• 133. A propos des découvertes en médecine

    Si l’on se tourne vers le passé de la médecine, nous pourrions considérer que tout est insolite, car différent de nos conceptions. Ce qui est le plus déroutant dans le passé médical est la découverte de maladies sorties de l’imagination des médecins et assorties de traitements fantaisistes ou qui se rapprochaient plus de la torture que de la thérapeutique. Mais je ne serais plus là pour connaître l’avis effaré de nos successeurs sur nos conceptions actuelles.

    Cependant, beaucoup de grands esprits, même dans un passé lointain, avaient découvert les germes de la médecine moderne. Parfois ces découvertes mirent longtemps à être utilisées ou développées.

    Hippocrate, quatre siècles avant notre ère, avait déjà eu l’idée de la circulation sanguine : « les vaisseaux qui s’étendent à travers tout le corps […] ne sont que les ramifications d’un seul vaisseau original. […] Je reconnais ne pas savoir où commence ni où finit ce vaisseau, car dans un cercle il n’y a ni commencement ni fin »[1]. Il s’agit en fait d’un double cercle qui sera décrit mille ans après par Harvey.

    La ligature des vaisseaux  prônée par Ambroise Paré au XVIème siècle était utilisée pour contrôler les hémorragies dès le XIème à l’école de Salerne, et il a donc fallu longtemps pour qu’elle remplace définitivement la douloureuse cautérisation des plaies. Celle-ci est d’ailleurs réapparue avec le bistouri électrique (mais sous anesthésie)

    Paracelse, au XVIème siècle également, avait remarqué que l’éther, appelé eau blanche, pouvait endormir des poulets. Ses vertus anesthésiques n’ont été utilisées que trois siècles plus tard.

    L’époque récente n’a pas échappé à cette lenteur : La pénicilline n’a été utilisée que cinquante ans après sa découverte.

    Aujourd’hui, les découvertes trouvent rapidement leurs applications et parfois avec trop de précipitation, surtout lorsqu’elles risquent de bouleverser la société. La réflexion sur leurs conséquences éventuelles est toujours en retard sur leur expansion et serait de toute façon impuissante à la freiner.

    Traiter un malade c’est traiter un individu, mais le traitement choisi dépend aujourd’hui de ce qu’on l’on observe sur le plus grand nombre. Avec les découvertes statistiques l’individu se plie désormais à la majorité.

    Il n’y a pas de science plus humaine que la médecine mais il n’y a pas de science humaine qui fasse appel à autant de machines pour fonctionner. La médecine repose sur le « colloque singulier » entre un médecin et son malade mais c’est une singularité où l’industrie et le commerce sont omniprésents, mais aussi sources de découvertes.

    L’intrusion du corps humain par une imagerie de plus en plus performante, les découvertes en biologie et en génétique, les grandes études statistiques ont conduit à une médicalisation généralisée de la société. La médecine ne s’applique plus seulement à l’Homme malade mais de plus en plus à l’Homme sain.  On traite des maladies à venir et l’on vous rend coupable de ne pas le faire. On va même jusqu’à susciter des maladies dont on a trouvé le médicament, rejoignant ainsi les maladies imaginaires du passé dont il serait prudent de ne pas se gausser.

     


    [1] Cité par Kenneth Walker Histoire de la médecine

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