• La façon de paraître dépend évidemment de la mode qui conduit les gens à ressembler aux autres. Les jeunes, en particulier, veulent ressembler aux autres jeunes, tout en recherchant l'originalité. Mais les quelques individus qui lancent une mode qui n'existe pas encore sont par définition différents des autres. Pourquoi la particularité portée par ces quelques individus devient-elle la norme du moment ?

    Les modes qui modifient l'apparence portent en particulier sur la chevelure, partie du corps la plus malléable, à condition d'en avoir une. Pour les hommes, en dehors de la coupe passe-partout avec ou sans raie, le choix reste limité :

    - La coupe « en brosse » très en vogue après la deuxième guerre mondiale lors de la présence des troupes américaines en France est moins appréciée, trop militariste pour une jeunesse plutôt pacifiste et qui n'a plus de service militaire à accomplir.

    - La mode des cheveux longs persiste car elle donne à l'individu un air bohème du plus bel effet, un air jeune (ce qui explique que ce sont les hommes d'un certain âge, parfois chauve devant, qui affectionnent la queue de cheval, sans savoir peut-être que la mode lancée par le général anglais Cadogan remonte au XVIIIème) et somme toute c'est une avancée vers l'égalité des sexes.

    - Le crâne rasé a été popularisé par Barthez, le gardien de but de l'équipe de France. C'est une trouvaille pour les chauves. Quitte à être chauve autant l'être complètement et le crâne rasé donne un petit air de bagnard aventureux qui peut séduire, en attendant la mode des perruques pour homme qui mettait chauves et chevelus sur un pied d'égalité, mais elle n'a malheureusement pas l'air de vouloir revenir.

    - La chevelure sculptée par des crêtes fixées par de la colle, où les mèches folles restent insensibles au vent, donne à son propriétaire une tête de statue romaine après une bataille perdue contre les barbares.

    Quant à la chevelure des femmes, elle mérite un poème, d'autant plus que Dông Phong a eu l'amabilité de me transmettre une précieuse « Plume de poète » qu'il avait lui-même reçue de plusieurs blogueurs.


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  • Pierre Auguste Renoir "Jeune fille peignant ses cheveux"


    RIDEAU

     

    Que c'est beau

    Ces longs cheveux de femme défaits

    Qui tombent comme un rideau

    Sur un visage sans apprêt

     

    Qu'il est fier

    Ce mouvement de tête têtu

    Qui ramène les cheveux en arrière

    Et révèle le visage un instant disparu

     

    Dehors le vent joue au magicien

    Quand il tire un rideau ajouré

    Sur les beaux visages féminins

    Puis  le soulève sur leur clarté

     

    Et les hommes sont séduits par ce jeu

    De la tête, du vent et des cheveux

    Par le visage changeant de la féminité

    Un jour lumineuse le lendemain voilée


    Paul Obraska




    Pierre Auguste Renoir "Gabrielle avec la boîte à bijoux"


    BIJOUX

     

    Dans les cités fantômes ensevelis sous la terre

    On trouve comme des bouts de soleil dans la boue

    Enchâssés dans le sable comme des éclats de verre

    Les bijoux

     

    Ils ont appartenus à des beautés antiques

    Ces bracelets aux poignets et ces chaînes aux cous

    Des douces chairs fantômes ce sont les reliques

    Les bijoux

     

    Des femmes qui portaient ces boucles d'oreille

    Aussi intimes avec leur corps que des dessous

    De leur séduction il reste ces merveilles

    Les bijoux

     

    On se prend à rêver devant le métal ciselé

    A son dur éclat d'or sur des corps si doux

    Au parfum évanoui qui devait escorter

    Les bijoux

     

    Comme s'étonner que les femmes les aiment

    Que leurs yeux brillent devant l'éclat des cailloux

    Ils sont un peu d'elles-mêmes

    Les bijoux


    Paul Obraska


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  • Rembrandt "Descente de la croix"


    PESANTEUR

     

    Qu'il est lourd le corps

    Os, muscles et viscères

    Plongés froids dans la mort

    Le corps mort se laisse faire

     

    Tête oscillante, bras ballants

    Dépouille pâle abandonnée

    Pantin désarticulé brimbalant

    Porté par l'un et par l'autre tiré

     

    Que la mort est lourde à porter !

    Elle pèse sur chaque vivant

    Un poids que la mort emportera

     

    Alors les autres s'occuperont du trépas

    Et vous serez ce pantin brimbalant

    Ce poids mort dans leurs bras


    Paul Obraska 




    Rubens "La mise au tombeau" (détail)


    MORBIDE

     

    Les martyrs pour ne pas vivre la mort en vain,

    Ne doivent pas disparaître sans souffrir.

    Les saints rencontrent dans la mort leur destin,

    Pour exister, ils doivent d'abord mourir.

     

    Plus les chairs flagellées ruissèlent de sang,

    Plus les fidèles en garderont le souvenir.

    Les croyants clapotent dévotement

    Dans le sang des martyrs.

     

    Les fidèles dissèquent les agonies,

    Contemplent les dépouilles torturées,

    Les stigmates des chairs meurtries,

    Et les restes des corps déchiquetés.

     

    Adorateurs inlassables des sacrifiés,

    Collectionneurs de reliques mortuaires,

    Clouant sur les murs un supplicié cloué,

    Un gibet au cou et aux flancs une haire.

     

    Les spectacles sanglants ne sont pas gratuits,

    Pour le sacrifice que personne n'a demandé,

    Il sera exigé des fidèles un prix :

    La culpabilité.


    Paul Obraska 


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  • La souffrance des autres. 

    Ce n'est que depuis peu que la douleur est vraiment l'objet de l'attention des médecins qui ont enfin réalisé qu'elle constitue une maladie en soi. On s'interroge sur les raisons qui font que naguère elle était négligée, alors même que l'antalgique principal, l'opium, est connu depuis l'Antiquité et l'aspirine depuis le XIXe siècle. On punissait même ceux qui la calmaient : au Moyen Age, un barbier-chirurgien, Nicolas Bailly, fût accusé de sorcellerie pour avoir administré un narcotique puissant avant d'opérer un de ses patients. Et d'invoquer la douleur rédemptrice dans le Christianisme en citant José Maria Escriva de Balaguer, fondateur de l'Opus Dei : « Bénie soit la douleur ! Aimée soit la douleur ! Sanctifiée soit la douleur ! » . Et de rappeler la crainte de provoquer une toxicomanie[1], évidemment ridicule quand le patient est condamné à plus ou moins brève échéance. Et d'invoquer les stoïciens en faisant remarquer que les médecins eux-mêmes, à leur tour, souffrent et meurent des maladies qu'ils prétendent soulager. Mais les vraies raisons sont beaucoup plus simples : l'indifférence, la routine invétérée. : « Et la souffrance des autres on peut très bien y demeurer insensible. » (Mishima, Le Pavillon d'or,)

     

    Où communisme et christianisme se rejoignent.

    « A la femme il dit : Je vais multiplier tes souffrances et tes grossesses : c'est dans la souffrance que tu enfanteras des fils... » (Genèse 3/16).

    Lorsqu'en 1848, James Y. Simpson, à Edimbourg, réalisa le premier accouchement sous anesthésie générale au chloroforme, les religieux lui  reprochèrent d'aller contre l'injonction divine et il se défendit en arguant que Dieu avait endormi Adam avant de lui enlever une côte pour créer Eve.

    Dans les années 1950 l'accouchement prétendument sans douleur a eu son heure de gloire. Méthode dite psychoprophylactique de la douleur, importée d'URSS par le Dr Fernand Lamaze, elle a été adoptée aussi bien dans les milieux ouvriers que dans la « haute société ». Un don pour le halètement était un gage de succès. Une bonne dose de méthode Coué également. L'appartenance au parti communiste ou une attitude sympathisante était un facteur favorisant. Le succès fut tel que même le Pape Pie XII dut l'avaliser en dépit de l'injonction divine. La méthode n'a pas résisté à l'anesthésie péridurale.

    Cependant en raison de la fermeture de nombreuses maternités, « l'accouchement sans douleur » devrait être enseigné aux chauffeurs de taxi et d'ambulance, suivant ainsi le conseil de H. Melville : « L'art de l'accouchement devrait être enseigné en même temps que ceux de l'escrime, de la boxe, de l'équitation et de la rame » (Moby Dick).


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] C'est en voulant guérir un morphinomane que Sigmund Freud redécouvrit l'action anesthésiante de la cocaïne dont les dérivés sont utilisés dans l'anesthésie locale. Il l'essaya sur lui-même et devint cocaïnomane. La même mésaventure advint au célèbre chirurgien américain William Halsted.


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  •  

    AINSI VA LA VIE XIII


    Gustav Klimt "Tête d'un homme couché se supportant lui-même"


    SE SUPPORTER

     

    Ainsi suis-je né

    Ainsi suis-je fais

    Il est trop tard pour protester

    Et se plaindre à qui d'être ainsi fait ?

    Et puis on se console comme on peut

    Ça aurait pu être pire

    Ça aurait pu être mieux

    Alors on prend l'habitude

    On émousse les angles

    On cache les creux

    On joue à être quelqu'un de bien

    Parfois ça marche

    Parfois ça marche pas

    Surtout avec les siens

    Alors il faut se supporter

    Et que les autres vous supportent

    Comme je suis né

    Comme je suis fais

    Et on devient insupportable

    Comme si les autres étaient responsables

    De ce que l'on est

    Et l'on devient vieux

    Avec le temps on finit par s'aimer

    Un peu

    Un peu tard

    Au moment de se quitter


    Paul Obraska


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  • SAULE PLEUREUR

     

    Avez-vous vu pleurer un saule pleureur ?

    Il s'épanche penché sur la rivière

    Et laisse tomber ses verts pleurs

    En une cascade trouée de lumière

     

    Il pleure de ses étroites larmes

    Et si l'arbre courbé s'épanche

    Pour ne pas rompre le charme

    Il les garde pendues à ses branches

     

    Le saule nous apprend à retenir nos pleurs

    A trouver l'apaisement au bord des rivières

    A laisser la lumière traverser nos malheurs

    A continuer à vivre enraciné dans la terre


    Paul Obraska 





    RICOCHETS

     

    L'enfant sans ami cherche un galet plat

    Un galet rond aux bords arrondis

    Pas trop gros pour qu'il ne coule pas

    Et pour glisser sur l'eau, pas trop petit

     

    Il découvre le trésor dans des gravas

    A la lumière oblique du soleil écrasé

    Et court vers le lac, pressé de le jeter

     

    Il se met en position, étendant le bras

    Le trésor dans sa main, l'index en crochet

    Au bord du lac embrasé

    Sur l'orangé de l'eau, il lance le galet

     

    La pierre par petits bonds marche sur les eaux

    Un chapelet de gerbes pour un bref instant

    Dix bouquets liquides vont décrescendo

    Mais personne pour voir l'exploit de l'enfant

     

    L'événement provoque un envol d'oiseaux

    Dans l'incendie fidèle du couchant

    Leurs ailes aiguës glissent dans l'éther

    Comme le galet rond avait glissé sur l'eau


    L'enfant triste et solitaire

    Regarde, au-dessus du lac, les oiseaux

    Faire ensemble leurs ricochets sur l'air


    Paul Obraska
     

     

     

     

     


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  • Les oiseaux, les oiseaux, les oiseaux ! J'en ai marre des oiseaux. Leur œil rond de serpent qui vous regarde de côté, leur bec pointu et tranchant comme un couteau entre les dents et leur chant répétitif comme un disque rayé.

    J'en conviens, je suis un peu jaloux : je chante comme une casserole et je saute de moins en moins haut alors qu'eux ils volent, ils niquent la pesanteur et me regarde de haut marcher de mon pas de plus en plus lourd.

    J'en ai marre des oiseaux, ils volent désinvoltes et sans gêne, en l'air, l'air de rien, les impudents vous chient dessus de haut sans même s'excuser. Essayer de rester quelques temps sous un arbre, dans un parc, tranquille, un beau livre entre les mains et vous verrez le résultat. Ils vous chient dessus sans façon, sans raison. Si j'étais chasseur je comprendrais, mais je ne le suis pas. Je leur jette même quelques miettes de pain. Leurs fientes liquides comme un œuf mollet ne m'épargnent pas pour autant. Alors je m'essuie puisque eux s'en dispensent et chassé de mon banc je m'en vais. Et le long des allées, les statues du parc, les têtes dégoulinantes me regardent passer avec leurs yeux glacés, un sourire crispé sur leurs lèvres de pierre.

    Les statues et moi, nous en avons marre des oiseaux.


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