• Vers - 980
    David qui n'avait jamais fauté
    Lança en hâte
    La première pierre sur le front avancé
    De Goliath

    - 212
    Alors qu'Archimède prenait son bain de siège
    Charlotte Corday par erreur l'assassina
    En poussant le poignard de haut en bas
    Pendant que le savant pris au piège
    Criait de bas en haut : eurêka !

    450
    Le cheval enfin débarrassé de son cavalier
    Sur le champ de bataille cherchait à brouter
    Mais Attila le roi des Huns était passé par-là
    Et l'herbe ne repoussait pas

    778
    Roland serré dans son col de Roncevaux
    Ne pouvait pas souffler dans l'olifant
    Et appeler à la rescousse son tonton
    Pour décrocher de ses basques les Vascons

    1252
    Pendant l'inquisition
    Le pape qui autorisa la question
    Avait pour nom Innocent
    Goebbels n'aurait pas fait mieux en son temps

    1637
    La nuit Descartes à la fenêtre
    Refusait de se coucher
    Pour ne pas cesser de penser
    Afin de ne pas disparaître

    1658
    On a surpris Pascal
    Qui sans quitter son Port-Royal
    Prenait clandestinement des paris
    Mais parier sur Dieu comme sur un cheval
    Priva les parieurs du Paradis

    1815
    Le général sans armée et sans cheval
    La main dans son gilet pare-balles
    Paraissait plus petit et moins malin
    Mais en vie dans son île au lointain

    2007
    Aujourd'hui
    Un orage a éclaté sur Paris
    C'est fou ce que le tonnerre fait de bruit
    Et on se sent petit petit petit petit si petit


    Paul Obraska


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  •  

     

    Francisco Goya "Autoportrait avec le Dr Arrieta"


    Le paradoxe du pouvoir médical. Si le médecin n'avait pas de pouvoir, on se demande pourquoi on irait le consulter. Le pouvoir du médecin est redouté, critiqué,  honni mais nécessaire et recherché. Ne pas l'exercer constitue une faute professionnelle, à la limite condamnable : c'est la paradoxe du pouvoir médical.

    Sur la société la médecine exerce une dictature. Comme toute dictature, elle est basée sur la terreur, celle de la maladie et de la mort. Comme toutes les dictatures, elle prétend s'exercer pour le bonheur de la population et trace les limites du bien et du mal

     

    Il est mal de fumer. C'est en tous cas s'exposer aux multiples façons de mourir par le tabac. Longtemps symbole de virilité, il peut conduire à l'impuissance en rétrécissant les artères. Devenu symbole d'indépendance et d'égalité chez la femme, il lui permet d'avoir des cancers de l'homme qu'elle n'avait que rarement auparavant et de succomber plus tôt, comme lui, aux maladies cardio-vasculaires. « Juste après le coït on entend rire le diable » (Schopenhauer). C'est sûrement parce que c'est le moment où l'on fume une cigarette.

                                                                                    

    Il est mal d'être gros. L'épidémie d'obésité des pays développés est à la limite indécente mais contrebalance la perte de poids des dénutris  des pays pauvres, permettant ainsi la stabilité pondérale de la biosphère. La calorie, unité de quantité de chaleur et de valeur énergétique des aliments, est omniprésente dans les conversations des dîners en ville où les convives transmutent simultanément la chaleur en poids et l'énergie en masse. L'amaigrissement est l'objectif déclaré d'une industrie alimentaire pléthorique qui fait de la prévention et de la santé ses arguments publicitaires principaux. A cet égard, les idées médicales ont un impact économique pour lequel les médecins devraient réclamer des droits d'auteurs.

    Mais rien n'est simple : si le surpoids favorise les maladies cardiovasculaires, en cas d'accident cardiaque l'évolution semble plus favorable chez les gros que chez les maigres.

                                                                                  

    Il est mal de manger ceci ou cela. On s'alimentait pour vivre en y prenant si possible du plaisir. La médecine a heureusement modifié les choses : on mange pour ne pas être malade, suivre l'ANR (apport nutritionnel recommandé)   et devenir assez vieux pour ne plus avoir de dents pour manger « car l'important n'est plus de vivre pleinement le temps qui nous est alloué mais de tenir le plus tard possible : à la notion d'étapes de la vie succède celle de longévité » (Pascal Bruckner)[1]. « Alicament » est une trouvaille néologique qui sert à vendre un aliment auquel le fabriquant attribue des vertus thérapeutiques.

                                                                                  

    Il est mal d'être sédentaire. Pourtant «  Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand chose »  (St Paul)[2]. C'était également l'avis bien connu de Churchill qui attribuait sa longévité à son mépris du sport :« never sport ». A notre époque le sport a cependant bonne presse, surtout pour les articulations qui s'usent et les disques qui s'écrasent. Bouger, certes, mais pourquoi s'épuiser ?

     

    Pour votre bien soyez inquiet. Le mode de vie conseillé par les médecins s'applique à toute la population, ceux qui ne rentrent pas dans le cadre vertueux  sont marginalisés et montrés du doigt. S'éloigner de la moyenne statistique devient un péché mortel. Et en plus, les médecins ont raison !

    Toute la population est soumise par tous les moyens : ondes, télévision, journaux, à des messages l'informant de toutes les maladies dont elle peut être atteinte. Diffusion insidieuse, permanente de notre fragilité. Il est confirmé à celui ou celle encore en bonne santé que cette état n'est que transitoire et qu'il n'est pas raisonnable de jouir de cette félicité. Les gens qui se sentaient bien finissent par se sentir mal à l'annonce qu'ils ont tel ou tel risque d'avoir telle ou telle maladie et ceci de façon répétée. Crainte diffuse et diffusée que les annonceurs utilisent pour recueillir des fonds. Mais obtenir de l'argent sous la menace n'est-ce pas du chantage ?




    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] L'Euphorie perpétuelle, éd Grasset et Fasquelle, 2000

    [2] 1ère épître à Timothée 4/8


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  • AINSI VA LA VIE VI

    Edouard Vuillard "Deux écoliers, jardins publics" 


     
    MERVEILLES

     

    Bulles de savon transparentes

    Globes aux lumières d'arc-en-ciel

    Danse d'essaims d'une grâce lente

    Soufflés en un fugace carrousel

     

    Kaléidoscope aux mille merveilles

    Créations tournantes du hasard

    Figures à géométrie sans pareille

    Art de l'instant évanoui au regard

     

    Cerf-volant flottant haut dans le vent

    Carcasse multicolore avide de liberté

    Retenue par la main ferme de l'enfant

    Riant au ciel, fier de son autorité

     

    Barbe à papa au toucher de laine

    Blancheur fondante dans la bouche

    Brandie comme un sceptre de reine

    Pour que personne ne la touche

     

    Barbe à papa...Barbe à papa...

    Papa...Ai-je appelé quelqu'un par ce nom ?

    Rappelle-toi...Voyons...

    Je ne m'en souviens pas.

     

     Paul Obraska


    LES ENFANTS RÊVENT-ILS ENCORE ?

     

    Devant des boîtes de conserve en fer

    Rêvent-ils d'une imprenable forteresse ?

    Les hautes tours découpées sur un ciel lunaire

    Où sont prisonniers un roi et une princesse

    Qu'ils délivreront des hordes guerrières

     

    Inventent-ils des monstres inconnus ?

    Pour se prouver qu'ils n'ont pas peur

    Les monstres seront bien sûr vaincus

    Par l'enfant intrépide devenu gladiateur

     

    Rêvent-ils devant un long bout de bois ?

    Que par magie ils transformeront en galère

    Lancée à la poursuite des méchants aux abois

    Qui seront capturés par les enfants corsaires

     

    Leurs rêves sont-ils déjà préfabriqués ?

    Par le prêt-à-rêver des adultes commerçants

    Par les boîtes électroniques d'images animées

    Devant les lutins tout faits virevoltant sur l'écran

    Devant des monstres de plastique déjà imaginés

    Par des aventures que d'autres ont inventées

    Les mêmes pour les enfants du monde entier

     

    Enfin pour les enfants de ceux qui peuvent payer

    Partout les boîtes de rêves industriels s'achètent

    Pour gaver des enfants capables de tout imaginer

    Eux qui ont des rêves pleins la tête

    Des rêves à eux qui restent coincés

    Par des machines sans vie

    Alors laissons-les rêver

    Ces petits

    En liberté


    Paul Obraska


     
    RENTREE

     

    Etre l'enfant à la rentrée de l'école

    Neige quadrillée des feuilles de cahier

    Pouvoir nihiliste des gommes molles

    Odeur du papier que personne n'a feuilleté

     

    Pages vierges prêtes pour la défloration

    Billes à encre, avortons des plumes d'antan

    Savoir enfermé dans les coffres de carton

    Boîtes à surprises à défaire lentement

     

    Crayons neufs à tailler rondement

    Petits outils pour apprentis savants

    Sacs de savoir à porter sur le dos

    Plus on est petit plus on les veut gros

     

    Le passé s'efface pour tout recommencer

    Promesse de prouesses à venir

    Tout est possible, tout est immaculé

     

    Les amitiés perdues sont des souvenirs

    Les amitiés futures sont à conquérir

    Douce anxiété de la nouvelle année


    Paul Obraska
     

     

     

     

    JEU DE TÊTES

     

    Dans la clarté incertaine du crépuscule

    Leur tête aussi ronde que le ballon

    Un sextuor de petits funambules

    Jouent leur partie sur le gazon

     

    Dans l'aquarium vert

    Six petits poissons colorés

    Sous les trous de lumière

    S'amusent à se heurter

     

    Dans l'herbe féconde

    Une poignée de fleurs éparpillées

     Tiges grimpantes à têtes rondes

    Plantes sauvages, fraîchement nées

     

    De loin je vis avec eux

    Les rires et les cris

    Leur passion du jeu

    Leurs courses sans répit

     

    Et dans le miroir

    L'enfant que je suis

    S'étonne d'y voir

    Une tête blanchie


    Paul Obraska


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  • Albrecht Dürer 1498 et 1526 

    LA VIERGE ET L'ENFANT

     

    Pour faire un tableau de la vierge et l'enfant

    Il est simple de prendre une belle jeune femme

    Même si elle n'est pas vierge depuis longtemps

    L'important est que son visage exprime son âme

     

     

    Le plus difficile à trouver est le modèle de l'enfant  

    Il doit être sérieux, laid et un peu hydrocéphale

    Avec le visage pénétré d'un adulte pensant

    Et s'il est circoncis ce n'est pas plus mal

     

    Vous voyez qu'un tableau de la vierge et l'enfant

    N'est pas si simple à faire même avec du talent

    Comment trouver un petit enfant qui convienne ?

     

     

    Les bambins ne sont guère tristes et sont plutôt beaux

    Les hydrocéphales sont soignés dans les hôpitaux

     Hélas ! On ne peut plus peindre à l'ancienne


    Paul Obraska

     

     

     

    Nicolas Poussin "La Sainte Famille"


    PHOTO DE FAMILLE

     

    Retouchée par Poussin,

    C'est une très vieille photo,

    Passant de mains en mains,

    De père en fils, depuis l'an zéro.

     

    L'artiste n'a pu empêcher les angelots

    De figurer nus sur le portrait de famille

    Et de jouer, facétieux, avec la charmille.

     

    On ignore jusqu'à ce jour les liens de parenté

    De la femme accroupie et de celle debout,

    Comme du petit rouquin, peut-être jaloux

    Du divin bambin qu'on lui a préféré.

     

    La mère est fière de son dernier-né.

    La rumeur dit que c'est son premier

    Et qu'elle n'a pas perdu sa virginité.

     

    Un voyant venu des cieux du nom de Gabriel

    A prédit à son enfant un destin exceptionnel.

    A le voir sur sa mère, il a déjà trouvé sa voie

    En écartant ses petits bras en croix.

     

    Le mari fait bonne figure, bien que marri,

    Cocu magnifique, il a trouvé son destin,

    Complaisant, il accepte le fait accompli.

     

    A son épouse, il ne s'est jamais plaint

    De cette grossesse involontaire.

    Même s'il n'y est pour rien,

    On peut compter sur lui :

     

    Il sera un bon père

    Pour cet enfant naturel,

    Procréation assistée du ciel.



    Paul Obraska


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  • DANS MA VILLE V


     
    CORPS

     

    Les corps étalent leur blancheur de ver

    Soumises aux caresses cosmétiques

    Les peaux rissolent dans l'huile solaire

    Enveloppes fragiles du monde organique

     

    Les mécaniques molles prennent l'air

    Articulations à lacets, muscles à ficelles

    Nappes de graisse et globes de chair

    Habits provisoires des os éternels

     

    Viscères suspendus dans le noir

    Intestin sonore s'enroulant en crotale

    Cavités aux pleurs sécrétoires

    Ballons pulmonaires, récipient vésical

     

    Batterie du cœur au rythme du temps

    Plomberie vibrante des vaisseaux

    Artères en tuyaux, veines en serpents

    Le sang prisonnier joue au cerceau

     

    Le cerveau dans sa boite de conserve fine

    Les nerfs, cordes de guitares électriques

    Et les dealers de drogues endocrines

    Mènent la danse sur leur rythmique

     

    A l'affût de l'air et de la becquée

    La vie goulue dépend des orifices

    Nous naissons d'orifices convoités

    Par eux passent nos délices

     

    D'un corps aux mille bricolages

    Surgit l'improbable pensée

    De la laideur de sombres marécages

    Surgit l'improbable beauté

     

    Des synapses en folie naît la cruauté

    L'intérieur sanglant attire la barbarie

    Jouissance du métal dans les corps déchirés

    Tant de miracles anéantis

     

    Corps vaniteux, édifice mollasse

    Ta fragilité nue est inouïe

    Ni griffes, ni cornes, ni carapace

    Mais rien ne résiste à tes appétits


    Paul Obraska
     


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  •  

    Adriaen Brouwer "Potion amère"

    La maladie hors la loi

     

    Le droit à la santé met la maladie hors la loi. C'est une idée séduisante. De plus, elle est très flatteuse pour les médecins chargés de faire respecter ce droit et que l'on estime ainsi capables de rétablir la santé. Capacité ou obligation ?

    Bien entendu, le droit à la santé est une idée farfelue. La santé ou l'absence de maladie déclarée est un souhait en dehors de toute législation ou de toute volonté politique. Cette expression souvent utilisée à tort évoque le droit aux soins qui, lui, est à la portée de la société.

     

    Comment définir la santé ?

    D'innombrables auteurs ont tenté de le faire. Malgré notre pratique, nous n'aurons pas la prétention d'esquisser l'ombre d'une définition. Avec la médicalisation de la société, le constat de Jules Romains dans Knock prend de la consistance : « La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide ». Supprimer le problème est la façon la plus radicale d'en trouver la solution. Est-ce si absurde ? L'importance que l'on donne à la prévention fait de tout un chacun un malade potentiel, puisqu'on va jusqu'à donner un traitement à des gens qui ne se plaignent de rien pour conserver leur « capital santé ». Le « silence des organes » ne vous dispense plus des médecins.

     

    Les médecins médicalisent la société.

    Si des médecins résistent, les sociétés savantes leur rappellent leur devoir. Il faut aussi admettre que la société réclame cette médicalisation et c'est pour les politiques la seule façon de paraître efficaces sans être critiqués.

    Le monde est devenu une vaste clinique où l'on se massacre allègrement en limitant les apports de cholestérol lorsqu'on a la chance d'en disposer.

     

    La médicalisation dans ses œuvres

    La médicalisation la plus directe et la moins contestable est la vaccination : espérer provoquer chez un sujet sain une petite maladie pour lui en éviter éventuellement une grande.

    La plus dogmatique est de faire cadrer une situation atypique avec les normes médicales. C'est ainsi que les femmes inuits accouchent vite et en sont fières. Le gouvernement canadien, dans les années 1980 et avec les meilleures intentions,  les fit transporter par avion dans le sud où l'intervention médicale imposée consistait le plus souvent à ralentir le déroulement de l'accouchement, considéré comme anormalement rapide.

    La plus maligne est de transformer en maladie un état naturel comme la soi-disant andropause. Avec l'âge l'activité sexuelle de l'homme diminue et le taux de testostérone diminue progressivement. Ce qu'on appelle l'andropause peut correspondre à un déficit hormonal, mais il n'y a aucun phénomène physiologique équivalent à la ménopause : les testicules ne s'arrêtent jamais de sécréter et l'andropause n'existe pas. Le choix de ce mot, par  analogie , n'est pas exempt d'arrière-pensées : créer une fausse maladie pour susciter un faux besoin et faire de vrais bénéfices.

    La plus lucrative est de faire prendre en comprimés ce qui se trouve habituellement dans votre assiette ou facile à se procurer à l'état naturel. Les organisations internationales avaient incité les mères jamaïcaines à se déplacer, parfois loin, avec leur enfant atteint de diarrhée pour se procurer des sels de réhydratation orale. Ce pseudo médicament, importé de Suisse, ne contenait en fait que du sel et du sucre et le sucre est la principale ressource de la Jamaïque.

    La plus glamour est de mettre son art de guérir et son talent chirurgical au service de l'imperfection physique.

    La plus sociale est de transformer un problème collectif en maladie individuelle comme les conséquences du stress professionnel.

    La plus démagogique est de considérer une inégalité comme pathologique, tel l'échec scolaire.

    La plus intime est celle de la procréation, prise en charge en France par la collectivité et avec l'exigence probable dans l'avenir du bébé parfait.

    La plus astucieuse est de modifier les critères qui séparent l'individu considéré comme sain de celui considéré comme malade ou risquant de l'être. Ils changent régulièrement et toujours dans le sens de la médicalisation. En abaissant les normes, le nombre de malades augmente d'un coup et du jour au lendemain. Les médecins vont plus loin et  suppriment les normes pour traiter des patients lorsqu'ils les estiment menacés, en considérant que « plus c'est bas, mieux c'est »[1]

    La plus obsédante est celle qui modifie le choix alimentaire et le mode de vie en culpabilisant les réfractaires. Avec les meilleures intentions et les meilleures justifications.

    La plus insolite est de donner un traitement pour une maladie qui  n'existe pas encore, mais a une certaine probabilité d'apparaître dans l'avenir chez une personne qui ne se plaint de rien dans le présent. Démarche qui met le médecin dans une curieuse position : il peut par son intervention rendre malade une personne en bonne santé apparente en traitant les facteurs prédisposant à une maladie virtuelle, mais dont l'apparition dans le futur est incertaine. La maladie n'est pas une fatalité ; on peut mourir avant.

    La plus systématique est de donner à toute la population ayant dépassé un certain âge une association de médicaments (la « polypill »)[2] dont l'efficacité relative a été prouvée dans la prévention de certaines maladies. Une vaccination pharmacologique en quelque sorte, mais à prendre chaque jour et dont l'effet est incertain sauf pour ce qui concerne le prix à payer.

    La plus perverse est de prévoir l'apparition possible d'une maladie par des tests génétiques, et dont l'annonce à l'intéressé risque fort de le rendre  malade d'emblée. Prédire pour prévenir  ou terroriser en prévenant. « Le programme génétique remplace le fatalisme calviniste du salut par la grâce » (Ptr Skrabanek).

     

    On peut se demander si le « droit à la santé » ne va pas finir pas nous rendre malades



    [1] C'est en particulier vrai pour les chiffres de la tension artérielle et du taux de cholestérol sanguin

    [2] Proposition faite en 2003 pour les affections cardio-vasculaires. L'âge retenu étant de 55 ans


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  • Giovanni Bellini "Portrait d'un condottiere (Giovanni Emo)


    POUVOIR

     

    Admirez mes lèvres pincées, mon visage sévère,

    Mes rides du front, mon regard arrogant,

    Ma fière allure de condotierre !

    Je suis important.

     

    Les autres m'obéissent et j'aime commander,

    Tous me craignent, je suis puissant,

    Je suis cruel, je suis sans pitié !

    Je suis important.

     

    Mais comme vous, je cache des vices,

    J'éructe et je lâche des vents,

    Je défèque et je pisse.

     

    Je ne suis qu'un sac de viscères.

    Je terminerai en poussières.

    Suis-je important ?


    Paul Obraska 


     


      Le Caravage "Narcisse"



    NARCISSE

     

    Narcisse contemple son visage si beau

    Dans la fontaine à l'eau si claire

    Un reflet liquide sans défaut

    Qui ne cesse de lui plaire

     

    Il ne détache plus son regard

    De cet autre si semblable

    Image aimée insaisissable

    Dans l'eau lisse du miroir

     

    Repoussant celles qui l'aiment

    Il dépérit de désespoir

    Seul avec lui-même

    Prisonnier du miroir


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  • Ilia Repin "Réunion révolutionnaire" 1883


    ENTRE VERRES ET CENDRIER

     

    Assis devant un verre

    Ils refont le monde

    Le monde est immonde

    Il est à refaire

     

    Pour changer leur destin

    Les hommes sont à défaire

    On  gomme et on refait le dessin

    Et ils tracent sur le papier

    En s'appliquant comme des écoliers

    Avec une plume et un encrier

    La société qu'ils veulent

    Entre verres et cendrier

     

    Mais l'homme n'est-il pas trop veule ?

    Acceptera-t-il de changer ?

    On choisira ce qui nous convient

    On sait mieux que lui où est son bien

    Et s'il n'accepte pas ?

    C'est simple on le gommera

    Dit celui qui a des yeux froids

     

    Et ils reprennent un verre

    Refaire le monde donne chaud

    De leur dessein ils sont fiers

    Leur avenir sera beau

    Ils y croient pour de bon

    Et ils ont parfois raison

     

    Avant de partir ils brûlent le papier

    Entre les verres sur le cendrier

    Et sortent un à un dans la nuit

    Col levé avec la peur d'être suivi

    Et reprennent leur petite vie de tous les jours

    En espérant qu'un jour viendra leur tour

     

    Ils appliqueront alors leur papier

    Ils referont de force le monde

    Loin des verres et du cendrier

    Et deviendront eux-mêmes immondes


    Paul Obraska


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  •  

     

    LES FORMES DE L'EAU VI



    TORRENT

     

    Torrent tu sautes de pierres en pierres

    Impatient comme tout jouvenceau

    Ne te presse pas trop de rejoindre la rivière

    Tes eaux ont la couleur de lait du berceau

     

    Celui des neiges vierges des hauteurs

    Celui où l'air bleu a encore sa pureté

    Où les monts ont gardé leur fraîcheur

    Que l'homme n'a pas encore souillée

     

    Rivière ne te presse pas trop vers le fleuve

    Tu serpentes dans les bois et les prés

    Tes eaux claires sont déjà à l'épreuve

    Avec les ventres blancs des poissons crevés

     

    Fleuve ne te presse pas trop d'aller à la mer

    Tes eaux brunes ont déjà triste allure

    Là-bas t'attendent soutes et containers

    Qui verseront les noirs hydrocarbures

     

    Eau du torrent tu ne peux pas remonter le courant

    Tu ne peux pas remonter de la mer à l'embouchure,

    Du fleuve à la rivière et de la rivière au torrent

    Chacun coule dans un sens avec ses souillures


    Paul Obraska


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  • INCENDIE

     

    Là-bas l’incendie déverse sa lumière

    Eclate en cernant d’un fard doré

    Le soleil épanoui en fleur ombellifère


    Le feu étale un fond de teint orangé

    Souligne les ombres noires des toits

    Comme un décor sur le doigt de mer


    Là-haut le ciel a sauvé son bleu roi

    Balafré de deux traits de lumière

    Que deux avions de proie ont laissés


    Fuyant le feu un couple de bateaux

    Chevauche la surface argentée

    En creusant deux rides sur l’eau

     


    Paul Obraska 

     

    Arnold Böcklin "L'île de la Mort"


    L'ÎLE DESOLEE

     

     

    Une silhouette habillée d'un linceul

    Se dresse, rigide, à l'avant de la barque.

    Le passeur à sa tâche rame seul,

    Guidé par le murmure des Parques.

     

    L'île désolée est abordée doucement,

    Un roc abrupt dans la noirceur de l'eau,

    Hérissé de cyprès, seuls êtres vivants,

    Au milieu des murs clairs des caveaux.

     

    Il fait toujours nuit sur ce roc de froideur.

    Le Soleil est occupé à donner la vie,

    Les morts n'ont nul besoin de chaleur.

     

    Pour eux : le blanc, le noir et le silence de la nuit.

    Les hommes inconsolables rêvent d'un ailleurs,

    Qu'il s'agisse d'une île, de l'Enfer ou du Paradis.


    Paul Obraska


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