• 20. De la persuasion au chantage

     

     

    Francisco Goya "Autoportrait avec le Dr Arrieta"


    Le paradoxe du pouvoir médical. Si le médecin n'avait pas de pouvoir, on se demande pourquoi on irait le consulter. Le pouvoir du médecin est redouté, critiqué,  honni mais nécessaire et recherché. Ne pas l'exercer constitue une faute professionnelle, à la limite condamnable : c'est la paradoxe du pouvoir médical.

    Sur la société la médecine exerce une dictature. Comme toute dictature, elle est basée sur la terreur, celle de la maladie et de la mort. Comme toutes les dictatures, elle prétend s'exercer pour le bonheur de la population et trace les limites du bien et du mal

     

    Il est mal de fumer. C'est en tous cas s'exposer aux multiples façons de mourir par le tabac. Longtemps symbole de virilité, il peut conduire à l'impuissance en rétrécissant les artères. Devenu symbole d'indépendance et d'égalité chez la femme, il lui permet d'avoir des cancers de l'homme qu'elle n'avait que rarement auparavant et de succomber plus tôt, comme lui, aux maladies cardio-vasculaires. « Juste après le coït on entend rire le diable » (Schopenhauer). C'est sûrement parce que c'est le moment où l'on fume une cigarette.

                                                                                    

    Il est mal d'être gros. L'épidémie d'obésité des pays développés est à la limite indécente mais contrebalance la perte de poids des dénutris  des pays pauvres, permettant ainsi la stabilité pondérale de la biosphère. La calorie, unité de quantité de chaleur et de valeur énergétique des aliments, est omniprésente dans les conversations des dîners en ville où les convives transmutent simultanément la chaleur en poids et l'énergie en masse. L'amaigrissement est l'objectif déclaré d'une industrie alimentaire pléthorique qui fait de la prévention et de la santé ses arguments publicitaires principaux. A cet égard, les idées médicales ont un impact économique pour lequel les médecins devraient réclamer des droits d'auteurs.

    Mais rien n'est simple : si le surpoids favorise les maladies cardiovasculaires, en cas d'accident cardiaque l'évolution semble plus favorable chez les gros que chez les maigres.

                                                                                  

    Il est mal de manger ceci ou cela. On s'alimentait pour vivre en y prenant si possible du plaisir. La médecine a heureusement modifié les choses : on mange pour ne pas être malade, suivre l'ANR (apport nutritionnel recommandé)   et devenir assez vieux pour ne plus avoir de dents pour manger « car l'important n'est plus de vivre pleinement le temps qui nous est alloué mais de tenir le plus tard possible : à la notion d'étapes de la vie succède celle de longévité » (Pascal Bruckner)[1]. « Alicament » est une trouvaille néologique qui sert à vendre un aliment auquel le fabriquant attribue des vertus thérapeutiques.

                                                                                  

    Il est mal d'être sédentaire. Pourtant «  Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand chose »  (St Paul)[2]. C'était également l'avis bien connu de Churchill qui attribuait sa longévité à son mépris du sport :« never sport ». A notre époque le sport a cependant bonne presse, surtout pour les articulations qui s'usent et les disques qui s'écrasent. Bouger, certes, mais pourquoi s'épuiser ?

     

    Pour votre bien soyez inquiet. Le mode de vie conseillé par les médecins s'applique à toute la population, ceux qui ne rentrent pas dans le cadre vertueux  sont marginalisés et montrés du doigt. S'éloigner de la moyenne statistique devient un péché mortel. Et en plus, les médecins ont raison !

    Toute la population est soumise par tous les moyens : ondes, télévision, journaux, à des messages l'informant de toutes les maladies dont elle peut être atteinte. Diffusion insidieuse, permanente de notre fragilité. Il est confirmé à celui ou celle encore en bonne santé que cette état n'est que transitoire et qu'il n'est pas raisonnable de jouir de cette félicité. Les gens qui se sentaient bien finissent par se sentir mal à l'annonce qu'ils ont tel ou tel risque d'avoir telle ou telle maladie et ceci de façon répétée. Crainte diffuse et diffusée que les annonceurs utilisent pour recueillir des fonds. Mais obtenir de l'argent sous la menace n'est-ce pas du chantage ?




    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] L'Euphorie perpétuelle, éd Grasset et Fasquelle, 2000

    [2] 1ère épître à Timothée 4/8

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 1er Mai 2008 à 03:46
    Impressionnant de vérité ... Ce piège, j'y suis tombée en en étant consciente ... J'ai peur !!! Merci, cher Paul, pour le cadeau de vos mots si beaux ! Vous êtes unique ( plus que quiconque ... sourire ) . L'or des choses je l'ai mis en pensant à vous, après la tristesse et la mélancolie qui vous a plu . Il fut un temps où la musique et l'idée de l'Ailleurs me faisaient rêver ... Toute mon amitié, en toute sincérité . Liza PS Vous avez bien fait de mettre votre photo !
    2
    Lundi 2 Juin 2008 à 14:57
    il est tellement mal d'avoir mal... Je ne vais plus chez les mèdecins qu'en cas d'urgence! Et même là j'hésite... De toutes façons, je suis incassable, invincible et immortelle!!
    3
    Lundi 2 Juin 2008 à 22:56
    C'est une excellente nouvelle
    Paul O.
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    4
    Dimanche 7 Septembre 2008 à 10:02
    Le pouvoir médical, comme beaucoup, repose sur le savoir. Ce qu'on demande en premier lieu au médecin, c'est de nous faire profiter de son savoir pour partager un peu de son pouvoir (notamment, s'il existe une alternative,celui de choisir entre deux traitements proposés.
    5
    Dimanche 7 Septembre 2008 à 10:45
    Oui. Mais on finit parfois par en vouloir à celui qui sait ce que vous ne savez pas. C'est un des effets pervers du principe d'égalité.
    Quant au choix laissé au malade, je compte en parler dans des chroniques futures. Ce n'est pas simple.
    Merci d'être encore venu explorer les strates enfouies du blog
    P.O.
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