• PARIS GRELOTTE

     


    Entre les fêtes, Paris grelotte.

    Comme un glaçon, le Soleil flotte

    Et fond dans un ciel bleu banquise.

    Les nez coulent sous la bise.

     


    La lumière évite la Madeleine noire,

    Elle glisse au ras des trottoirs

    Et s’amuse à offrir aux passants

    Des ombres étirées de géants.

     


    Les promeneurs entrent se réchauffer

    Les joues rouges et la goutte au nez

    Dans les salles obscures devant des images

    De pays chauds où les gens sont en nage.



     Les pigeons, le gros dos, pelotonnés

    Sur les branches noires et dépouillées,

    Boules de plumes attendant en silence

    Que l’hiver ait un peu de clémence.



     

    Le jour se couche tôt et fait grasse matinée. 
    Celui qui dormait sous le nez des banquiers 

    N’est pas dans son lit qui semble abandonné.

    Sera-t-il là demain après une nuit glacée ?


    Paul Obraska

      

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  • Kandinsky "Bleu ciel"


    PETIT CONTE

     

    Par la cheminée il entendait des rires

    Un rire de gorge d'enfant aux éclats cristallins

    La cascade claire du rire de la mère

    Le rire retenu du père attendri

    Et par la cheminée de la chaumière

    Une fumée de joie montait jusqu'à lui

    La hotte vide à ses pieds

    Il écoutait en souriant assis sur le toit

    Pendant que les rennes éparpillés

    Broutaient la neige des nuages froids


    Paul Obraska


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  •  

    Depuis des millénaires la recherche du bonheur est l’objectif principal des hommes (et probablement des animaux non humains). A vrai dire, on ne recherche pas le bonheur : on le trouve et le plus souvent d’ailleurs après l’avoir perdu. Depuis longtemps philosophes et sages se sont penchés sur la question et beaucoup ont abouti aux conclusions suivantes : pour être heureux, il ne faut pas souffrir et pour ne pas souffrir il ne faut pas s’exposer aux souffrances et donc en faire le moins possible ou alors agir et accepter la souffrance qui ne dépend pas de nous en tirant une sérénité de cette maîtrise.

    Après les penseurs, sociologues, psychologues, psychiatres, neurologues et scientifiques ont abordé cette question irritante et tenté de préciser les paramètres du bonheur. En voici une vision médico-sociale :

    La moitié de notre aptitude au bonheur serait innée, liée à notre programmation génétique, c’est en tout cas ce qu’affirme le généticien David Lykken après avoir étudié des jumeaux monozygotes ayant évolué dans des milieux très différents. Sans doute en partie par l’intermédiaire de la chimie du cerveau : sécrétion de dopamine en cas d’accomplissement personnel, d’opioïdes en cas de sensation agréable, de sérotonine pour l’humeur (sécrétion favorisée par la consommation de produits sucrés). C’est non la sécrétion mais la quantité secrétée qui importe dans l’éclosion du bonheur (je pense que certaines béatitudes laissent penser qu'il existe un risque d'over dose).

    Les évènements extérieurs ne joueraient que pour 10%. La guerre et les catastrophes ne sont pas incluses dans ces évènements.

     

    Restent 40% qui dépendent plus ou moins de nous et dans lesquels on peut mettre les ingrédients suivants :

    L’argent. C’est en tout cas le résultat d’un sondage CSA pour la moitié des Français, alors que la santé domine pour seulement un tiers d’entre eux. Il y a donc un secret pour profiter de son argent dans la tombe ?

    Vivre en couple (mais l’amour ne semble pas avoir été pris en compte). Les divorcés ont quatre fois plus de risque d’avoir un épisode dépressif, selon une étude québécoise. J’ignore si l’on a retiré les femmes battues de la statistique.

    Participer à des associations. Peut-être pour comparer et trouver des gens plus malheureux que soi.

    La méditation serait un facteur favorable au bonheur (en se basant sur l’imagerie du cerveau), mais ce n’est pas donné à tout le monde (surtout pour dépister le bonheur sur l’IRM).

    Surmonter un malheur augmenterait l’aptitude au bonheur et à l’ouverture aux autres (Cyrulnik). C’est un moyen qu’il n’est pas conseillé de provoquer.

    Attraper le bonheur par contagion en côtoyant des gens heureux et la contamination pourrait durer un an. Selon une étude récente, chaque ami heureux augmenterait de 9% la probabilité de le devenir, alors que des amis ronchons diminueraient l’aptitude au bonheur de 7%.

     

    Nous entrons dans le domaine envié des mathématiques et des psychologues britanniques n’ont pas hésité à établir une formule mathématique du bonheur après l’interrogatoire d’un millier de personnes, la voici :

    Le bonheur = P + 5E + 3H

    P = caractéristiques personnels

    E = santé, capacité financière, amitié

    H = estime de soi, ambition, sens de l’humour

    Alors heureux ?


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  • Les visiteurs qui viennent sur ce blog savent que devant un tableau qui se suffit à lui-même, j’ai une fâcheuse tendance à mettre mon grain de sel en ajoutant un texte qui tente de traduire ce qu’il me suggère ou m’inspire.

    Ils me pardonneront peut-être après avoir rapporté ici les commentaires de deux médecins[1] sur un tableau de Peter Paul Rubens peint vers 1637 : « Helena Fourment à la fourrure ». Le peintre avait épousé cette jeune femme en secondes noces alors qu’elle n’avait qu’une quinzaine d’années, sur le tableau elle en avait vingt deux et trois maternités derrière elle.

    Rubens peint sa femme, dont il aurait été très épris, telle qu’elle est, sans fard, ce qui donne à nos deux médecins l’occasion d’étudier cette belle personne d’un point de vue médical près de quatre siècles après.

    Les seins leur paraissent asymétriques, sans doute en raison de l’allaitement d’un enfant né peu auparavant. Les jambes surtout attirent leur regard : la peau est relâchée, il semble exister une dilatation de la veine saphène interne gauche marquée par une ombre en relief sur la face interne de la cuisse et la coloration jaune rosée des chevilles et plus sombre au niveau des mollets pourrait être liée à une modification de la peau (dermite ocre) parfois observée après une phlébite, complication possible d’une grossesse.

    Reste à signaler l’hallux valgus (bosse à la racine du gros orteil droit) un peu inhabituel chez une femme aussi jeune.

    Je pense qu’après cela, je pourrais me livrer sans remords à mes digressions.

     

    [1] Abastado P et Chemla . : A portrait of a female body : Rubens and Helena’s legs. Medical Humanities 2008 – article rapporté par le Journal  International de Médecine.


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  • Jeu

    Assis dans le métro (ça arrive), j’ai été fasciné par un homme trentenaire assis à côté de moi. Pendant tout le trajet, les écouteurs aux oreilles (le son étant suffisamment fort pour que je puisse saisir un grésillement rythmé malgré le bruit), il n’a pas cessé de jouer sur son téléphone portable à un jeu mystérieux qui consistait à suivre une ligne colorée parmi d’autres lignes colorées (les amateurs doivent connaître le nom de ce jeu subtil). Comme j’ai l’esprit mal tourné, je me suis demandé si cet adulte pris par ce jeu absorbant et abreuvé par les oreilles, ne faisait pas partie de ces hommes qui abandonnent femme et enfant(s) pour vivre leur vie qui consiste pour une bonne part à jouer à des jeux enfantins sur leur téléphone ou sur leur ordinateur. Je me rends compte que j’ai non seulement l’esprit mal tourné mais également rétrograde : le jeu est la façon la plus simple d’échapper à la réalité et ne faut-il pas rester enfant ? Les générations nouvelles ont trouvé le secret pour le rester et les fabricants de ces jeux celui de les maintenir dans la période bénie (pas tant que ça) de l’enfance.


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    ESCAPADES XVI 
    Félix Vallotton « Femmes nues jouant aux dames »

      

    JEU DE DAMES

     

    Des dames nues sur le plancher

    Sont penchées sur le damier

    La blonde repliée sur ses pieds

    La brune les jambes écartées

    Jeu de dames par femmes nues

    Pourquoi y jouer ainsi dévêtues?

    Dans leur simple appareil dévoilé

    Elles font la belle sur le plancher

    La blonde pliée s’apprête à jouer

    Elle hésite sur le pion à pousser

    La brune les fesses au plancher

    Ne quitte pas des yeux le damier

    Elle espère gagner cette belle

    L’unique toilette sera pour elle

    Elle fera dame une fois vêtue

    Quand la blonde sera vaincue

    Maquillée et dans sa belle tenue

    Elle jouera aux dames dans la rue

    Avec une seule parure pour deux

    Les dames nues l’ont mise en jeu

    Entre dames on peut être nues

    Prendre des poses incongrues

    Mais pour affriander le quidam

    Il faut gagner au jeu des dames

    Bien soigner l’allure et le plumage

    Attirer les regards à son passage

    Jouer la belle tout en rougissant

    Et se mettre nue au bon moment

    Paul Obraska


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    Parole de connaisseur

     

    "C'est quand la mer se retire que l'on voit que les gens sont nus" (Warren Buffett, financier)


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  • « L’obsession des remèdes marque la fin d’une civilisation » disait Cioran. L’obsession des remèdes est de tous les temps et ce, quelle que soit la teneur des remèdes

    Potions amères

    Au Moyen Age on croyait aux vertus curatives de drogues prétendument faites avec des animaux extraordinaires, dragon, licorne, phénix. On utilise toujours la poudre d’os fossile de mammouth, pris longtemps pour des restes de dragon, en Chine, où l’animal est sympathique et bénéfique.  « Le dragon a le pouvoir de prendre de nombreuses formes, mais celles-ci sont impénétrables… Ses os, ses dents et sa salive possèdent des vertus médicinales….ses yeux, séchés et  battus dans du miel, forment un liniment efficace contre les cauchemars. », mais «  Le temps a considérablement émoussé le prestige des dragons »[1].  

    Voici quelques médications de la pharmacopée officielle au XVIIe siècle : yeux de crabe, plumes de perdrix, araignées vivantes enrobées de beurre, œufs de fourmi, excréments de chien et même de la poudre de momie égyptienne ou de la lunea faite avec de la poudre d’os de crâne humain…[2]

                                                                                                                                                                    

    Une guerre autour d’un remède

    La découverte du « vin émétique » à base d’antimoine, bénéfique dans certaines maladies digestives, a été attribuée à Basile Valentin,  bénédictin alchimiste d’Ehrfurth, au XVe siècle. Après l’avoir testé sur des porcs, ce bon moine l’essaya sur les frères dont il envoya quelques uns ad patres, d’où le nom. Mais il semble que le père Valentin n’ait jamais existé et que l’antimoine ait été amené plus tôt à Montpellier par les Arabes et utilisé en vertu du principe que puisque l ‘antimoine purifie l’or en alchimie, il doit bien en faire autant du corps. Quoi qu’il en soit ce fût le prétexte pendant une centaine d’années de disputes invraisemblables : « la guerre de l’antimoine ». Le doyen de la Faculté de Paris, Gui Patin parle de « forfanterie arabesque ». On publie des libelles : « L’Antimoine justifié », « L’Antimoine triomphant », « Le rabbat joye de l’Antimoine triomphant »[3] . Louis XIV ayant été guéri de troubles digestifs grâce à l’antimoine, le Parlement s’en mêle et l ‘autorise.



    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] Jorge Luis Borges (Le livre des êtres imaginaires, éd. Gallimard)

    [2] D’après K. Walker (Histoire de la Médecine)

    [3] Cités par J. Lévy-Valensi dans  Histoire générale de la Médecine…  sous la direction du Pr Laignel-Lavastine

     


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  • « Je ne peux pas vous laisser dire ça ». Et le politique, apparemment outré par les propos de son opposant, montre ainsi qu’il est prêt à combattre pour ses idées, qu’il va rétablir la vérité sans se laisser circonvenir par des manœuvres mensongères. C’est donc un copeau à double détente : on gonfle le torse de l’honnête homme et on rabaisse l’adversaire. Le huron qui a reçu un jour ce copeau en pleine figure a eu cette réponse : « Et comment comptez-vous m’en empêcher ? » (Pas mal, non ?).

     

    « C’est intolérable ». Par cette expression le politique se dédouane. Il montre son émotion et sa révolte alors qu’il est le plus souvent responsable de l’intolérable par son incapacité à prévenir ou à résoudre l’évènement qui le scandalise. L’expérience montre qu’il continuera à tolérer l’intolérable montrant ainsi sa résistance aux épreuves.

     

    « Nous avons fait le nécessaire » : jamais avant, parfois après. Quant au contenu du nécessaire, ce n’est en général pas suffisant. Ce copeau de la langue de bois est destiné à clore un débat embarrassant, sachant que sur le moment le nécessaire ne peut pas être vérifié.

     

    « Il faut être responsable ». Les premiers responsables sont les politiques. Combien d’entre eux ont eu à pâtir de leurs échecs à l’échelon national ? Car ils sont réélus pour leur efficacité à l’échelon local grandement facilitée par leur position nationale.

     

    « Je suis un homme (une femme) de conviction ». On ne sait pas laquelle, ce qui permet d’en changer. D’ailleurs il est préférable que le politique n’ait pas de convictions car si elles sont mauvaises et s’il cherche vraiment à les appliquer envers et contre tous, le pays risque d’aller au désastre. Il vaut mieux qu’il résolve les problèmes avec conviction que par conviction

     

    « Je serai candidat si on me le demande ». Le « on » étant indéterminé on peut s’y mettre soi-même

     

    « Nous n’avons aucun différent ». C’est le plus souvent le contraire, car comment deux personnes peuvent-elles être d’accord sur tout, à moins de n’avoir aucune idée personnelle (ce qui n’est pas exclu).

     

    « Il (elle) a tout mon soutien » est un copeau semblable. Les politiques réussissent l’exploit de soutenir quelqu’un en le poussant pour qu’il tombe.

     

    « Je fais confiance à la justice de mon pays ». Le politique prend ainsi la posture du bon citoyen respectueux des lois alors qu’il n’a pas cessé auparavant de les transgresser. D’ailleurs il va continuer à le faire en mettant tout en œuvre pour influencer la justice dans un sens favorable à ses intérêts, c’est en cela qu’il lui accorde sa confiance.


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  • Vincent Van Gogh « Vieil homme affligé »

     

     

    EVE EST PARTIE

     

    Eve est partie.

    Il craint la venue de la nuit.

    Le couvercle relevé sur le clavier

    Dévoile les touches mortes du piano

    Que personne ne fera plus vibrer.

    Les pétales s’écaillent sur le plancher,

    Plus personne n’apporte leur eau.

     

    Eve est partie.

    Il est échoué, assis le dos courbé,

    La tête dans ses mains devenues inutiles,

    Ressassant des pensées puériles,

    Comme un enfant abandonné.

     

    Eve est partie.

    Il reste incrédule, l’esprit à la dérive.

    Ses yeux humides refusent la clarté,

    Il les protège de la lumière trop vive,

    Ce soir la lune  dans l’obscurité,

    Posera sa pâleur sur son visage immobile.

     

    Dans sa tête les images du passé défilent.

    C’est impossible, mais Eve n’est plus là.

    Dans ce soudain silence, il reste assis.

    Malgré lui, il guette encore ses pas.

    A quoi bon se lever, puisqu’elle est partie.

     

     

    Paul Obraska

     


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