• L’idée du « consentement éclairé » n’est pas discutable, elle est terrifiante : « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui leur sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus ».[1]

    La Loi et le Code de déontologie obligent donc le médecin à obtenir le consentement « éclairé » du patient sans omettre aucune des complications possibles des examens nécessaires au diagnostic et du traitement proposé. Rassurant.

                                                                                    

    Le patient doit bien comprendre à quel point il est menacé

    Révéler le meilleur est un plaisir, révéler le pire est devenu légal. Mis au rang de tout prestataire de service depuis 1997 [2], non seulement le médecin doit dire la vérité, mais il doit aussi prouver qu’il l’a dite et que son patient l’a bien comprise ( !? )[3]. La médecine est une des rares professions capables de prédire  un avenir possible, mais le praticien  s’interdisait auparavant, par humanité, de le révéler s’il était sombre. Le patient peut à présent exiger de le connaître. Il aura l’avantage de vivre pleinement sa maladie avec angoisse, dans la crainte des aléas thérapeutiques, des échecs et des complications possibles de toute intervention ou examen, y compris des plus improbables.« L’usager du système de santé » a le droit, depuis 2002, de souffrir davantage ou de refuser des soins vitaux par crainte de leurs risques annoncés. Rassurant.

                                                                                     

    Plus le patient est éclairé, plus il s’assombrit

    Pour respecter la loi et se mette à l’abri de revendications et procès, le médecin, l’anesthésiste, le chirurgien, l’accoucheur, vont demander au patient de parapher la liste des incidents et catastrophes qui peuvent éventuellement l’atteindre : « la notion, malheureuse et en tout cas trop ambiguë, d’information approximative n’est plus de mise aujourd’hui : c’est une information totale qui est imposée…l’information totale est la règle, le silence ou la dissimulation est l’exception. » « Après tout chacun est libre de préférer un risque zéro plutôt qu’affronter un risque, même marginal, mais bien réel et grave. »[4]. L’ennui est que lorsqu’un malade refuse un examen essentiel ou un traitement dangereux mais salvateur, le risque n’est pas zéro mais peut atteindre 100%. C’est ainsi qu’on informera une mélancolique au comble d’une angoisse insupportable et mortifère que les électrochocs qui doivent la soulager peuvent  la tuer, qu’on avertira  un quasi aveugle que l’opération de la cataracte qui doit lui redonner une vue normale peut le rendre complètement aveugle, que la coloscopie nécessaire au dépistage d’un cancer peut provoquer une péritonite par perforation à opérer dans l’urgence, que toute anesthésie, même courte et pour une opération bénigne, peut entraîner un coma, une infirmité ou la mort. Tout acte médical comporte un risque. On ne s’étonnera pas dans ces conditions que plus le patient est éclairé, plus il s’assombrit.

                                                                                    

    Doit-on toujours révéler ce que l’on croit savoir ?

    Henri de Mondeville, le grand chirurgien du XIVe siècle, faisait remarquer que « Depuis la plus ancienne antiquité les gens ont considéré les chirurgiens comme … des filous de la pire espèce ». Cette mauvaise réputation s’est atténuée à la Renaissance mais les chirurgiens ont gardé jusqu’il y a peu avec les dentistes  celle léguée par leurs ancêtres barbiers et arracheurs de dents d’être d’invétérés menteurs. Et comment ne pas mentir lorsque, avant l’anesthésie et l’asepsie, la moindre opération provoquait une atroce douleur et faisait courir un risque mortel. Naguère il était admis par tous qu’il fallait adoucir la réalité, minimiser les risques, rassurer le malade. Le mensonge était donc généralisé, parfois pour de mauvaises raisons : ignorance, impuissance, mépris.

     Avec les progrès médicaux, la diffusion des connaissances, le mensonge recule et il a le plus souvent aucune raison d’être, mais si le mensonge a eu ses excès, la vérité systématique a les siens. De nos jours le chirurgien est soumis, peut-être encore plus que tout autre, à « l’éthique de la vérité ». Mais toute opération, même la plus simple peut se compliquer. La chose étant dite et connue de tous, ce n’est pas une raison quand, dans les suites d’une intervention chirurgicale, une complication menace ou survient, pour affoler l’opéré et le plonger dans un abîme d’angoisse par un excès d’explications et de prévisions désastreuses. Ce n’est pas une raison pour agrémenter la prescription d’un médicament ou d’un examen de tous leurs effets secondaires possibles dont la plupart sont rarissimes. Ce n’est pas une raison de révéler toujours ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir sur l’avenir de son prochain.


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora.

    [1] Article L1111-2 de la loi du 4 mars 2002

    [2] Arrêt Hédreul de la Cour de Cassation

    [3] D’après une enquête de Murphy SM et coll (Br. J. Surgery 2004), sur 350 malades ayant été opérés en urgence par laparoscopie, près du tiers n’avaient pas vraiment compris ce qu’on leur avait fait, alors que la plupart (9/10) s’estimaient satisfaits des informations fournies par l’équipe soignante.

    [4] Pierre Sargos, conseiller à la Cour de Cassation


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  • APPÂTS

     

    Le pont de Galata fait le grand écart sur la Corne d’Or

    Au-dessus des arches farcis de restaurants de poissons

    Des centaines de pêcheurs debout aux deux bords

    Alignés comme des pelotons d’exécution

     

    Cela fait si longtemps, poisson

    Que tu te laisses prendre bêtement

    A l’appât sur l’hameçon

    N’as-tu rien appris depuis tout ce temps ?

     

    Et le poisson est resté muet

    En filant dans les eaux de la Corne d’Or

    Autour des appâts qui flottaient

    En lui promettant la mort

     

    Et toi l’homme si fier et si niais

    N’as-tu rien appris depuis tout ce temps ?

    Pourquoi cèdes-tu encore

    Aux mêmes appâts depuis si longtemps

    En avalant les hameçons d’or

    Que tu recracheras en mourant



    Paul Obraska


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  • Il y a une chose difficile à saisir. Il passe et repasse, vous évite, passe au-dessus de vous ou à droite ou à gauche. Il vous tourne le dos, il est ailleurs, à l’intérieur. Il disparait. Vous croyez le saisir lorsqu’il réapparait. Peine perdue.

    Alors vous vous levez, prêt à partir et alors, miracle ! Vous le saisissez : le regard du serveur qui jusqu’à ce moment précis fuyait le vôtre, un regard soupçonneux qui se fixe enfin sur vous.

     

    Difficile à saisir que le ministère de la Santé demande au président de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris de supprimer 700 postes (dont médecins et infirmières) alors que dans le même temps le commissaire à la Diversité lui demande d’accueillir 5000 apprentis (pour faire quoi ?) dans le but de favoriser l’insertion des « jeunes de banlieues » [1]

     

    Vous me direz il n’y a aucun rapport entre les deux. A première vue, je vous l’accorde. Mais à seconde vue ?  L’attitude des pouvoirs publics ne ressemble-t-elle pas à celle du serveur ? Et ne comprennent-t-ils pas les choses que lorsqu’on se lève ?



    [1] le Point du 23 avril  2009


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  • VACUITE

     

    Dans le jardin j’ai trouvé,

    Derrière un buisson,

    Un toit sans maison

    Hérissé de cheminées.

     

    Sans fenêtre, j’ai trouvé des barreaux sciés

    Et dissimulée sous un arbrisseau,

    J’ai trouvé une échelle sans barreaux.

    Un évadé s’était sans doute  échappé

    De l’absence inquiétante de prison.

     

    L’évadé évanescent était peut-être dans le buisson.

    En soulevant une feuille morte, je l’ai trouvé.

    Il s’est levé sans jambes pour me barrer le chemin,

    Le couteau magique de Lichtenberg à la main.

     

    Sur son visage sans yeux coulait une larme,

    Dans ma poitrine creuse il a planté l’arme blanche :

    Le « couteau sans lame auquel manque le manche »

    Mais je n’ai pas voulu rendre l’âme ;

    Un si beau cadeau, on ne le rend pas.

     

    Bien que sans destin, j’ai eu de la chance.

    Il me l’avait planté dans le cœur par négligence,

    Sans me faire ainsi passer de vie à trépas ;

    On ne plante pas bêtement l’absence de couteau

    Dans le cœur d’un homme qui n’en a pas.

     

    L’évadé dépité est parti penaud,

    Après avoir replié la lame absente

    Dans le manche manquant du couteau.

     

    Il a repris l’échelle sans barreaux et sans joie,

    Pour entrer par une fenêtre inexistante

    Dans une maison dont il ne reste que le toit.

     

     

    Paul Obraska

     


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  • Curieux ce terme d'enfants naturels, il implique que les enfants légitimes seraient artificiels. Les gens du Moyen-âge qui l'avaient créé ne se doutaient pas que l'avenir allait leur donner raison, puisque seuls les couples légitimes recourent aux moyens artificiels de procréation, au choix du fœtus et à la gestation in vitro.

    Dans la région de Boston, du fait de la crise de plus en plus d’hommes et de femmes cherchent à arrondir leurs fins de mois auprès des centres de fécondation assistée. Les offres de dons d’ovules ont augmenté de 25 à 100 % par rapport à l’année dernière et le même phénomène s’observe depuis six mois dans les banques de sperme de Nouvelle-Angleterre. “Manifestement, la situation économique pousse les gens à chercher d’autres sources de revenus”, explique le directeur d’un centre qui recrute des donneuses d’ovules et des mères porteuses et compte deux fois plus de candidates que l’an dernier. Les donneuses retenues par l’agence perçoivent 10 000 dollars de dédommagement par don (tout est dans la sémantique car la vente d’ovules est illégale).

    Malheureusement, toujours en raison de la crise, si l’offre augmente, la demande diminue car il devient difficile d’agrandir sa famille, à tel point que le nombre de vasectomies pratiquées aux USA n’a jamais été aussi élevé. Un chirurgien de New York  déclare : “Nombre de mes clients travaillent dans la finance et ils redoutent les frais que représente un nouvel enfant.”[1] L’intervention de vasectomie ne dure que vingt minutes, coûte entre 500 et 1000 dollars, la tentative pour récupérer ses fonctions reproductrices dure cinq heures, échoue une fois sur deux et coûte des milliers de dollars.



    [1] Le « prix » en 2006 d’un enfant élevé jusqu’à l’âge de 17 ans dans une famille américaine moyenne aurait été évalué à 260000 dollars.

     


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  • Il est navrant de constater que personne ne plaint les banquiers menacés de « burn out » en raison de la crise économique. Cette injustice vient d’être réparée puisqu’une agence de voyage basée à Zurich propose maintenant des voyages sur mesure à ces victimes de la crise.

    Peut-être que ces banquiers ont-ils été traumatisés par des offres parus sur des sites internet en Espagne comme : « Je vends mon rein contre 120 000 euros ou bien un de mes poumons en échange de la prise en charge de mon crédit immobilier… » ou « Homme de 29 ans, en parfait état de santé, résidant à Gijon, non fumeur, vend pour 150 000 euros un de ses reins » ou encore « Je vends mon rein par nécessité. Je suis en bonne santé » (prix à débattre ?). Plus de trente annonces de ce type ont été dénombrées sur treize sites différents. Compte tenu de la législation espagnole et de l’efficacité de son agence de transplantation, ces offres visent surtout les trafiquants étrangers.

    Nous souhaitons bon voyage aux dirigeants des banques dont les parachutes se mettent en torche.


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  • Après le droit d’être mère quelles que soient les manipulations nécessaires pour l’être, après le droit d’être mère en étant grand- mère, voici qu’apparait le droit d’être grand-mère. L’Américaine Missy Evans âgée de 42 ans aspirait à éprouver les joies d’être grand-mère, malheureusement son fils est mort à l’âge de 21 ans. La justice américaine vient de lui donner l’autorisation de recueillir et conserver le sperme de son fils. Pour réaliser le prélèvement, elle a  également autorisé que le corps soit conservé à une température d’au moins 39,2 degrés.

    Missy Evans est à la recherche d’une mère porteuse qui lui permettrait d’être un jour la grand-mère d’un petit-enfant qui n’aura ni père, ni mère.


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  • Vincent Van Gogh " Terrasse du café sur la place du forum"

    BIERE AMERE

    Il marchait depuis le matin
    mais il hésitait à s'asseoir
    Il ne lui restait presque rien
    mais il avait besoin de boire
    attiré par cette flaque de lumière
    au milieu de la nuit étoilée
    Il avait erré la journée entière
    sans trouver à s'embaucher

    Il ne souhaitait plus qu’une bière
    Assis il regarda les gens passer
    Des gens qui se promenaient
    en gouttant la douceur du soir
    Ils avaient travaillé la journée
    et savaient à quoi ils servaient
    Lui n'avait plus grand espoir
    à nouveau de travailler

    Il resta longtemps à la terrasse du café
    en buvant lentement la bière amère
    Il n’avait pas assez pour régler
    De ce jour il entrait dans la misère
    Encore solide il était bon à jeter
    Alors il se jeta le reste de bière
    et puisqu'en marge de la société
    il sortit de la flaque de lumière
    et entra dans la nuit sans payer

     

    Paul Obraska


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  • Le Pôle emploi est né de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. Un nouvel organisme se doit d’avoir un logo sans lequel il n’a aucune personnalité. Ce logo, dont le "Canard Enchaîné" a parlé il y a quelques temps, vous pouvez l’admirer ci-contre. On ne peut que s’extasier : il est simple, sobre et dépouillé : un e dans rond avec ambiance tricolore.

    En fait, l’agence qui a créé cette merveille n’a pas été très sobre et c’est nous qui sommes dépouillés, car il a coûté la bagatelle de…500000 €. C'est-à-dire près de 35 ans de SMIC et plus 20000 consultations médicales et il est difficile de calculer le nombre de chômeurs que cette fortune aurait pu aider.

    Les « responsables » du « Pôle emploi » ont eu cette réponse naïve lorsqu’ils ont été interrogés : « C’est vrai, c’est cher, la prochaine fois on fera plus attention ». Parce qu’il y aura une prochaine fois ?

    Après tout ce n’est qu’une goutte dans l’océan de la dette publique.


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  • Marcel Duchamp : "Portrait de joueurs d'échecs"

    Le médecin et son malade sont devenus des partenaires. C’est une idée apparue ces dernières années en réaction au paternalisme qui dominait, souvent de façon excessive, les relations entre le médecin et son patient. Mais c’est une idée théorique, comme donner un titre sans le pouvoir qui va avec.

     

    Des partenaires qui ne jouent pas au même jeu.

    L’un d’eux joue la partie avec un handicap et avec des règles différentes. L’un ne risque rien (sauf erreur flagrante), l’autre risque tout. L’un connaît plus ou moins l’avenir de l’autre et l’autre s’effraie de cet avenir qu’on lui révèle parfois sans ménagement. L’un n’est pas diminué par une maladie évidente (ou alors il le cache bien) et l’autre l’est. L’un actif, interroge, examine et l’autre passif, répond et est examiné.  L’un propose des traitements et l’autre, confiant, les accepte. Il n’y a pas de difficulté à reconnaître entre ces deux partenaires celui qui est le médecin et celui qui est le malade. Quant à l’échange entre les deux, elle n’est pas de même nature : les honoraires pour le médecin n’ont pas pour lui la même importance que l’acte médical pour le malade.

    L’absence d’égalité entre les deux partenaires heurte les bonnes âmes et fait hurler au « pouvoir médical », mais c’est un fait, comme l’asymétrie entre un client s’adressant à un professionnel pour lui venir en aide, qu’il s’agisse d’un avocat, d’un garagiste ou d’un plombier. Il serait évidemment plus juste qu’un malade ne soit traité que par un médecin atteint de la même maladie. Mais là encore le médecin ne peut se mettre nu comme son patient sans créer d’équivoque.

                                                                                    

    De l’inconvénient d’être son propre médecin

    Ceux qui protestent aimeraient être leur propre médecin et ne dépendre que d’eux-mêmes. Nous pouvons dire sans nous tromper qu’il est préférable que ce vœu ne soit pas exaucé. Il ne faut pas souhaiter aux malades d’être soignés comme les médecins se soignent et de vivre leur maladie comme ils la vivent.

                                                                                      

    Une curieuse négociation

    « Le politiquement correct » ayant établi la notion de partenariat, est apparue celle de négociation pour la détermination des soins. Pour ma part, je ne vois pas en quoi la relation entre un médecin et son malade peut être une négociation. Le médecin propose des traitements que le patient est libre de refuser et s’il accepte l’un d’entre eux après avoir été convaincu, il n’a fait aucune concession. On pourrait alors dire dans ce cas qu’un syndicat fait une concession lorsqu’il accepte une augmentation de salaire pour ceux qu’il défend. Quand le malade accepte d’être traité, le médecin en est heureux mais n’en tire aucun avantage pour sa propre santé. Le médecin n’a de toute façon aucune concession à faire. Cette « négociation » ne le concerne pas directement. Il ne va partager ni la maladie ni le traitement avec son malade et il ne va pas l’abandonner s’il ne se traite pas, ou alors on passe de la « négociation » au chantage et à la menace. Ce que personne ne préconise même dans l’intérêt du malade.


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