’avait pas épousé pour ce « Païva » qui lui plaisait et qu’elle allait conserver par la suite.

    Esther (puis Thérèse) Lechmann naquit pauvre dans le ghetto juif de Moscou. On la maria à 16 ans à un tailleur français, elle le quitta pour suivre un amant et après quelques pérégrinations elle se retrouva à Paris. Courtisane de haut vol, élégante et endurante, elle allait par ses talents (notamment sexuels) posséder de superbes demeures, collectionner les diamants, et les amants, dont une enfilade de Lords anglais lors de son séjour à Londres.

    Elle épingla surtout à son palmarès le comte prussien Henckel von Donnersmarck, cousin de Bismarck, d’abord amant puis époux princier qui lui offrit l’hôtel Païva du 25 Av des Champs- Elysées dont la construction dura 10 ans et coûta la bagatelle de 10 millions de francs de l’époque.

    Profession : courtisaneLes célébrités se pressaient à ses réceptions, car si l’aristocratie la boudait ce ne fut pas le cas des hommes politiques (Gambetta, Emile Girardin), des artistes (elle connut de grands musiciens comme Liszt et Wagner par l’intermédiaire d’un amant pianiste…Et au départ riche, Henri Herz) et des écrivains (les Goncourt, Théophile Gautier, Renan, Taine – du beau monde pour une demi-mondaine). Soupçonnée d’espionnage elle termina – dans le luxe d’un château – sa vie en Pologne, berceau de sa famille. Une vie bien remplie où elle s’était largement donnée mais en comptant.

    Curieusement, cette belle rousse n’aimait pas son visage ce qui explique peut-être ce curieux portrait où elle est représentée de dos !

    Les courtisanes d’antan avaient une vie aventureuse et amoureuse tout de même étonnante, avec le statut quasi officiel de prostituée de luxe, mais que les hommes haut placés n’hésitaient pas à épouser (la pancarte historique de l’hôtel signale d’ailleurs que « la Païva était une courtisane adulée sous le second Empire »).


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