• 13. Les médecins veilleurs de vie

    Les médecins sont programmés pour préserver la vie. C’est leur faiblesse. Tantôt on leur reproche de la préserver, tantôt on leur reproche de ne pas le faire.
                                                                                  
    Bouche à bouche
    Il semble que l’on doit à Elisée la première tentative documentée de réanimation «  Elisée arriva à la maison ; là était l’enfant, mort et couché sur son propre lit. Il entra, ferma la porte sur eux deux et pria Yahvé. Puis il monta sur le lit, s’étendit sur l’enfant, mit sa bouche contre sa bouche, ses yeux contre ses yeux, ses mains contre ses mains, il se replia sur lui et la chair de l’enfant se réchauffa. Il se remit à marcher de long en large dans la maison, puis remonta et se replia sur lui jusqu’à sept fois : alors l’enfant éternua et ouvrit les yeux. »[1].
                                                                                   
    Les affres de l’interrupteur
    S’obstiner à vouloir sauver un moribond est souvent reproché à un médecin quand il échoue, baptisé alors « obstination déraisonnable ». Mais « l’acharnement » thérapeutique n’est jamais évoqué quand il aboutit à une quasi résurrection. Personne ne donne la recette pour décider à coup sûr entre acharnement et abandon. Dans un autre domaine, Raymond Aron évoquait « l’infaillibilité des prévisions rétrospectives ».
    Maintenir en vie un malade moribond n’amuse aucunement les médecins. C’est difficile, ça prend du temps, c’est coûteux, mais c’est leur rôle, souvent encouragé par la famille. Les médecins sont raisonnables, ils diminuent progressivement leurs actes lorsqu’ils sont sans issue, mais débrancher une assistance respiratoire, reste un acte terrible. Pourquoi ne pas laisser ce soin à la famille lorsqu’elle reproche au médecin de s’acharner ? Certains le feraient…pour l’héritage .
    La loi Leonetti permet  aux médecins, depuis 2005, de ne pas maintenir artificiellement la vie et ils peuvent proposer au patient - qui doit donc être conscient - d'arrêter les soins actifs et de retirer le respirateur

    Si les médecins savent quoi faire des morts en sursis, sources d’organes, des cadavres récents sources d’enseignement ou des cadavres déterrés lorsqu’on s’abaisse a rechercher une ascendance dans la tombe, les mourants les embarrassent. Les concentrer dans des unités de soins palliatifs est une solution d’attente mais
    méfions-nous des marchands qui vendraient l’agonie
    et aussi comme l’écrit Pascal Bruckner, des «  prosélytes de l’agonie enjouée »[2] Les laisser mourir est un choix thérapeutique difficile. Les achever transforme le médecin en exécuteur des bonnes œuvres.
                                                                                    
    « Exister c’est être voulu »[3]
    C’est mieux, mais arriver par surprise n’empêche pas d’exister. Pendant des siècles la contraception était du ressort des partenaires et tenait souvent du bricolage. Elle est heureusement devenue médicale avec la pilule hormonale qui emprisonne l’ovule et libère la femme ou la mise en place d’un stérilet. Mais la contraception et l’avortement ont longtemps été combattus par les médecins eux-mêmes. On parlait auparavant d’avortement « criminel » dans l’enseignement médical. Les moyens artisanaux pour interrompre une grossesse étaient dangereux et souvent mortels. Ils allaient de l’eau savonneuse à la chute dans les escaliers en passant par la tige de persil et l’aiguille à tricoter. Les procédés anticonceptionnels (le stérilet inventé en  1929 par Ernst Gräfenberg était un anneau précieux fait d'argent et d'or), l’IVG légale et la pilule du lendemain font oublier ce cauchemar médical dont rêvent encore certains pour qui l’avortement reste criminel.
    Si l’avortement a été légalisé en 1975 c’est moins pour l’émancipation sexuelle de la femme que pour régler un problème juridique épineux. Le 30 juillet 1943, Marie-Louise Giraud, blanchisseuse, qui avait aidé des femmes à avorter, a été coupée en deux, sans anesthésie, au moyen d’un instrument de torture appelé guillotine. Le chef de l’Etat Français qui avait refusé la grâce s’appelait Philippe Pétain.
    Les raisons de l’interruption volontaire de grossesse sont pour la plupart valables, mais y recourir peut avoir ses excès si le motif réel de la demande n’est pas une procréation non voulue mais par exemple, le choix du sexe. On assiste ainsi au massacre des fœtus féminins en Asie, notamment en Inde et pour des raisons en particulier économiques : « Avoir une fille, c’est planter un arbre chez son voisin… ». Même dans le ventre de sa mère on n’est plus à l’abri.
     
    La régulation efficace des naissances est certes due aux américains Grégory G. Pincus et Chang qui inventèrent au milieu du XXe siècle la pilule contraceptive, mais aussi à une forte femme, Margaret Higgins Sanger. Née en 1879 d’une famille catholique de onze enfants, elle fût une militante féministe de la première heure, partisane du contrôle des naissances, dont elle créa un premier dispensaire à Brownsville dans l’état de New York en 1916. Celui-ci sera
    fermé après neuf jours et Mrs Sanger envoyée en prison pour un mois. Son combat ne cessera pas et c’est elle qui va persuader la milliardaire Katherine Dexter Mc Cormick de financer les recherches de Pincus et l’expérimentation de la pilule chez les Portoricaines. 
     
                                                                                   
    Les détours de la stérilisation
    Contrairement à la contraception orale, la stérilisation est un acte définitif, elle reste cependant la méthode la plus utilisée dans le monde. Lorsqu’un couple ne désire plus d’enfant et réclame que l’un d’entre eux soit rendu définitivement stérile, c’est habituellement la femme qui se dévoue et accepte une ligature des trompes de Fallope qui conduisent l’ovule des ovaires à l’utérus. Cette intervention nécessite l’ouverture du ventre (même si elle est minimale par coelioscopie) et n’est pas exempte de complications. L'obstruction des trompes peut maintenant être réalisée par les voies naturelles et sans anesthésie générale mais pas sans douleur. Il est plus rare que l’homme propose d’être stérilisé par une vasectomie, bien que la ligature des canaux déférents qui conduisent les spermatozoïdes des testicules à la prostate soit une intervention simple, sous anesthésie locale et rarement compliquée. Il est vrai que la ligature des trompes peut être mise sur le compte d’une pathologie gynécologique prise en charge par l’assurance maladie et en respect du Code civil.
    Les chemins pris par la médecine dans ce domaine ne sont pas toujours à l’honneur des médecins, la stérilisation a été souvent utilisée non pas à la convenance des personnes mais à celle de la société dans le but de la rendre plus heureuse aux yeux de certains.
    Au XXe siècle et jusqu’aux années 1970 de nombreux arriérés et malades mentaux ont été stérilisés par intervention chirurgicale, les femmes par ligature des trompes plus que les hommes par vasectomie, surtout aux USA, en Scandinavie et bien sûr en Allemagne nazie où 400000 personnes furent opérées de force en dix ans.

    Au Pérou dans les années 1990 sous l’impulsion de son dirigeant Alberto Fugimori, qui comptait augmenter le PIB en diminuant le nombre de naissances, la ligature des trompes a été prônée et largement utilisée. Elle était proposée aux femmes plutôt que la contraception orale, avec des arguments douteux : persuasion, menaces ou mensonges (comme : la procréation restera possible après la ligature, il est préférable de ne pas avoir d’enfant puisque la fin du monde surviendra au changement de millénaire…). Les interventions étaient pratiquées à la chaîne, sous tente, entourées de festivités. Médecins et infirmières étaient récompensés des bons résultats et licenciés dans le cas contraire
    [4]
                                                                                    
     
     
     
    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] Rois II 4 32>35, trad. Bible de Jérusalem
    [2] L’euphorie perpétuelle, éd Grasset.
    [3] Octave Hamelin
    [4] Rapporté par le Journal International de Médecine du 09/02/05
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