• 142. Un avenir éclairé II

    Des chercheurs américains de la faculté de Stanford avaient publié dans le Lancet du 30 avril 2010 le premier séquençage du génome entier d'un homme qui n’était aucunement malade, mais avait des antécédents familiaux de maladie vasculaire et de mort subite. La détermination de cette carte génétique avait coûté 10000 dollars (le prix du premier séquençage était de 2 ,7 milliards de dollars).

    Bien sûr, ces chercheurs ont trouvé chez cet homme sain des variants  prédisposant à nombre de maladies : les uns pour deux affections exposant à la mort subite, d’autres variants pour la maladie coronaire et l’infarctus du myocarde, le diabète et l’obésité sans compter ceux associés à des sur-risques de cancer, d'arthrose et de maladies plus rares.

    Ce constat laisse penser que chacun d’entre nous dispose d’une belle panoplie génétique de maladies futures, ce dont on se doutait, mais leur éclosion dépend également d'interactions avec l'environnement et du comportement, ce qui laisse heureusement une marge d’incertitude.

    Le prix du séquençage ayant nettement baissé (quelques centaines de dollars) et  avec l’ambition de promouvoir une prévention individualisée, ce qui cadre bien avec la propension à ficher chaque individu, les Américains organisent quatre programmes de recherche sur cinq ans, qui débuteront en 2014, dont le but est de séquencer le génome de tous les nouveaux-nés et de leurs familles d’une cohorte à recruter, afin  d’étudier les conséquences médicales et éthiques de cette démarche et d’observer en quoi le destin des enfants en serait changé. C'est-à-dire suivre le devenir des enfants et celui de leurs parents après leur avoir injecté une bonne dose d’inquiétude, mais en instaurant une prévention ciblée. On peut se demander si à cette occasion des paternités douteuses ne seront pas découvertes. [Ajoutons que ficher l’ADN de tous les individus n’est pas sans intérêt pour les enquêtes policières].

    Le séquençage du génome des bébés pourrait donc devenir un test de routine. Dans certains états américains, comme la Californie, c’est déjà le cas. Selon certains la France prendra le même chemin : “Je pense que 100% des bébés seront séquencés au début des années 2020. Et j’ai même la conviction que ce séquençage se fera avant la naissance.” (Dr Laurent Alexandre, spécialisée dans le séquençage des tumeurs)

    Cette ambition part de bonnes intentions car n’est-il pas réjouissant de connaître avec une meilleure probabilité les maladies dont nous allons mourir, alors que nous n’en avions qu’une vague idée. Mais si l’on se réfère au cas exploré par les chercheurs de Stanford, la plupart des grandes maladies figurent dans son tableau nécrologique et on se demande quelle prévention drastique serait nécessaire pour le prolonger de quelques années, la prévention et la surveillance tous azimuts risquent fort de lui gâcher la vie.

    Il faut rappeler à tous  ces chercheurs que nous sommes mortels et que la prévention, aussi sophistiquée soit-elle, aboutit toujours à un échec. Qu’avoir une prédisposition à une maladie ne prouve aucunement que celle-ci surviendra dans le cours d’une vie, mais le sujet, lui, aura peut-être l’impression d’une fatalité. Que de savoir avec une plus grande précision que nous sommes menacés (ce que nous savons) augmentera l’angoisse de chacun. Qu’un des moteurs de la vie est l’incertitude, non pas de notre propre mort, mais de sa date et de la façon de mourir et que cette incertitude est source d’espoir en mettant la mort entre parenthèses. Reste que je salue tous ces efforts pour nous immortaliser.

    Dessin de Geluck

    142. Un avenir éclairé II

    « Blague marseillaise143. « Connais-toi toi-même » »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 18:50

    La conséquence logique de tout ça, c'est l'euthanasie préventive.

    2
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 18:55

    On passera d'abord par l'eugénisme.

    3
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 20:15

    Le nombre de dépressifs et de névrosés va devenir incalculable ! A mon avis, cette recherche est une vraie chasse aus sorcières...

    Bonne soirée Paul

    4
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 20:36

    C'est considérer les maladies comme des sorcières. C'est aussi considérer chacun "comme un malade qui s'ignore" et vouloir lever cette ignorance, ce qui n'est pas toujours très sain.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :