• Avant et après la deuxième guerre mondiale, une partie importante de la population française se déclarait favorable aux régimes communistes en place et même admirative. Beaucoup étaient en extase devant les réalisations de l’Union Soviétique supposées ou vantées par une propagande bien faite. L’URSS bénéficiait en outre de l’aura d’avoir largement contribué, et au prix de lourds sacrifices, à la chute du nazisme. Par la suite, ce fut au maoïsme d’avoir son heure de gloire. Des régimes qui avaient déjà à leur actif des dizaines de millions de morts innocents provoqués par la folie de leurs maîtres, des décisions absurdes et des sacrifices inutiles.

    Que le peuple, à l’époque, étourdi par la propagande, puisse sincèrement penser que de telles idéologies étaient susceptibles améliorer leur sort, pouvait à la rigueur se comprendre, mais l’adhésion de nombreux intellectuels au stalinisme et au maoïsme alors que des transfuges de ces pays cadenassés, parvenus à leur risque en Occident, témoignaient de la situation catastrophique dans laquelle se trouvaient les populations de ces pays, m’a  toujours paru incompréhensible. Et que dire des intellectuels invités sur place qui n’eurent jamais le bon sens de s’apercevoir que leurs hôtes égaraient leur jugement et flattaient leur béatitude, jusqu’à déléguer, le temps de son bain, de jeunes éphèbes de l’armée rouge pour nager auprès de Gide (qui fut un des rares à ne pas se laisser duper). Comment des gens aussi intelligents, talentueux, documentés, pouvaient ainsi se laisser berner et être aussi aveugles ? Un trop plein d’intelligence peut-il conduire à la débilité mentale ?  

    Question corollaire : comment peut-on être communiste de nos jours ? Le capitalisme n’est pas joli à voir, mais il n’a pas donné lieu à des autoritarismes meurtriers quand il a résisté aux idéologies, et il a permis une certaine réussite économique, même si elle est injuste, bancale, et fragile. Les autorités chinoises l’ont bien compris puisque la réussite économique de la Chine est liée à l’introduction d’une bonne dose de capitalisme dans son communisme, surtout caractérisé par un parti unique et le confort de ses dirigeants.    

    Comment peut-on être communiste aujourd’hui ? Le communisme a manifestement échoué partout, sous tous les climats et quels que soient les hommes qui l’ont entrepris,  jusqu’à aboutir à la monstruosité de la Corée du Nord. Les communistes sincères vous diront que ces communismes-là ont trahi le communisme tel qu’ils le conçoivent. Ce qui veut dire qu’ils se considèrent comme plus intelligents et plus vertueux que les autres. C’est à la fois d’une grande prétention et d’une grande naïveté, car cette idéologie, une fois appliquée, aboutit toujours à la même chose, c’est dans l’essence même du système et dans la nature des hommes, les faits historiques l’ont largement prouvé.

    Conclusion : l'idéologie rend idiot   

     


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  • Mr Morsi, le président élu de l’Egypte, qui fut considéré comme un « islamiste modéré », ne cache pas son projet d’introduire la charia dans son pays comme source du droit. Pour cela, il concentre dans ses mains tous les pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, mais en affirmant à ses partisans, en réaction aux manifestations des opposants, de ne le faire que pour être fidèle à la révolution (à laquelle, me semble-t-il, il n’avait pas participé) et de préserver la liberté et la démocratie. Déclaration surréaliste, à moins qu’il ne s’agisse que d’humour islamiste.

    Je me souviens d’un dessin humoristique paru, je crois, dans le Canard où un groupe d’hommes entourait une femme, chacun ayant dans la main une pierre pour la lapider, l’un d’eux serrait une pierre moins grosse que celles tenues par ses voisins mâles et une flèche l’indiquait avec la mention : « islamiste modéré ».

     

    Je crois que le terme « islamiste modéré » est un oxymore. Un islamiste, dont l’idéologie est celle d’instaurer une théocratie issue du haut Moyen Âge, n’est modéré que quand il ne peut pas faire autrement en raison des circonstances qui l’obligent à l’être ou à donner le change, du moins pour un temps.

     

    Depuis l’expansion de l’islamisme sur la planète et dans la tête des gens, on assiste à un glissement sémantique, amplement favorisé par les médias, entre le terme de musulman et celui d’islamiste, comme il existe une confusion entre la religion musulmane et l’ethnie qui la pratique. Comme dans toutes les religions, toutes les nuances existent entre les musulmans par tradition et peu pratiquants et les fanatiques, mais, paradoxalement, c’est la condamnation des excès et du terrorisme des islamistes, suivie des actions guerrières par rétorsion, qui ont conduit à augmenter par réaction le nombre des pratiquants et des fanatiques.

     

    L’islamophobie, qui n’a rien à voir avec un racisme mais avec une méfiance ou une hostilité à l’égard d’une religion restée totalitaire, n’ayant pas encore séparé le spirituel du temporel et dont les mœurs peuvent heurter la culture européenne. Totalitaire au point de vouloir détruire la production  artistique des autres religions. Un chef salafiste égyptien, qui se vante d’avoir participé à la destruction des bouddhas en Afghanistan, a récemment menacé de détruire également les pyramides et le sphinx, « sujets d’idolâtrie » contraires à l’Islam  (Les chrétiens de l’Antiquité ont eu une attitude semblable vis-à-vis des temples grecs et romains, mais le plus souvent en les récupérant sans les détruire, ce qui prouve le retard évolutif des musulmans intégristes). Mr Morsi, « islamiste modéré », n’a, pour l’instant, aucunement réagi à cette déclaration imbécile faite sur une chaîne de télévision (Le Point du 22/11/12).

     

    Mettre tous les musulmans dans le même sac fait le jeu des islamistes, et est un des facteurs du succès de leur recrutement, mais la distinction devient de plus en plus difficile, car même les musulmans non fanatiques font preuve d’un prosélytisme irritant dans un pays qui tient à sa laïcité et parfois sous le couvert de la lutte contre l’islamophobie (voir l’affiche : « une famille française » montrant le mari souriant et modestement barbu, la femme, non pas un voile, mais un fichu sur la tête, et deux petites jumelles blondes).

     

    Des musulmans et des chrétiens (comme Bush après l’attentat de New-York) n’hésitent pas à utiliser un autre oxymore : « Islam-religion d’amour », les premiers pour séduire, les seconds pour ne pas être accusés d’islamophobie en faisant rentrer en quelque sorte l’Islam dans le giron du Christianisme qui l’est en théorie.

     

    Et pourquoi n’a-t-on pas le droit de critiquer et de se moquer de l’Islam comme on peut le faire de toute autre religion ? Quelle régression depuis le siècle des Lumières ! Etre contre les religions n’est qu’une opinion si elle n’est pas agressive, être athée n’est pas encore un délit, et l’islamophobie (le rejet d’une croyance et de ses conséquences) ne devrait pas le devenir, à condition de séparer l’être et sa croyance, amalgame auquel tiennent les musulmans car il leur permet de se plaindre de racisme lorsque l’on discute leur religion.


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  • Dans les téléfilms policiers, la salle d’autopsie est un passage obligé. Les gens discutent le bout de gras devant le cadavre nu, souvent viscères à l’air, et mettent le nez dessus sans se préoccuper de l’odeur, ce qui laisse supposer qu’il s’agit bien d’un mannequin. Nous voilà rassurés. Ce qui est particulier est la fréquence avec laquelle le médecin légiste dans ces téléfilms est une femme, souvent charmante et parfaitement à l’aise devant les morceaux de corps humain. A vrai dire, j’ignore si cette prédominance féminine correspond aujourd’hui à la réalité (dans le passé, ce n’était pas le cas) et si le sexe dit faible a acquis un penchant pour le mortuaire, quand il ne s’agit pas de nécrophilie comme le montre l’information ci-dessous :

     

    « Collectionner des squelettes humains, passe encore. Utiliser des os comme sex-toys, c’est plus limite. La justice de Gothenburg, en Suède, a officiellement inculpé une femme de 37 ans d’avoir "violé la paix des morts" en utilisant leurs restes de façon "non éthique" pour sa gratification sexuelle. La dame, chez qui l’on a trouvé un squelette presque entier, assure être mue par un intérêt pour l’histoire et a déclaré collectionner des os, comme d’autres collectionnent des timbres. Un CD intitulé Ma nécrophilie et Ma première expérience a été présenté à la presse. Selon la justice, la prévenue faisait également commerce de crânes sur Internet. Elle encourt jusqu’à deux ans de prison, indique The Local »

                             

    Evidemment, question rigidité l’os est imbattable pour obtenir une « gratification sexuelle », mais, me semble-t-il, avec le risque d’un certain inconfort (en cette matière, je ne peux me livrer qu’à des suppositions). L’information ne précise pas si la dame choisissait l’os gratifiant en fonction du sexe du défunt, selon son orientation sexuelle, pour corser le fantasme. Elle encourt jusqu’à deux ans de prison pour avoir « violé la paix des morts ». Je serais plus indulgent, car permettre à un mort de donner du plaisir à une femme, c’est rappeler de bons souvenirs à sa mémoire d’outre-tombe dépouillée de son corps et abandonné aux mains expertes de la dame nécrophile.

     

    Bosch-tunnel.jpgMais pour qu’il y ait mémoire d’outre-tombe encore faut-il qu’il y ait un au-delà, et là on tombe sur un os. Les religions le promettent avec un aplomb qui n’a jamais été démenti en l’absence regrettable de témoins. Certains tentent cependant d’en démontrer l’existence. C’est ainsi que la John Templeton Foundation de Philadelphie[1] n’a pas hésité à financer les recherches sur l’au-delà du philosophe John Martin Fischer pour un montant de 5 millions de dollars ! Avant de s’aventurer dans l’au-delà l’équipe pluridisciplinaire du philosophe compte d’abord rester sur le pas de la porte en étudiant les expériences de mort imminente. On sait que les Occidentaux en état de coma avancé ou de mort clinique épargnés in extremis décrivent souvent un tunnel au fond duquel brille une vive lumière. Les Japonais, eux, ont plutôt tendance à évoquer un jardin. Tunnel ou jardin, voilà qui peut rendre perplexe, les peuples auraient-ils chacun une entrée de l’au-delà qui leur est réservée selon une sorte d’apartheid ? Plus intéressant, Mr Fischer se penchera sur l’influence sur notre comportement de la croyance en l’au-delà. Plus ambitieux, il compte s’intéresser aux tentatives de prolonger la vie : “On commence à parler de télécharger notre esprit sur ordinateur, de scanner notre cerveau pour le préserver”. Cette équipe se veut « rigoureusement scientifique », les athées en doutent un peu en notant que des théologiens doivent participer à ces travaux[2]

     

    Jérôme Bosch : « L’ascension des bénis »

     

     


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  • ordinateur.jpgDepuis que je fréquente ces animaux domestiques que sont les ordinateurs, c’est la première fois que l’un d’eux se brise sous mes yeux incrédules, alors que je ne levais la main sur lui que pour tapoter son échine. Il s’agit seulement du cadre, mais c’était un cadre dynamique, accroché au portable et qui subissait le stress des montées pour gravir l’écran et la dépression des descentes pour s’éteindre.

    La mort dans l’âme (et au portefeuille), j’ai du remplacer ce compagnon quotidien auquel j’avais fini par m’habituer, après l’avoir apprivoisé malgré ses sautes d’humeur incompréhensibles.  

    Je me suis donc rendu dans une vaste garderie où j’ai défilé, perplexe, devant ses congénères plus jeunes qui clignaient de l’écran pour m’attirer à eux. C’étaient toutes des bêtes de course avec de grosses têtes et des disques sans frein. J’ai choisi le spécimen le moins prétentieux comme animal de compagnie en étant obligé de le prendre avec les entrailles les plus récentes, celles que je connaissais n’étant plus de ce monde.  

    Plus que pour les anciens, celui-là (de la race windows 8) me donna du fil à retordre pour le dresser car bien différent des autres. Les races du passé étaient plutôt simples à manipuler, pas celle-là, une prise en main difficile au premier abord, plus de gestes à faire qu’auparavant, des pelages successifs à soulever, se masquant les uns les autres. Mais on a fini par s’habituer l’un à l’autre et à présent la bête semble filer doux (je l’espère). J’ai tout de même eu une Boite.jpginquiétude au départ lorsque je me suis aperçu qu’il n’y avait pas…de boîte aux lettres. Dans quelle gueule mettre le courrier et comment pourrait-elle aboyer ? A plusieurs reprises j’ai du m’entretenir avec un robot, sympathique mais un peu limité dans sa conversation, pour faire appel à des maîtres qui avaient chacun une vision différente de la bête. La solution était évidemment plus complexe que par la passé : il fallait d’abord se mettre sous la coupe du grand dresseur du nom de Microsoft, créer un compte chez lui, puis une boite aux lettres sous sa dépendance, mais pour conserver son adresse, créer une autre boite à partir de la précédente. On n’arrête pas le progrès : pourquoi faire simple si l’on peut faire compliqué ?  

    Et bonjour chez vous comme dirait le bon Pangloss.


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  • Le poil malgré sa faible épaisseur semble occuper une grande place dans les pratiques religieuses. Après le sexe, la pilosité est probablement la partie du corps qui préoccupe le plus les religions. Mais alors que leur attitude vis-à-vis du sexe est pratiquement unanime : le réserver à la procréation ou même le condamner jusqu’à s’en dispenser (en théorie) pour les prêtres catholiques, le poil a une curieuse valeur symbolique, mais aux variations déroutantes pour une personne sensée.

    Pour les hommes : le sikhisme impose la barbe et les cheveux longs mais enturbannés, les juifs religieux se couvrent la tête dans la crainte, sans doute, que le ciel leur tombe dessus, les prêtres orthodoxes portent la barbe dans leur volonté de partager celle du Christ (dont ils ne font que supposer l’apparence) et en affichant leur mépris des soins jugés frivoles du rasage. Bien que croyant au même Dieu, les moines catholiques du Moyen Âge arboraient une tonsure en marque d’humilité et laissaient la peau glabre dans un souci de pureté et d’innocence, considérant la barbe comme une marque de bestialité. Ce qui nous amène aux islamistes radicaux pour qui la barbe semble être une preuve de virilité, ce qui n’est pas inutile si l’on doit satisfaire plusieurs femmes.    

    Pour les femmes : si les chrétiens masquent uniquement les cheveux de leurs religieuses, les juives ultra-orthodoxes se rasent volontiers la tête pour la recouvrir d’un fichu ou d’une perruque et les musulmanes  portent le voile de préférence noir pour bien marquer le deuil de leur liberté, leur féminité ne devant servir qu’à satisfaire l’homme et à procréer, sans provoquer ses désirs brûlants dans l’espace public.    

    On voit que les intégristes masculins se réservent le droit de montrer leurs poils céphaliques et obligent les femmes à masquer leur belle chevelure contre laquelle la leur ne ferait pas le poids, même en arborant une chevelure à l’envers à la pointe du menton. Pure jalousie, car on ne sait pour quelle raison Dieu s’offenserait de la beauté de la femme puisque c’est Lui qui l’a ainsi créée. Je crois même qu’Il doit s’offenser de voir sa création recouverte comme si elle était imparfaite. Recouvrir la femme, ne serait-ce que la tête, devrait être considéré comme un blasphème.    

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    Pierre Auguste Renoir : « Jeune fille peignant ses cheveux »


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  • Il arrive que les chefs d’Etat ayant quitté leur fonction soient sollicités pour faire des conférences. C’est le cas en particulier de Blair, de Clinton, et maintenant de Sarkozy. Pour le faire ces anciens chefs d’Etat sont payés à prix d’or et je suppose que les gens intéressés par ces conférences doivent payer cher pour les entendre. Si je comprends bien l’intérêt des conférenciers, celui des auditeurs m’échappe. Je n’ai  jamais assisté à un de ces shows (cela ne me viendrait pas à l’idée !), mais je ne vois pas ce que ces « has-been » pourraient avoir d’original à dire par rapport à leurs discours antérieurs que l’on subissait gratuitement. S’agit-il d’un phénomène de foire où l’on montre un ancien grand de ce monde ayant eu un rôle dans les évènements contemporains ? Espère-t-on des anecdotes croustillantes inédites avant que leurs mémoires ne soient publiés ?  S’agit-t-il pour une organisation de se glorifier de pouvoir aligner des conférenciers d’une grande notoriété ? Comme j’ai un peu de temps libre et le cerveau vacant, je m’interroge sur ce sujet mystérieux mais sans intérêt.

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    Dessin de Philippe Geluck


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  • Van-Gogh-gachet.jpgEn prolongement de l’article précédent voici, par ce billet, un petit coup d’œil sur le passé. Ce bref voyage dans l’histoire, par quelques exemples, n’est pas inutile puisqu’une partie de la population, soutenue par la démagogie des autorités, semble considérer que les médecins ne sont plus ce qu’ils étaient, et qu’ils font passer aujourd’hui leurs intérêts avant leur éthique.
    Pendant des siècles, il était convenu que les médecins devaient soigner les pauvres gratuitement et faire payer les riches bourgeois, car pour les aristocrates il fallait espérer leur générosité. Si celle des souverains était souvent grande, « Madame de Coislin soutenait qu'autrefois une personne comme il faut ne se serait jamais avisée de payer son médecin » (Chateaubriand) [1]  .
    Dans le passé certains praticiens eurent tendance à fertiliser largement leur altruisme.
    Les honoraires fabuleux que demandaient certains médecins de l'Antiquité sont parfois le principal motif de leur passage à la postérité, tel Asclépiade de Bithynie, le premier des grands médecins grecs venus s'installer à Rome au premier siècle avant notre ère.
    Un médecin de l'école de médecine de Salerne au XIIe siècle conseillait à ses étudiants une méthode peu orthodoxe pour récupérer des honoraires impayés : « Fais-lui prendre de l'alun à la place de sel dans sa nourriture, ce qui ne manquerait pas de le couvrir d'éruptions » [2]  
    Au XIVe siècle, John of Arderne, le père de la chirurgie anglaise, imagina de demander une certaine somme cash puis la même chaque année de survie du patient. L'inverse d'une rente viagère.
    Ferdinand Sauerbruch, pionnier de la chirurgie thoracique, inventa au début du XXe siècle une chambre pneumatique permettant d'ouvrir un thorax et d'opérer un poumon sans tuer le patient. Chirurgien le plus célèbre d'Europe, ses honoraires étaient pharamineux. A un parent qui lui demandait un rabais, il aurait répondu : « au-dessous de cette somme mes mains tremblent »
    Des cuillers à tirer les bébés et l'argent.
    On pouvait faire fortune en inventant un instrument dont on conservait le secret, ses avantages assurant la clientèle. Ce fût le cas pour les forceps, cuillers à extraire les bébés inventées par William Chamberlain ou son fils aîné Peter, huguenots émigrés de France en Angleterre en 1569. Pendant un siècle leurs descendants formèrent une dynastie d'accoucheurs qui délivrèrent, entre autres, les reines d'Angleterre, en gardant le secret de l'instrument par cupidité. Pour ce faire, ils isolaient la parturiente derrière des rideaux et œuvraient seuls pour que la sage-femme ne voit pas l'instrument et éviter qu'on ne vole leurs cuillers. Evidemment le secret finit par être éventé avant qu'on ne retrouve le forceps des Chamberlain, un temps perdu, dans sa boîte, et dans la maison de famille au début du XIXe siècle. Entre temps le forceps avait été également inventé par le Flamand Johannes Palfyn et par le Français André Levret.
    Retour vers le présent.
    Bien sûr, les sociétés du présent ne sont heureusement pas celles du passé. Les sociétés ont évolué de l’assistance privée très aléatoire, car soumise à la discrétion des individus, à une assistance publique où le médecin a perdu son pouvoir discrétionnaire, ce qui a contribué à lui faire perdre une partie de son prestige. Le savoir et le dévouement (quel que soit le métier) ont moins de prestige que le pouvoir de décider. Si le médecin a perdu de son prestige dans la société, il le récupère au lit du malade où son pouvoir décisionnaire est nécessaire, le fameux « pouvoir médical » qui heurte les bonnes âmes égalitaires mais incompétentes. D’où les mesures et la terminologie qui visent depuis au moins une décennie à le combattre : consentement éclairé, source d’angoisse pour le patient et de protection médico-légale pour le médecin, participation du malade en tant que « partenaire » à la décision médicale, partenariat illusoire en raison de l’asymétrie des partenaires. Tout une série de faux semblants car en dernière analyse c’est au médecin - s’il est digne de l’être - de proposer la solution qui lui parait la meilleure (lorsqu’elle existe) pour son patient et celui-ci a comme seule liberté celle de la refuser, liberté qu’il a toujours eue dans le passé comme dans le présent.
     
    Vincent Van Gogh : « Portrait du Dr Gachet »

    [1]  Mémoires d'outre-tombe
    [2]   Cité par Kenneth Walker, Histoire de la médecine

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  • « L'altruisme humain qui n'est pas égoïste est stérile » (Paul Valéry).

    Avant d’aborder les problèmes de fond (et difficiles à résoudre), la ministre de la santé, Marisol Touraine, a considéré comme prioritaire de s’attaquer aux dépassements d’honoraires (promesse électorale) permis par le secteur 2. Ce secteur 2 avait été instauré par Raymond Barre préférant, plutôt que de revaloriser les honoraires de tous les médecins, permettre à ceux qui le choisiraient de pouvoir prendre un tarif au-delà de celui fixé par la convention avec l’assurance maladie, mais en perdant quelques avantages par rapport à ceux qui restaient dans le secteur 1 (dans lequel le tarif conventionnel est respecté, la majorité). Comme je l’ai dit ailleurs, je pense que cette manœuvre faite en premier est maladroite.

     

    D’abord, parce que les dépassements excessifs, qui n’ont aucune justification, ne concernent qu’une petite minorité de patriciens, et il faut ajouter que certains patients sont impressionnés par le montant des honoraires, alors que c'est le plus souvent un piège. La qualité d'un praticien n'est aucunement proportionnelle aux honoraires exigés. D'autres sont capables aujourd'hui de rendre le même service sans gonfler de façon indécente les leurs. Le dépassement d'honoraires nécessite la complicité du patient, souvent fortuné, qui oublie qu'aucun médecin, aucun chirurgien, ne possède de remède miracle ou un savoir-faire que d'autres ne possèdent pas.

     

    Qu’ensuite, en faire une priorité sent la démagogie en suggérant à la population qu’en ce temps de crise, les médecins font passer leurs intérêts avant leur éthique, et en montrant que la gauche a le souci de s’attaquer à ce qu’elle considère comme des privilèges rendant l’accès aux soins inégalitaire.

     

    Enfin, cette mesure, dont l’intérêt est finalement limité, a eu comme conséquence une révolte de beaucoup de médecins qui en ont assez d’être ainsi montré du doigt, alors que si une partie d’entre eux prend des honoraires libres, car leurs actes n’ont pas été revalorisés depuis des années,  d’autres se paupérisent malgré des semaines de 60 heures et subissent une pression administrative qui leur devient intolérable, ce qui les conduit à quitter la médecine libérale. Commencer par se mettre à dos une bonne partie du corps médical  pour pratiquement rien n’était pas très habile.

     

    En ce moment, des médecins et des chirurgiens du secteur 2 (honoraires libres) s’expriment dans les médias, et l’ont fait notamment dans « Rue 89 », déclarations suivies de commentaires peu amènes que j’ai eu la curiosité de lire. J’ai relevé trois réactions du public qui reviennent régulièrement:

     

    D’abord une erreur malhonnête et présente partout, y compris dans les médias, au point de se demander si elle n’est pas volontaire : les médecins n’ont rien à dire car ils sont payés par la sécurité sociale. C’est évidemment faux, les médecins sont payés directement par les patients et ceux-ci ont l’obligation de prendre une assurance, l’assurance maladie (complétée ou non par une mutuelle), pour laquelle ils cotisent ainsi que leurs patrons, et qui leur rembourse totalement ou partiellement les frais engagés. Exception faite pour les patients bénéficiant de la CMU en raison de leurs faibles revenus où la sécurité sociale règle (avec retard et parfois après réclamation) au médecin les honoraires dus. Situation similaire à celle d’une assurance auto où la compagnie, à laquelle vous versez une prime annuelle, vous rembourse en cas ne nécessité les frais de réparation de votre automobile.

     

    Ensuite, l’expression d’un sentiment très humain, celui de l’envie : ces médecins gagnent finalement bien leur vie, en tout cas ils gagnent plus que moi, alors de quoi se plaignent-ils quand il existe tant de pauvres ? Imparable. Il est dommage qu’ils ne crèvent pas de faim.

     

    Enfin, la critique éthique. Le serment d’Hippocrate revient à la pelle : quoi que l’on vous fasse vous devez respecter ce serment et vous taire. L'essentiel de cet engagement est toujours respecté par les médecins, mais je me permets de rappeler que ce fameux serment, que l’on prête surtout par tradition,  date d’environ 2500 ans, donc bien avant l’instauration de la sécurité sociale et que depuis la société a un peu changé. Les commentateurs, très hippocratiques, ne manquent pas de rappeler que les médecins se doivent de soigner gratuitement les indigents. Il fut, en effet, une époque où le médecin  ne faisant pas payer les pauvres, se rattrapait sur les riches, une manière de redistribution, qui est à présent confiée à l’Etat. Même aujourd’hui, je pense qu’aucun médecin ne refuserait de donner ses soins à quelqu’un n’étant pas pris en charge par la société et dans l’incapacité de payer.

     

    Ce serment d’Hippocrate me rappelle un souvenir. Dans ma jeunesse j'ai eu l'occasion de remplacer un de mes patrons hospitaliers qui n’était pas conventionné. Appelé par un médecin généraliste auprès d’une patiente qui vivait sous les toits dans une espèce de grenier, et que j’ai trouvé couchée sur un grabat, après ma consultation, en voyant l’environnement, je n’ai réclamé aucun honoraire. En descendant les escaliers, j’étais plutôt fier d’avoir respecté le serment d’Hippocrate, mais le médecin généraliste qui m’accompagnait me fit remarquer que j’avais eu tort de ne pas prendre d’honoraires, car cette patiente, bien que vivant sous les toits, était en fait très riche. Je m’étais rendu ridicule.


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  • Une cause nationale attractive.

    A la suite de la déclaration de François Hollande décrétant que la sécurité des juifs de France devait être une « cause nationale » lors de l’hommage rendu aux trois enfants juifs et au rabbin abattus par Mohamed Merah en mars dernier, Abdallah Zekri, président de l’observatoire contre l’islamophobie (à noter que le paysage français est truffé d’observatoires) a déclaré à la sortie d’un entretien avec Jean-Marc Ayrault : "Vu la montée des actes islamophobes et le racisme anti-musulman, nous souhaitons une déclaration solennelle du président de la République, qu'il associe également les musulmans français à cette cause nationale". Le fait saillant ayant été l'occupation de la mosquée de Poitiers (en construction) par des militants du mouvement d'extrême droite « Génération identitaire ». Manifestation que l’on peut réprouver mais qui se voulait surtout symbolique, en sachant que le symbole peut mener plus loin.

    Du haut de son observatoire, Mr Zekri a sûrement remarqué, qu’en  France, ce sont des musulmans qui agressent des juifs jusqu’au meurtre et peut-être pourrait-il participer à la « cause nationale » en tentant de calmer la partie hystérique de ses  coreligionnaires.

     

    Antisémitisme et islamophobie.

    L’antisémitisme n’a pas attendu le conflit israélo-palestinien pour exister depuis deux mille ans, maladie qui tient du complexe d’Œdipe pour les deux monothéismes auxquels le judaïsme a donné naissance, maladie du complot et paranoïa pour les autres. N’en déplaise à l’extrême gauche, qui ne voit que d’un œil, en dehors de la xénophobie, il existe des causes objectives à l’islamophobie : importation d’une culture qui se heurte par ses différences à la culture européenne, rejet de la France par une frange des descendants d’immigrés qui retourne à leurs racines tout en restant dans l’hexagone, dont certains font, sans réticence, un héros d’un meurtrier et dont un petit nombre s’organise en cellules terroristes, existence d’un intégrisme qui ne cache pas sa volonté prosélyte, véhiculé avec violence par des imams d’importation, intégrisme dont on voit l’application peu reluisante sous d’autres cieux et que l’on aimerait voir désapprouvé avec plus de force et sans ambiguïté par la majorité qui n’adhère pas à cet extrémisme, comme le font courageusement quelques rares imams dont celui de Drancy (Hassen Chalghoumi).

     

    « Le racisme anti-musulman ».

    J’ai relevé dans la déclaration de Mr Zekri : « le racisme anti-musulman ». Cette formule implique déjà la confusion désormais habituelle entre un groupe humain et une religion. Et comment une hostilité à une religion peut-elle être un racisme ? Le racisme concerne des êtres humains (que l’on considère comme inférieurs) et non pas leurs croyances. On a tout fait le droit d’être réservé sur des croyances lorsqu’elles sortent de la sphère privée pour s’imposer dans l’espace public jusqu’à devenir meurtrières, sans pour autant considérer que ceux qui les pratiquent sont inférieurs en quoi que ce soit et sans faire obstacle à la liberté de les pratiquer paisiblement dans la sphère privée et dans le cadre légal. Il semble que Mr Zekri se lance dans une concurrence victimiste et quoi de plus efficace que de se dire victime d’un racisme.


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  • D’après Kevin Dutton, psychologue et chercheur au Faraday Institute for Science and Religion (qui, entre nous, est un mariage contre nature), un psychopathe serait « un être humain égocentrique, impulsif, mais aussi sûr de lui, charmeur et manipulateur avec une absence d’empathie et du sentiment de peur ».[1]

    La définition est assez large pour inclure une bonne partie de la population et ce chercheur a pu établir la liste des 10 professions où l’on compte le plus de psychopathes et celle des 10 métiers où on en compte le moins.

    Soyez rassurés avec les aides à domicile, les infirmières, les thérapeutes, les artisans les esthéticiennes, les employés dans une ONG, les enseignants, les médecins (ouf !) et les comptables. D’après le Pr Dutton, ces métiers impliqueraient des sentiments dans le contact humain et c’est dans ceux-ci que l’on trouverait le moins de psychopathes. J’ai un doute pour les comptables qui devraient, en principe, laisser leurs sentiments de côté dans leur contact avec des  colonnes de chiffres dont l’humanité laisse à désirer, mais il est vrai qu’il est déconseillé dans leur profession d’être impulsifs et la peur de se tromper doit les tenailler.

    Méfiez-vous des chefs d’entreprise, des avocats, des figures médiatiques (TV, radio), des vendeurs, des chirurgiens, des journalistes, des policiers, du clergé, des chefs de cuisine et des fonctionnaires. C’est parmi eux que l’on trouve le plus de psychopathes dont un des caractères est un goût prononcé pour le pouvoir.

    On voit bien que pour réussir, un chef d’entreprise devrait avoir toutes les caractéristiques d’un psychopathe selon la définition précédente. On pourrait en dire autant des figures médiatiques et des journalistes. Si l’avocat et le vendeur sont charmeurs et manipulateurs, leur manque d’empathie est peut-être discutable, à moins que leur métier leur impose de la simuler sans la ressentir. Si un chirurgien n’est pas forcément sûr de lui, il doit en donner l’impression à son patient…par empathie, mais il est certain qu’il doit prendre des décisions sans se laisser dominer par ses émotions. Ce qui n’est pas rassurant est que les policiers et les chefs de cuisine sont armés. J’avoue que le corps des fonctionnaires pris dans son ensemble me laisse perplexe, mais je n’ai guère de doute pour les hauts fonctionnaires, on ne monte pas haut sans se hisser sur les épaules des autres, au besoin en les écrasant un peu, et je suppose que les politiques ont été inclus dans ce groupe, mais ce n’est pas spécifié alors que le goût du pouvoir, l’égocentrisme, la confiance en soi et la manipulation sont pourtant des caractères que l’on retrouve chez la plupart des politiciens. Le Pr Dutton qui travaille dans un institut qui s’occupe de religion considère le clergé comme une profession à psychopathes. Si les cléricaux sont sûrs de posséder la vérité, et s’ils sont de grands manipulateurs devant l’Eternel pour l’imposer aux autres en utilisant charme,  hypocrisie, et menace du châtiment, il semblerait qu’ils n’aient pas les traits qu’on leur attribue volontiers : empathie, dévouement et sérénité. Voilà qui me déçoit.

    N’ayant pas lu le livre et n’étant ni psychiatre, ni psychologue, il serait outrecuidant de ma part d’émettre des réserves. Je me demande cependant si la définition de la psychopathie n’est pas trop large. Un caractériel n’est pas un psychopathe, car celui-ci a une atteinte mentale avec une conduite antisociale pouvant parfois aller jusqu’au meurtre. Peut-être que dans son livre l’auteur démontre-t-il  que les psychopathes authentiques se recrutent préférentiellement dans les professions qu’il considère comme prédisposées.



    [1] Son livre s’intitule : « The Wisdom of Psychopaths : what saints, spies, and serial killers can teach us about success ».


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