• Pasteur en congé

     

    En 1879, Pasteur, en raison des vacances, interrompit des travaux de recherche sur le bacille du choléra des poules. Les cultures de ce bacille vieillirent pendant son absence. Lors de la reprise des travaux, les cultures vieillies ne provoquèrent plus la maladie une fois injectées aux animaux. Une culture fraîche resta inopérante sur les poules ayant reçu la culture vieillie mais provoquait toujours le choléra chez les autres. C'est ainsi que fût découverte une des méthodes de vaccination.



    Un assistant absent

     

     

    En 1882, l'Anglais Sidney Ringer découvrit que le calcium était nécessaire à la contraction du cœur en raison de l'absence de son assistant. Ce dernier préparait habituellement la solution de perfusion salée d'un cœur isolé de grenouille. Ringer  prépara donc lui-même une nouvelle solution avec de l'eau distillée. Le cœur s'arrêta de battre malgré une concentration en sel correcte. Ce mystère fût résolu lorsque Ringer apprit que son assistant préparait la solution non pas avec de l'eau distillée mais de l'eau du robinet qui, bien entendu, était calcaire. Mais l'eau du robinet contient bien d'autres choses que du calcium et il a fallut que Ringer détermine sa responsabilité.



    Un bactériologiste en congé et u
    n assistant négligent

     

     

    En 1928, Alexander Fleming,  bactériologiste au St Mary's Hospital de Londres  oublia une culture bactérienne avant de partir en vacances. Une moisissure entrée par la fenêtre laissée ouverte du laboratoire vint contaminer la culture. Le garçon du laboratoire négligea de la jeter. A son retour,  Fleming remarqua que la moisissure, penicillium notatum, avait poussé en empêchant le développement des microbes. L'extrait qu'il en tira et baptisa pénicilline, les tuait.

    La pénicilline qui allait bouleverser le traitement des maladies infectieuses avait déjà été découverte à la fin du XIXe siècle par un médecin de marine italien, Vincenzo Tiberio (publication de 1895) et par un étudiant en médecine lyonnais, Ernest Duchesne (thèse de 1897). Il faut trouver au bon moment. Même pour Fleming, il a fallu attendre dix ans pour que la pénicilline soit isolée par l'Australien Howard Walter Florey et l'Anglais Ernest Boris Chain. La plus importante découverte thérapeutique du XXe siècle a attendu cinquante ans avant d'être fabriquée (1943) et utilisée.


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


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    PORTRAITS IV

    Robert Campin (1430)

    PORTRAIT DE FEMME

     

     J'aurais aimé être ce peintre inspiré

    Pour caresser de mes pinceaux

    Ton visage par la grâce épuré

    Que montre ce tableau

     

    M'appliquer sur tes lèvres pulpeuses

    M'attarder sur tes yeux rêveurs

    Frôler de couleurs ta peau soyeuse

    Et vouloir retirer ce voile de sœur

     

    Depuis le lointain Moyen Âge

    Cette toile a traversé le temps

    Pour nous offrir l'image

    De tes premiers printemps

     

    Ton corps depuis longtemps a disparu du linceul

    Mais tu vis encore dans la toile du passé

    L'artiste inspiré à lui seul

    T'a donné de l'immortalité


    Paul Obraska 


    Félix Vallotton "Portrait de la femme au chapeau noir"

    LE CHAPEAU

     

     

    Elle avait gardé son chapeau

    Orné d'un ruban rose et blanc

    Elle avait gardé les yeux clos

    En retenant d'une main

    Sa robe négligemment

    Elle avait dévoilé distraitement

    Un sein

    Et recouvert par malice son voisin

    La poitrine découverte couronnée

    De l'ovale d'or d'un fin collier

     

    C'était le chapeau gardé sur la tête

    Qui avait rendu ce sein si nu

    Et les paupières closes qui avaient rendu

    Ce visage si serein, la pose si coquette

    Et la femme offerte si prête


    Paul Obraska


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    DANS MA VILLE IV

     



    MEFIANCE

     

    Ne vous fiez pas à leurs troncs noircissant

    Les arbres font semblant de mourir

     

    Ne vous fiez pas à leurs feuilles de sang

    Si elles tombent dans la terre pour pourrir

    Elles remonteront dans la sève gluante

    Qui les fera renaître, lisses et luisantes

     

    Ne vous fiez pas à l'incendie de l'automne

    Les arbres reprennent ce qu'ils abandonnent

     

    Ne vous fiez pas à la beauté des ramures

    C'est le requiem d'une mort spectaculaire

    Avant résurrection et guérison des blessures

    Mais jouissez de la flamme du chant funéraire

     

    Ne vous fiez pas aux arbres pour toujours revenir

    Il arrivera dans un lointain avenir

    Où les feuilles tomberont pour la dernière fois

     

    Ne vous fiez pas à l'hypocrisie du printemps

    On n'échappe pas à la mort à chaque fois

    Si revivre c'est pour mourir, restons méfiants


    Paul Obraska


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  • En dehors du monde politico-guerrier, j'avoue ne pas trop savoir ce que veut dire « mourir dans la dignité ». Est-ce à dire que la mort d'un malade que l'on entoure de soins, que l'on ne laisse pas mourir de faim et de soif , à qui on évite le mieux possible des souffrances et des traitements inutiles ou disproportionnés par rapport aux résultats que l'on peut en attendre, que cette mort est indigne ?

    La dignité est-elle dans l'apparence de soi et la conservation de la communication ? Dans le souvenir qu'on laissera aux autres ? Mais dans ce cas il vaudrait mieux disparaître avant la vieillesse ou en tous cas avant que la maladie qui conduit à sa propre destruction ne se développe, c'est-à-dire disparaître avec l'apparence de la bonne santé.

    Si l'on veut « mourir dans la dignité », faudrait-il se suicider ? Beaucoup l'ont fait, comme Montherlant qui se donna la mort dans la crainte de devenir aveugle. Ce fut le cas ces jours-ci de l'écrivain belge Hugo Claus au stade initial d'une maladie d'Alzheimer et sans menace vitale. Mais il y a une différence entre les deux : le premier s'est tué lui-même et le second a été exécuté par un médecin encadré par la législation de son pays, un peu comme les souverains vaincus qui demandaient à leur serviteur de les tuer.

    J'avoue être mal à l'aise devant la double fonction du médecin dans les pays où le suicide dit assisté est permis : soigner et tuer. Tuer un malade devenant un acte médical et dans le cas présent un acte préventif en l'absence de douleurs physiques et une conservation notable des facultés (du moins d'après les journaux). Il est vrai que la déchéance intellectuelle est bien pire qu'une diminution des capacités physiques qui même extrême n'empêche pas des individus de s'exprimer de façon remarquable. 

    Je pense aussi à la possibilité - et quel que soit le cas - d'une erreur diagnostique au stade initial d'une maladie dont le génie évolutif est souvent variable. A la découverte possible d'un traitement pendant l'évolution du mal. Qu'en sera-t-il lorsque les impératifs économiques conduiront peut-être à proposer une « fin digne » afin d'éviter les dépenses importantes qu'exigent les maladies terminales.

    Comme c'est difficile ! Et cela nous concerne tous si l'on n'a pas la chance de mourir subitement.


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  • AINSI VA LA VIE IV
     Gustav Klimt "Espérance"

    ESPERANCE

      

    La femme dresse son long corps frêle,

    La chevelure rousse comme une crinière de lion

    Mange son visage amaigri d'une pâleur mortelle.

    Elle nous regarde de ses grands yeux ronds.

     

    Un regard de surprise et de mélancolie,

    Elle voit son corps mince et fragile déformé

    Par cette protubérance qui sans cesse grossit

    Et que son ventre distendu parvient à supporter.

     

    Cet œuf étranger fait partie d'elle-même,

    Il se nourrit de son corps malgré son vouloir,

    Mais déjà, sans le connaître, elle l'aime.

    Sans elle, il ne serait qu'un espoir.

     

    Un corps noir comme un têtard géant

    S'enroule autour de la belle dénudée.

    Les dorures d'une draperie à ses flancs,

    Son pubis roux sur voile céleste étoilé.

     

    Elle se croit seule la femme innocente.

    Pourtant, derrière, elle est surveillée

    Par des faces d'homme inquiétantes,

    Expriment-elles l'envie ou l'hostilité ?

    Ces mâles attendent-ils l'enfant à naître ?

    Voudront-ils de suite l'emporter ?

    Pour en faire un soldat peut-être.

     

    Sur elle, un crâne de squelette est penché.

    Que la femme ne se fasse pas d'illusion :

    L'enfant qu'elle porte sera peut-être mort-né,

    Ou naîtra pour mourir de toute façon.


    Paul Obraska 


    morisot4.jpg Berthe Morisot "Le berceau"

    NAISSANCE

     

    De qui est l'enfant né ?

    Peut-être de deux corps

    De sexes opposés qui se sont aimés

    Ou d'un père à la semence froide déjà mort

    Ou d'un père vivant inconnu à la semence vendue

    Ou d'un père méconnu qui s'est enfui en semant

    Ou d'une mère partie en cachette inconnue

    En laissant à d'autres son enfant

    Ou du corps prêté d'une mère

    A un couple de pères

     

    Où est né l'enfant ?

    Dans une femme qui le voulait pour soi

    Sur la paillasse d'un laboratoire austère

    Dans une matrice saine louée pour neuf mois

    Ou dans une matrice retraitée de grand-mère

     

    Que l'on soit voulu ou non

    Et qu'importe comment

    Il est presque toujours bon

    D'être sorti par hasard du néant

    Même si on y retourne de toute façon


    Paul Obraska


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    ESCAPADES IV

       Odilon Redon "Le Bouddha"


    REINCARNATION

     

    Je ne suis que moi

    Je n'ai aucun souvenir de mes vies passées

    Et de mes innombrables trépas

    Baume bienfaisant de la mémoire effacée

     

    Avoir été l'arbre que le bûcheron abat

    La promesse avortée de l'œuf gobé

    L'insecte que l'enfant écrase sous ses pas

    L'animal traqué qui renonce, épuisé

     

    Dans ce monde de terreur incarnée

    Mieux vaut disparaître qu'une fois

    Et ne pas renaître en n'importe quoi

     

    Mais n'importe quoi ne sait pas qu'il va mourir

    Je n'en sais rien. Je n'en ai pas le souvenir

    Dommage


    Paul Obraska 


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  • Faut-il croire Cioran pour qui « Etre moderne c’est bricoler dans l’incurable »[1]. Les médecins ont toujours aimé bricoler. Ce qu’ils inventent ou fabriquent n’a rien de spectaculaire, pourtant c’est parfois une petite révolution pour le praticien et un bienfait pour la malade. Mais comme chacun sait « la vie est une maladie sexuellement transmissible et toujours mortelle » et les médecins ne peuvent que bricoler dans l’incurable. En voici quelques exemples parmi bien d’autres :

                                                                                   

    Des fourmis et des hommes

    Si l’on en croît l’indien Suçruta et l’arabe Abulcassis, la fourmi peut donner son corps pour suturer une plaie :on présente les deux lèvres accolées à l’insecte qui mord, puis on sépare l’abdomen de la tête qui reste en place.
    Dans Les secrets de la mer rouge, Henry de Monfreid donne une description hallucinante de cette façon de suturer une plaie de l’estomac, par un sorcier somali, à laquelle il aurait assisté au début du XXe siècle.
    On peut rester dubitatif, mais les fourmis ont peut être donné l’idée des agrafes toujours très utilisées.

                                                                                   

    Un instrument redoutable

    La seringue a précédé l’aiguille.  C’est la seringue pour clystère qui a donné l’idée de la seringue à aspiration et  injection. C’est Abulcassis le plus grand chirurgien de Cordoue au Xe siècle qui a inventé la seringue à lavement.
    Au XVIIIe siècle le Français Anel en invente une et écrit un opuscule: « Art de sucer les playes sans se servir de la bouche d’un homme ». Mais il faudra attendre encore un siècle pour que le Lyonnais Pravaz invente une seringue munie d’une aiguille creuse  dont le succès va s’étendre jusqu’à l’arrivée des seringues à usage unique.
    Aiguille et seringue rendent le médecin ou l’infirmière redoutable. Vedettes des films noirs, le réalisateur ne manque jamais de faire un gros plan sur elles pour  déclencher un frisson chez le spectateur. La terreur resurgit avec les seringues et aiguilles abandonnées par des drogués supposés « sidatiques ». Sous la plage, la maladie et la mort.

                                                                                  

    Un instrument à percussion naturel

     

    C’est en regardant son aubergiste de père frapper de ses doigts les tonneaux pour juger de leur remplissage que Léopold Auenbrügger, médecin à Vienne au milieu du XVIIIe siècle, inventa l’exploration du thorax par percussion. « On se mit dès lors à examiner les malades au lieu de se borner à les observer passivement » (M.Bariéty et C. Coury)[2]. Petit truc, grandes conséquences. Comme souvent, ses collègues  traitèrent le novateur avec mépris et c’est le Français Corvisart qui,  un peu plus tard, défendit la méthode.

                                                                                  

    Un instrument permettant d’être à l’écoute des patients en leur demandant de se taire.

     

    C’est en raison de l’obésité d’une jeune patiente et de la bienséance que Théophile René Laennec inventa le stéthoscope en 1816. Ne pouvant utiliser la percussion du thorax, l’embonpoint modifiant les sons transmis en frappant des doigts d’un coup sec et l’application directe de son oreille sur la poitrine opulente de la demoiselle lui paraissant inconvenante, il eut l’idée de prendre ses distances. Ayant déjà observé qu’un corps solide pouvait transmettre le son, il fit d’un cahier un rouleau, appliqua une extrémité sur le thorax et constata, son oreille placée à l’autre extrémité, que les sons cardiaques lui étaient transmis amplifiés.
    Par la suite il remplaça le rouleau de papier par un cylindre de bois en commençant par un vieux hautbois. Le stéthoscope allait enrichir l’examen clinique de façon décisive. Laënnec pût ainsi décrire, entre autres, les signes cliniques et les lésions anatomiques correspondantes de plusieurs maladies pleuro-pulmonaires, en particulier la tuberculose dont il devait mourir à l’âge de quarante cinq ans.
    Le stéthoscope s’imposa plus rapidement à l’étranger qu’en France où les médecins se croyaient supérieurs aux chirurgiens et dédaignaient les instruments qui auraient pu les assimiler à des travailleurs manuels. La plupart se contentaient de regarder et d’interroger, établissant surtout une relation intellectuelle avec le patient en évitant de trop le toucher, ce qui convenait fort bien aux malades, surtout lorsqu’il s’agissait d’une femme. Le stéthoscope, instrument simple, léger et performant, allait transformer tout cela et devenir le symbole même du médecin.


    Un instrument à casser des cailloux


    Au début du XIXe siècle, le Français Jean Civiale mit au point un appareil qui, introduit par la verge jusque  dans la vessie au contact de la pierre, permet de la fragmenter et de retirer les débris. A sa mort, il avait pratiqué plus de quinze cent lithotrities et un certain Pajot, professeur d’obstétrique et poète, écrivit :

    «  De Civiale au cimetière
    Où la mort vient de l’envoyer
    La tombe n’aura pas de pierre
    Il sortirait pour la broyer »
    [3]

                                                                                   

    Comment pincer sans crainte

    Le rêve de tout chirurgien est de laisser son nom à un instrument. Au milieu du XIXe siècle, ils sont nombreux à chercher la pince la plus efficace pour contrôler les vaisseaux avant de les lier et couper afin d’opérer dans un champ asséché et clair. C’est  Jules Péan à Paris qui remporte le pompon en inventant la pince à forcipressure crantée qui reste fermée sur le vaisseau, mais que l’on  peut ouvrir facilement avec un doigt, cette pince astucieuse rendit son inventeur célèbre. Tous vont l’imiter : à chacun sa pince. Celle du suisse Théodor Kocher est toujours utilisée et  semble avoir plus contribué à sa mémoire que le fait d’avoir créé la chirurgie thyroïdienne et obtenu le prix Nobel.

    Une autre espèce de pince est formée d’un tube dans lequel coulisse une tige terminée par trois ou quatre branches concaves qui s’écartent lorsqu’on pousse la tige. En la tirant elles peuvent se fermer sur une balle pour l’extraire d’une plaie et c’est pour cet usage que le chirurgien du pape, Alfonso Ferri l’a inventée au XVIe siècle. Cet « alphonsin » est utilisé par les urologues pour saisir des calculs mais son avatar le plus connu est la pince à sucre.

    Pour passer à la postérité, les chirurgiens tentent de laisser un nom à un instrument quelconque, une pince, un porte-aiguille, un écarteur. Les moins inventifs  modifient la forme, rajoutent une vis et leur nom à un appareil existant en espérant que le trait d’union qui unit leur patronyme au premier concepteur finira par disparaître au profit du leur. Parfois l’instrument de chose ou machin devient si usuel que le nom propre devient commun comme celui du préfet Poubelle.

                                                                                     

    Comment laisser volontairement un corps étranger dans une plaie

    Laisser un tube , une lame de caoutchouc ou une mèche de tissu dans une plaie ou un site opéré pour permettre l’évacuation du sang ou du pus est une idée simple. Cette invention fondamentale pour les chirurgiens est due au Français Pierre Chassaignac au milieu du XIXe siècle. Cent ans plus tard, nouveau progrès, Jost, interne chez Redon, invente le drainage aspiratif par le vide dans une petite bouteille transportable, permettant au patient d’aller à la cafétéria.

                                                                                    

    Un brassard pour désigner une population à traiter

    L’italien Scipione Riva-Rocci en inventant en 1896 le brassard gonflable permettant une mesure commode et précise de la tension ouvrit ainsi une voie prometteuse. Cet appareil astucieux a permis de dépister une maladie silencieuse, aux compagnies d’assurances d’augmenter les primes en fonction des chiffres de la pression artérielle constatés chez les postulants, aux médecins d’augmenter leur clientèle en abaissant les critères de normalité et aux laboratoires pharmaceutiques d’augmenter leur bénéfice[4].

                                                                                    

    Un bain de pieds riche en promesses

     

    Le premier enregistrement interprétable de l’activité électrique du cœur (électrocardiogramme) a été réalisé par le Hollandais Willem Einthoven en 1903, le patient ayant les pieds et les mains dans des bassines d’eau salée connectées à l’appareil d’enregistrement.

                                                                                     




    Un emballage salvateur 

    La cellophane, dérivé de la cellulose a été inventé par le Suisse J. Brandenberger en 1908. Que peut-on faire avec de la cellophane en dehors d’emballer des aliments ?  Mais un rein artificiel, évidemment ! Willem J. Kolff, jeune médecin hollandais de 32 ans y pensa en 1943, fabriqua les premiers reins artificiels opérationnels permettant d’épurer le sang quand les reins ne peuvent plus le faire. Après la guerre, il partit aux Etats-Unis avec ses machines et ira encore participer à l’aventure du cœur artificiel.
    C’est à  Kolff, oublié du Nobel et des dictionnaires que des milliers d’hémodialysés doivent la vie .

     




    Une machine sans coeur

    « Il est mort d’un arrêt du cœur » est le plus souvent un pseudo diagnostic très apprécié dans les œuvres de fiction. Le médecin ne risque pas de se tromper : la mort définitive est toujours provoquée par un arrêt du cœur quelle que soit la cause qui a conduit à cet arrêt. Mais inversement un arrêt du cœur ne provoque pas toujours la mort.

     

    En 1954, pour ouvrir le cœur d’un enfant de 12 mois et corriger une anomalie congénitale, l’Américain Lillehei utilise le père de l’enfant vers lequel le sang veineux du petit malade est dérivé, le sang oxygéné du père retournant dans le système artériel du nourrisson. Dans cette circulation croisée le coeur du père bat pour son enfant, il respire pour lui et lui donne son sang. Bel exemple d’amour parental que Lillehei utilisera quarante six fois.
    La même année il remplaça le père ou la mère par le cœur-poumons artificiel, inventé par

    John Gibbon en 1953 à Philadelphie, moins romantique mais plus sûr. La

    machine de circulation extra-corporelle remplace et le cœur et le poumon le temps d’une intervention chirurgicale. Le sang à l’entrée du cœur est dérivé vers la machine, oxygéné et propulsé dans l’aorte pour être distribué à l’ensemble de l’organisme, hormis le cœur que l’on hiberne en le refroidissant ou pour lequel on met en place une arrivée de sang particulière. Le coeur peut ainsi être arrêté pour être aisément opéré.[5] Gibbon utilisa pour la première fois sa machine pour opérer un enfant de quinze mois ayant une communication anormale entre les deux oreillettes du cœur.[6]

    Ainsi depuis les années 1950 les chirurgiens cardiaques arrêtent le cœur sans provoquer la mort quand ils le veulent et peuvent le faire repartir presque toujours. «  Le chirurgien tremble chaque fois que le cœur qu’il a dans la main s’arrête de battre : on sait parfaitement qu’il repartira après traitement approprié, mais quand même, quelle angoisse ! »[7]

     

    Miracle !

     

    Le cœur arrêté peut battre à nouveau après un choc électrique[8]. C’est grâce au défibrillateur inventé par l’américain Bernard Lown en 1961 que la médecine moderne peut quotidiennement accomplir ce miracle. Il était donc normal qu’une de ses premières « miraculées » ait été persuadée en se réveillant de voir l’Ange Gabriel tout de blanc vêtu. En attendant d’être sanctifié, Lown a obtenu le prix Nobel, mais pas pour son invention miraculeuse, il a été récompensé par celui de la paix avec le russe Evgeni Chazov au nom de L’Association Internationale des Médecins pour la Prévention de la Guerre Nucléaire qu’ils avaient fondée en 1980.


    Un jeu de bille dans une cage

     

    Starr. et M.L. Edwards inventèrent la première prothèse valvulaire cardiaque métallique, faite d’une cage en acier habillée de téflon dans laquelle joue une bille en silastic. La bille est repoussée contre le sommet de la cage par l’éjection du sang et retombe sur l’anneau cousu sur les bords de l’orifice cardiaque qu’elle ferme lorsque cesse l’éjection. C’est simple, mais il fallait y penser.
    Cette valve artificielle fût mise pour la première fois chez l’homme en 1961, à la place de la valvule mitrale entre les deux cavités gauches du coeur. Dans les premiers modèles la bille pouvait se déformer et s’échapper de la cage avec le résultat que l’on devine. Les billes métalliques qui suivirent faisaient tellement de bruit qu’elles rendaient le sommeil difficile et les divorces fréquents. Mais le nombre de vies sauvées par la valve de Starr et sa bille sont innombrables. Depuis la bille a été remplacée  par un disque basculant puis par des volets  (ailettes).



    Un cœur délocalisé

    Dès 1928 des physiologistes anglais et russes construisirent des cœurs mécaniques. L’ utilisation du cœur artificiel pour soutenir le cœur défaillant d’un homme a été réalisée en 1982 par  W.C. De Vries et L.D. Joyce ; le malade survécut 112 jours attelé à un chariot de 150 kg. Remplacer totalement le cœur par une machine implantée dans la poitrine est à présent possible.

     

                                                                                    




    Un jeu de ballon intime

     Les adultes comme les enfants ont remarqué qu’un ballon dégonflé prend moins de place qu’un ballon gonflé. Fogarty inventa une sonde muni d’un ballonnet à son extrémité qui peut être introduit dans un conduit étroit lorsque le ballonnet est dégonflé et une fois en place, lorsqu’on le gonfle, il s’applique hermétiquement aux parois du conduit. On s’en sert pour ramener des caillots dans une artère ou pour colmater une hémorragie dans le tube digestif.

    Le Suisse Andreas Gruentzig eût l’idée d’utiliser le même procédé pour dilater une artère. Il bricola ses cathéters expérimentaux dans sa cuisine et inventa, à la fin des années 1970, l’angioplastie qui permet de dilater les artères accessibles lorsqu’elles sont rétrécies et de sauver chaque jour des centaines de malades dont les artères du cœur s’obstruent. Aujourd’hui, on peut y ajouter un petit ressort serti sur le ballonnet et le déployer pour étayer les parois de l’artère et même délivrer des substances visant à prévenir un nouveau rétrécissement du vaisseau. La méthode est largement utilisée même en dehors de la cardiologie.

     

     



    Ce sont les physiciens des temps modernes qui ont inventé les machines spectaculaires de l’imagerie médicale, laissant aux médecins les joies du bricolage qu’ils pratiquent modestement depuis des siècles.

     

     

     

     

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] Syllogismes de l’amertume

    [2] Histoire de la médecine

    [3] Cité par P.Léger, Chroniques de l’Urologie française, éd Schering

    [4] Le coût des médicaments de l’hypertension artérielle prescrits en ville représentait en 1999 plus de neuf milliards de francs.

    [5] L’expérience des chirurgiens cardiaques est telle que l’on peut à présent réaliser des pontages entre l’aorte et les coronaires à cœur battant et sans circulation extra-corporelle

    [6] L’enfant mourût en raison d’une erreur diagnostique, car il avait en outre une communication anormale entre l’aorte et l’artère pulmonaire (persistance du canal artériel), non détectée

    [7] Lezius , chirurgien allemand, pionnier de la chirurgie cardiaque, cité par M.Iselin (L’aventure en chirurgie)

    [8] A condition que l’arrêt des battements soit dû à une activité anarchique des fibres cardiaques (fibrillation)


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    LES CONFESSIONS DE SATAN                                                             

                                      

    Dans le XXe siècle, J'ai beaucoup investi

    Et Me voilà diablement content.

    On recherche des Justes pour le Paradis,

    Et ici, Je ne sais que faire des Méchants. bosch38.jpg

     

    L'Europe M'a offert dès le début

    Ses peuples sombrant dans la guerre,

    Dans un grand massacre inattendu

    Pour de misérables talus de terre.

     

    Les soldats creusaient leurs tombes,

    En sortaient tels des spectres pour mourir,

    Les membres amputés par les bombes.

    On fête en Novembre leur souvenir.

     

    J'ai eu le Géorgien destiné à la prêtrise,

    Quittant heureusement le séminaire,

    Pour torturer ses amis accusés de traîtrise                             

    Et emplir par millions les cimetières.

     

    Mon préféré était le fol Autrichien,

    Quatrième enfant de parents issus

    De cousins germains. Par Mes soins,

    Ce fut le premier qui  survécut.

     

    Ah ! L'Autrichien n'a pas été ingrat.

    Il s'est de suite attaqué au peuple élu,

    Celui-là même qui au monde révéla

    Mon Concurrent et le Paradis perdu.

     

    Massacre  grandiose parce qu'inutile.

    Dans le monde, il souffla la tempête

    Dans l'ignoble, l'Autrichien était habile

    Pour transformer les hommes en bêtes.

     

    Il déclencha une guerre mondiale,

    Terminée en apothéose au Japon.

    A côté du feu d'artifice final,

    l'Enfer lui-même paraissait pâlichon.

      

    Deux Asiatiques m'ont fait bien rire !

    Le Chinois qui débordait d'imagination

    Pour baptiser avec délicatesse le pire,

    En jouant avec les morts par millions.

     

    Les Cent Fleurs bien arrosées de sang,

    Le Grand Bond en Avant : une culbute

    Qui laissa son pays affamé et pantelant,

    Et la Révolution Culturelle des incultes.

     

    Le Cambodgien était un triste comique :

    Il voulait bâtir les villes à la campagne,

    Et sans diplôme, il trouva plus pratique

    De tuer ou mettre les diplômés au bagne.

     

    Si le Cambodgien était plus primaire,

    Sa folie efficace a mis sans remords

    Un bon tiers de son peuple au cimetière,

    Pour finir en paix en escamotant sa mort.

     

    Il a été aussi élève d'une école catholique.

    Je remercie en passant les bons pères,

    Les Evangiles révélées aux diaboliques

    Ont envoyé nombre de clients en Enfer.

     

    Le quatuor du XXe siècle reste inégalé,

    Leur requiem flotte encore sur le monde,

    Ses membres ont leurs amateurs fascinés

    Qui viennent encore fleurir leurs tombes.

     

    D'autres à l'écoute sont leurs apprentis.

    Je ne compte plus les sombres dictateurs,

    Gras vampires saignant à blanc leur pays,

    Sous tous les cieux, des pôles à l'équateur

     

    La cruauté a des ressources prolifiques :

    Attentats, guerres, famine, machettes,

    Et frappes chirurgicales hémorragiques.

    Le Mal et l'Enfer sont toujours à la fête !

     

    On tue au Nom de Mon Concurrent,

    Je me régale du massacre des innocents,

    Le XXe siècle était une bonne cuvée,

    Mais le siècle présent a bien commencé !


    Paul Obraska


    Hieronymus Bosh "L'Enfer"



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    Mary Cassat "Deux enfants sur la plage"

     

    SABLE   La main en sablier presse les grains fuyants, Le sable entre les doigts écartés Coule dans un doux chuintement, Aussi fluide que l’eau qui l’a créé.   Avec le sable les enfants bâtissent des châteaux Où leurs rêves deviennent réalité, Jusqu’à la montée prochaine des eaux Où ils seront détruits par la marée.   Dans le minéral pulvérisé par le temps, Les enfants connaissent la sagesse amère De voir leurs rêves ne durer qu’un instant.   Avec la même foi, ils recommenceront demain. Les adultes font comme les enfants,

    Ils ne se lassent pas de construire en vain.

    Paul Obraska

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    Félix Vallotton "Sur la plage"
     

    SUR LA PLAGE   Solitaires sur la plage glacée Sous un soleil froid Trois ombres sont assises habillées Elles ne se baignent pas Elles ne pourront plus se baigner   Elles regardent la mer couleur de boue La larme à l’œil Et la mer les regarde de ses bulles irisées La vague à l’âme   L’écume froufroute sur le rivage En rejetant par hoquets Des bouteilles gondolées sans message Des boulettes noires par paquets Des sacs gonflés en plastique Des consommables consommés Des préservatifs pathétiques De tristes oiseaux mazoutés De petits poissons ventre à l’air Et des ratons laveurs débordés Echappés d’un recueil de Prévert Jeté à la mer

    Sans pitié

    Paul Obraska

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  •  

    Les médecins font-ils des expériences sur leurs patients ? Oui, mais aujourd'hui cela ne concerne qu'une petite partie du corps médical spécialisée dans la mise au point des nouveaux traitements. Par contre, au début du XXe siècle[1] on signalait des expérimentations humaines fort diverses et sans aucun contrôle ni châtiment : tentatives de transmission souvent réussies de la syphilis, de la peste, du paludisme, de la rougeole, du typhus, de la lèpre, et même du cancer sur des mourants, des condamnés, des handicapés mentaux, des prostituées, des femmes allaitant, des enfants. A notre époque, il est plus simple de faire de la recherche dans les pays pauvres. 

                                                                                    

    Le chirurgien, le roi et le cuisinier

    Ambroise Paré, lui-même, empoisonna un jeune cuisinier. La pierre de bézoard est une concrétion calculeuse qui se forme dans l'estomac des quadrupèdes, elle était réputée au Moyen Age comme antipoison universel. Ambroise Paré n'y croyait pas et voulut en convaincre Charles IX. Il promit à un jeune cuisinier condamné à la pendaison pour avoir volé deux plats d'argent qu'il serait gracié s'il acceptait de se laisser empoisonner à l'arsenic avant d'avaler le bézoard. Le malheureux mourut dans d'atroces souffrances. Malgré son sacrifice, Charles ne fut pas convaincu. Le roi conclut que c'était cette pierre de bézoard là qui était exceptionnellement inefficace. « La vérité ne triomphe jamais mais les imbéciles finissent par mourir. » (Wolfgang Pauli). L'imbécile n'était pas le cuisinier.

     

    Un trou de balle bénéfique

    William Beaumont était un chirurgien de l'armée des Etats-Unis au XIXe siècle. En poste à Fort Mackinac sur le lac Michigan, il reçoit un jour Alexis Saint-Martin,  trafiquant de fourrures, blessé par balle. La plaie cicatrise en laissant une fistule qui fait communiquer l'estomac avec l'extérieur. Beaumont, modeste praticien, formé sur le tas, n'ayant jamais fréquenté une école de médecine, comprend le parti à tirer de cette situation, engage l'homme et, pendant onze ans, va étudier la digestion de son « cobaye ». Beaumont publie :  Expérimentations et observations sur le suc gastrique et la physiologie de la digestion . Cet autodidacte de la science a ouvert le chapitre de la physiologie digestive. Des hôpitaux vont porter son nom.  Une poétesse, Ann Eby, a écrit une ode, « Heroes of the fistula » où l'on peut lire :

    « O Lucky William Beaumont ! What scientific luck !

     Privy to gastric mysteries through a passage to gut »

     

    Un germe de querelle

    Le Norvégien Gerhard Armauer Hansen entra en conflit avec son beau-père le Pr Danielssen, grand spécialiste de  la lèpre, qu'il considérait d'origine héréditaire, alors que pour lui, elle paraissait microbienne. Il parvint à isoler le microbe en 1874 et tenta de l'inoculer vainement à des malades. Une d'entre  eux  porta plainte, eut gain de cause et ... l'on fît à Hansen des funérailles nationales

                                                                                   

    La sagesse paysanne

    Provoquer une maladie légère pour  en éviter une sévère, éventuellement mortelle, est une découverte des paysans chinois et turcs, exploitée par la médecine occidentale. Les paysans  d'Anatolie frottaient le bras scarifié de leurs enfants avec du pus de varioleux convalescent pour les préserver de la petite vérole. Au XVIIIe siècle, Lady Montaigu Wortley, femme de l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, fit ainsi inoculer ses enfants et ramena la « variolisation » en Angleterre. La pratique se répandit, notamment en France, où le médecin de l'aristocratie, Théodore Tronchin,  inocula -  on disait « tronchina » - des milliers d'enfants. Mais la maladie provoquée pouvait se révéler dangereuse : un enfant sur cinq en mourrait. On finit par en interdire la pratique pour la reprendre après la mort de Louis XV et sacrifier un enfant pour en protéger quatre.

     

    Où le pis donne le meilleur

    Après bien des hésitations, l'Anglais Edward Jenner inocula, le 14 mai 1796, à James Phipps âgé de huit ans, la variole des vaches ou vaccine dont les pustules des pis transmises aux vachers semblaient les préserver de la variole. La vaccination fût heureusement un succès et conquit l'Europe, non sans oppositions,  jusqu'à la lointaine Russie où la Tsarine adopta le premier enfant vacciné, qu'elle appela Vaccinof.

     

    Et Pasteur vint

    Jenner avait découvert la vaccination naturelle, un siècle plus tard Pasteur mit au point la vaccination avec des germes de la maladie même et pour commencer ni tués ni atténués. Ce sont encore des enfants qui, logiquement,  essuyèrent les plâtres. Joseph Meister, neuf ans, puis Jean-Baptiste Jupille, berger jurassien de quinze ans,  échappèrent par miracle à la rage alors qu' il n'y a pas de preuve certaine qu'ils en étaient atteints. Par la suite plusieurs vaccinés moururent de la rage. L'hygiéniste et Doyen de la Faculté de Paris Paul Brouardel, qui en avait la preuve, dissimula heureusement la vérité pour sauver la vaccination. Car Pasteur avait raison. Les vaccinations obligatoires, qui consistent à sacrifier quelques individus pour le bien du plus grand nombre, ont permis l'éradication de la variole et la quasi disparition des maladies infantiles les plus graves comme le croup et la poliomyélite.

                                                                                             

    Un risque consenti

    De nos jours, les essais thérapeutiques comportent évidemment des risques, mais ceux qui les subissent sont en principe consentants, bien que la façon de présenter les choses influence le consentement. C'est surtout après le Procès de Nuremberg et les expérimentations imbéciles et sadiques des nazis, que l'on a tenté en 1947 d'encadrer les expériences sur les humains. L'obligation principale est le consentement éclairé du sujet expérimenté. L'éclairage est toujours tamisé et souvent remplacé par un lien de confiance entre le médecin et le sujet comportant parfois un zeste de duperie. De toute façon, on fait prendre des risques aux patients à qui l'on ne donne qu'un placebo ou un traitement inférieur à celui testé. L'inverse est possible : le placebo ou le traitement de référence peut être supérieur au traitement testé. Le risque est donc toujours présent quel que soit l'essai. Il faut un certain temps pour le constater et se sentir obligé d'arrêter l'expérience, mais la plupart des patients malchanceux en ont déjà subi les conséquences.

                                                                                    

    En marchant avec trop de précautions, on risque de ne pas avancer.

    « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur » (Beaumarchais)[2].

    Le principe de précaution est souvent un parapluie qui ne s'ouvre qu'après avoir reçu l'averse et qui se ferme avant la suivante. Après l'écologie, il envahit la médecine. Si l'on cherche à éviter tout risque potentiel même à longue échéance, on peut considérer que la médecine est arrivée à son étape ultime. Toute tentative de progrès ultérieur, toute introduction d'une nouvelle technique ou d'un nouveau traitement ne peut que contredire ce principe de précaution qui va au-delà de la prudence et de la rigueur.

    Comment peut-on respecter le principe de précaution en médecine ? La plupart des tentatives thérapeutiques n'auraient pu être réalisées dans le passé si l'on avait respecté ce principe. Quant aux premières chirurgicales chez des patients dont la vie n'était pas menacée dans l'immédiat, elles n'auraient pas eu lieu. En voici deux exemples :

     

    Jusqu'au XIXe siècle, ouvrir un ventre était un arrêt de mort par péritonite. Aucun chirurgien n'osait opérer les kystes de l'ovaire qui devenaient énormes et finissaient par tuer. Celui d'une brave paysanne du Kentucky, qui atteignait ses genoux, ne l'empêcha pas de faire soixante miles à cheval pour consulter le chirurgien de la bourgade la plus proche, Danville. Chez lui, le jour de Noël 1809,  Ephraïm McDowell fit la première laparotomie et extirpa un kyste de plus de dix kilos. Pendant ce temps la malade récitait des psaumes. Elle survivra des années, bien après son chirurgien, mort d'une appendicite que personne ne savait opérer.

     

    Au cinéma il y a des cow-boys, des indiens, des blanchisseurs chinois, des croque-morts et parfois des médecins. George Goodfellow est, vers 1880, chirurgien à Tombstone, dans l'Arizona, sur la « Frontière », la ville du « Règlement de compte à OK Corral. ». Il est réputé pour son habileté à extraire les balles. Il remplit les fonctions de coroner, détermine qui a tiré le premier et  peut éviter à un homme la pendaison. C'est un aventurier, toujours prêt à partir à la poursuite du chef apache Geronimo ou à la guerre contre les Espagnols. En même temps il exerce son métier : en 1871, c'est le premier à faire l'ablation complète d'un adénome de la prostate.[3]




    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] Thèse de Bongrand 1905

    [2] Le Barbier de Séville

    [3] R.Küss et W. Gregoir, Histoire illustrée de l'urologie


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